27 sept. 2012

Curiosités montreuillaises

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Cliquer sur les documents iconographiques pour les agrandir.

              Montreuil-Bellay et sa ville close. (cliché Michel Mercier)

 Promenons-nous dans cette si jolie ancienne ville close de l'Anjou, à la limite du Poitou dont elle fit partie religieusement jusqu'à la Révolution française - quand les diocèses s'identifièrent aux nouveaux départements - et découvrons quelques curiosités particulières qui accrochent le regard du chaland...

Bon jeu de piste, et agréable balade... suivez-moi...

Le Courrier de l'Ouest du 12 septembre 2012 
publie cette promenade dans les rue de Montreuil-Bellay.

A la découverte de 21 curiosités en 21 photos, comme les 21 arcanes majeurs numérotés du Tarot traditionnel, le 22ème ne l'étant pas, numéroté, le Fou ; la folie que cela eût été si j'avais désiré présenter toutes les richesses visibles ou cachées de ma si jolie petite ville, il y en a tant...


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(Clichés Jacques Sigot)

1 - Les armoiries de la ville sur le monument, mail Aubelle ("aux Belles").

 D’azur à une croix d’or cantonnée de quatre besans de même.
Voir aussi le cliché 20.

Ce monument du mail Aubelle, appelé aussi parfois dans le passé "Mail aux Belles", est dédié à quatre personnalités montreuillaises du passé : René Aubelle (1587-1656), médecin de Louis XIII et de Louis XIV ; Pierre Duret (1745-1825), premier chirurgien en chef de la Marine Française ; Alphonse Toussenel (1803-1885), écrivain fouriériste ; Charles Dovalle (1807-1829), poète.
Ce monument, érigé en 1898, à l'initiative d'Emile Chevalier, notaire à Montreuil-Bellay et écrivain local, se trouvait initialement face à l'ancienne école des garçons construite peu avant, en 1885. Il a été bizarrement déplacé, amputé de son socle, et dressé devant une entrée secondaire de la Maison de Retraite.
Etait-ce pour y suivre les anciens écoliers devenus les vieillards gardiens de l'histoire de la ville ?

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2 - Sculpture au fronton de la médiathèque, avenue Duret, face au mail Aubelle ("aux Belles"). 

L'immeuble a été auparavant l'école publique des garçons.
Le terrain, à l'extérieur de la ville close, devait être accidenté puisque les archives parlent de remblais considérables qu'il a fallu faire dans la cour et les jardins de l'école. La réception définitive des travaux eut lieu le 9 aût 1885, trois mois après que Mademoiselle de Chevigné eut proposé de construire à ses frais le kiosque à musique sur le mail qui lui fait face. Avant de devenir une médiathèque, cette école de garçons avait pris le nom d'Ecole des Glycines.


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 3 - Plaque en hommage à Louis XIII, au 185, rue du Bellay.


Le 17 août 1620, Louis le Juste roy de France et de Navarre, a passé par icy retournant du pont de Cé et le XVII may 1621, le roy a derechef passé icy et est allé à Thouars.


Louis le Juste, c'est Louis XIII qui règne de 1610 à 1643, fils d'Henri IV, ce qui explique "de Navarre".
Le journal de Jean Héroard, médecin personnel du jeune dauphin, permet de corriger ce texte plus ou moins fantaisiste.
- Le 17 août, Louis quitte Brissac où il a dormi ; il arrive à 10 h 1/2 à Doué-la-Fontaine. "Le XVIII Mardy. Esveillé à cinq heures et demie après minuict, doulcement... Prie Dieu. A six heures et ung quart, desjuné... Va à l'église. A sept heures, monte à cheval. Part de Douay et en chassant par les chemins à voler les perdreaux, arrive à midy à Loudun pour la deuxième fois."
 - Ce 18 août 1620, et non pas le 17, Louis XIII passe donc par Montreuil, sans doute plus intéressé par la chasse, dont il raffole, que par notre ville qui n’est pas citée explicitement.
 Le mercredi 17 mai 1621 : "A onze heures et demie, monte à cheval. Part de Saumur et arrive à cinq heures à Thouars", écrit encore le médecin de Louis XIII. Encore une fois, Montreuil n’est pas cité bien que le roi y passât obligatoirement.
 - L.-A. Bosseboeuf écrit en 1895 qu’un hôtel de ville est créé à Montreuil-Bellay « par Louis XIII en personne, à son retour de La Rochelle en 1622 ».

Louis XIII semble bien être passé trois fois par notre ville. Cette plaque aurait été posée au XXème siècle par un président de l'Office de tourisme montreuillais.

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4 - Corniche de la maison au haut de la rue du Tertre.


Un écusson et une date sur le corniche de la maison au haut du Tertre et dont l'entrée donne sur la rue du Marché.
- La date surprend, gravée sans doute sur une corniche nettement plus récente car, au début du XVIIe siècle, il n'y avait pas de corniche sur les maisons ; le bas de la toiture se terminait souvent alors par un coyau qui renvoyait l'eau de pluie loin de la maçonnerie pour la protéger.
- Les initiales de l'écusson peuvent être celles des propriétaires de l'immeuble. Elles encadrent ce qui semble être un Coeur Sacré de Jésus au-dessus d'un croissant de lune. Qui déchiffrera ce symbole ?

  Coeur Sacré de Jésus extrait du Net.


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5 - Graffiti sur un pilier du cloître du monastère bénédictin, dit des Nobis, rue Georges-Girouy.


Ce graffiti se trouve sur l'un des piliers de l'aile ouest du cloître de l'ancien monastère bénédictin des Nobis bâti entre la rivière du Thouet et le tertre sur lequel se dresse la ville close.
C'est