30 janv. 2009

Montreuil-Bellay, ville close de l'Anjou

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Cliquer sur les montages ci-dessus et les photographies pour les agrandir. Copyright Jacques Sigot pour le texte ; ainsi que pour les clichés, excepté pour les numéros 10 (carte postale ancienne), et 16 (archives Jacques Wilmet). L'ancien plan de la ville, dit cadastre Napoléon de 1829, au centre du document ci-dessus, a été photographié au centre des Impôts à Saumur.

Attention : Ce travail, recherche effectuée à partir d'archives et d'ouvrages divers, et surtout à partir d'une lecture personnelle du paysage, n'engage donc souvent que son auteur.

Montreuil-Bellay, petite ville à la limite orientale de l'Anjou, proche du Poitou et de la Touraine, a gardé intacte la presque totalité de sa muraille médiévale et quatre de ses six portes monumentales, ce qui en fait l'une des dernières des 32 anciennes villes closes de l'Anjou.


Cliché 0 : Muraille primitive
Au XIème siècle, au temps des Berlay, seigneurs du fief, une première muraille curviligne enfermait un donjon barlongue que Foulque Nerra avait fait construire vers 1025, ainsi qu'un village, premier état de l'actuelle ville haute de Montreuil-Bellay, où vivaient ceux que l'on appelait "manants".
Un habitat plus ancien, essentiellement troglodytique, devait exister au bas du tertre, sur les deux rives de la rivière du Thouet, ce qui expliquerait la présence à proximité des ruines de ce qui fut église paroissiale jusqu'au tout début du XIXème siècle.
Cette muraille autrefois en terre, dont subsistent quelques vestiges, longe la rue du Buffet ; des arbres ont poussé sur son sommet.
La partie visible sur le cliché ci-dessus a été ultérieurement consolidée par empierrement.



Cliché 1 : Tour du Guichet
Au XIIIème siècle, les Melun-Tancarville, seigneurs du fief, ont construit une nouvelle muraille pour protéger le bourg qui s'était agrandi. Leurs successeurs, les d'Harcourt, l'ont rehaussée et achevée au XVème.
Nous commençons notre promenade au sud-ouest de la vieille ville, quartier de l'Ardenne. Un cheminement longeait le bord supérieur du tertre et pénétrait dans Montreuil par une porte étroite, dite du Guichet, seulement pour piétons et cavaliers. Côté précipice et rivière, cette porte était protégée par une tour, la Tour du Guichet, aujourd'hui découronnée et transformée en garage.



Cliché 2-1 : De gauche à droite : le château, le rempart qui monte du niveau de la rivière à la ville haute, le rempart et une tourelle d'angle qui enferme le jardin de la Maison Dovalle.


Clichés 2-2  : Rempart et tour de la Maison Dovalle
Sur la gauche du cliché 2-1, la muraille et son chemin de ronde, partis du niveau de la rivière, montent en oblique pour atteindre la ville haute. La muraille tourne deux fois à angle droit pour enfermer le jardin suspendu de la Maison Dovalle et gagne ensuite perpendiculairement le bord supérieur du Tertre. Petite tour d'angle à l'angle le plus vertigineux de l'ancienne enceinte urbaine.



Cliché 3 : Rempart des Nobis
A l'origine, cette section de la muraille très abîmée fermait la ville basse du côté de la rivière qui baignait son pied. Seule paraît la partie haute, le reste ayant été enterré. Les mâchicoulis sont encore par endroits bien conservés.



Cliché 4 : Tour et rempart du Boëlle
Le boëlle était la cour basse du château où pouvaient se réfugier les manants et les paysans lorsque la ville était attaquée. La tour baigne dans les eaux du Thouet. C'est à sa gauche que la ligne des anciens ponts médiévaux, effondrés définitivement en 1577, s'appuyaient sur la rive droite de la rivière.



Cliché 5 : Porte du Boëlle
Cette porte, construite du XVème, est l'une des six portes monumentales ouvertes dans la muraille urbaine achevée par les d'Harcourt. Elle n'est plus visible depuis que le seigneur l'a condamnée à son seul usage après l'avoir remplacée, vers 1669, par une nouvelle porte percée dans le rempart près de la tour du Boëlle. Il entendait ainsi interdire le passage coutumier dans la partie basse de sa propriété, aujourd'hui aménagée en jardins.



Cliché 6 : Rempart du Moulin du Château
Cette section a été en partie démolie vraisemblablement vers 1669 lorsque fut aménagé un chemi-nement entre la cour basse du château et la rivière, et que fut ouverte une porte dans la muraille du Boëlle, près de la tour (cliché 4). L'épaisseur du mur portant le chemin de ronde a été arrachée. Reste une meurtrière.



Cliché 7 : Porte du Moulin du Château
Cette porte jouxte l'ancien moulin à eau du château ; elle était en communication directe avec la porte du Boëlle aujourd'hui condamnée (cliché 5). Toutes deux,  longeant la rivière sur sa rive droite, permettaient la circulation autrefois intense dans la ville basse pour tous ceux qui n'entendaient pas monter dans la ville haute.



Cliché 8 : Les châteaux
Cette photographie, prise par avion en 1981, présente l'ensemble des trois châteaux, de la cuisine médiévale, de la collégiale, et des cours hautes dont l'une a été aménagée en jardins, tous enfermés dans une ceinture de remparts ponctués de tours qui dut épouser la forme curviligne des douves de la première fortification que Foulque Nerra avait fait construire au XIème siècle. 
Successivement, du premier plan vers l'arrière-plan : la collégiale, consacrée en 1484 ; le Château Vieux, début du XVème qui reprit des parties de celui du XIIIème ; à sa gauche, la barbacane à gorge ouverte, du XVème ; puis la cuisine à foyer centrale, en partie du XIIIème ; le Petit Château, dit aussi Logis des Chanoines, du milieu du XVème ; à sa droite, le Château Neuf, élevé à partir de 1485 sur l'ancien château du XIIIème dont on voit encore les puissantes tours cylindriques côté rivière. Le pignon face à nous fut habillé dans les années 1860 lors d'importantes restaurations par les descendants de Jean Niveleau, riche bourgeois de Saumur.
Sur la droite du cliché : la porte du Moulin (cliché 7), et l'ancien moulin à eau reconstruit après qu'il avait été détruit par un incendie en 1896 ; le rempart et la tour du Boëlle, avec la porte ouverte en 1669 (cliché 4).



Cliché 9 : Le château côté sud-ouest.
Tours et courtines du château construit au XIIIème siècle pour remplacer le donjon barlong en terre et bois du XIème que le comte d'Anjou Geoffroy le Bel, dit Plantagenêt, avait détruit en 1151 après un siège de deux années, pour punir Giraud Berlay, seigneur du fief qui s'était soulevé contre son suzerain.



Cliché 10 : Porte Nouvelle
Cette porte s'est certainement appelée ainsi parce qu'elle remplaçait une ancienne porte - sur le même cheminement vers le centre de la vieille ville - ouverte dans la muraille primitive du XIe siècle (cliché 0). La route venant de Saumur suivait autrefois la rive droite du Thouet, et franchissait la Dive à Saint-Just-sur-Dive. Au XVe siècle, quand fut terminée la nouvelle enceinte urbaine, la grande traversée de la ville haute allait de la Porte Nouvelle à la Porte Saint-Jean.
Pour que fût élevée la nouvelle muraille rectiligne de la porte dite Nouvelle au rempart du château, il fallut raser une partie du vieux bâti du faubourg construit à flanc de coteau. J'explique ainsi le nom qu'il porte aujourd'hui : quartier de Razibus.



Clichés 11-1 et 11-2 : Rempart et tour de la Maison Toussenel
C'est là que la muraille urbaine change de direction pour atteindre la Porte Nouvelle puis le château contre lequel elle allait autrefois buter. Elle enferme une belle et vaste propriété où est né l'écrivain Alphonse Toussenel (1803-1885), célèbre auteur d'une précieuse étude sur L'Esprit des bêtes. Il était le  fils de Jean-Paptiste Tousnel (orthographe primitive), nommé maire de Montreuil par Bonaparte en décembre 1800.

 


Clichés 11-3 et 11-4 : Boulevard des Ardillers. Les marronniers ont été plantés à l'emplacement des anciennes douves que l'on avait comblées. Ardiller vient du mot "ardille", l'argile en vieux langage de l'Anjou.

Cliché 11-5 : Boulevard de l'Ardiller, entre les rues de l'Ardiller et Estienvrin. Au premier plan, ce qui reste de l'ancienne muraille urbaine ; au second plan au centre, le manoir des Grands Ardillers ; à l'arrière-plan au centre, la collégiale du château, devenue église paroissiale en 1810.


Cliché 12 : Tour des Augustins
Même si elle appelée parfois Tour des Glycines, je préfère lui donner le nom du monastère qui la jouxte, monastère construit de 1626 à 1641 par des religieux de l'ordre mendiant des Augustins. A droite de la tour, l'ancienne église abbatiale. Désaffectée à la Révolution pour devenir Temple de la Raison, elle a été entièrement restaurée à l'initiative d'Alex Wilbrenninck. 
Le fossé - ou douve - qui bordait la muraille fut comblé dans les années 1880, lorsque fut construite à proximité la nouvelle école des garçons.


Cliché 13 : Tour de l'Hôpital
Là encore, la muraille urbaine change de direction, d'où la présence d'une puissante tour d'angle. Le rempart protège ici le vieil hôpital-Saint-Jean construit au XVe siècle pour remplacer un ancien Hôtel-Dieu. L'église, qui fait partie de l'hôpital, fut consacrée en 1484. A l'arrière-plan, la Maison de Retraite de Montreuil-Bellay dans un bâtiment plus récent.


Cliché 14 : Porte Saint-Jean
Porte Saint-Jean, parce qu'elle ouvre directement sur l'entrée de l'ancien hôpital du même nom. La plus belle porte de la ville, la plus curieuse avec ses rangées de bossages. On a prétendu qu'elle avait été copiée sur l'une de Jaffa, en Palestine ; j'en ai vu de semblables en France : à Domme et à Provins.
Une bizarrerie : 15 rangées de bossages à gauche, 16 à droite...
Nos hôtes à qui je fais visiter la ville me demandent parfois le pourquoi de ces bossages. Ajouter du défensif à la défense ?
Dans son site, http://www.archeo-alpi-maritimi.com/bossagesfortifications.php, Raoul Barbès écrit : La théorie de l’amortissement de l’effet des projectiles est valable si les bossages sont régulièrement répartis sur l’ouvrage. Ce pourrait être le cas de la porte Saint-Jean de Montreuil Bellay où les lits de pierres sont horizontaux et réguliers et où les bossages bruts sont espacés régulièrement. Ils sont plus ou moins carrés. Il n’y en a pas à la base de la tour pour éviter probablement l’escalade.
Je réponds parfois à nos visiteurs que c'était pour impressionner les assaillants. Personnellement, je les crois ajoutés comme éléments décoratifs ; et vous, qu'en pensez-vous ?


Cliché 15-1 : Rempart de la Perruche
La partie rectiligne la plus longue et la plus impressionnante de l'enceinte urbaine. On y voit très bien la différence de dimensions des pierres utilisées : petites sous les Melun-Tancarville, au XIIIe siècle ;  plus grosses sous les d'Harcourt, au XVe.
C'est également  dans cette section qu'elle est la plus haute, sans préjuger de ce qui a été enterré lors du comblement de la douve.

Cliché 15-2 : Le rempart vu de la rue de la rue Victor-Hugo, avec son chemin de ronde et une meurtrière. La rue s'appelait autrefois de l'Opéra. Pour "rue des opérations militaires" qui se déroulaient à proximité, et non pas en souvenir de quelque scène pour diva enchantée ?...


Cliché 16 : Rempart de la Perruche
Cette photo, prise par le docteur Jacques Wilmet dans les années 1960, montre la muraille quasiment dégagée. Depuis, a été construit un lotissement qui la cache. A Angers, fut démolie toute une ligne d'immeubles pour mettre en valeur la forteresse médiévale qui se dresse au-dessus de la Maine ; à Montreuil, on décida de soustraire à la vue des visiteurs ce merveilleux panorama alors intact...
On découvre donc encore sur ce vieux cliché l'ouche de la Perruche ; on dit "ouche" en Poitou, dont fit un temps partie Montreuil, et "clos" en Anjou où se trouve maintenant la ville depuis la création des départements en 1790. Ce terrain était nu entre le faubourg de l'Ardenne et la vieille ville close.
Gageons que nos arrière-petits-enfants pourront admirer de nouveau la ligne impeccable de la muraille quand les maisons neuves auront disparu, ruinées par les décennies. Le temps, lui, sait faire la part des choses...

Nous sommes arrivés à notre point de départ, à la Tour du Guichet. Merci de m'avoir accompagné dans cette visite. 
Montreuil-Bellay ville close de l'Anjou, Montreuil-Bellay ville ouverte à tous.
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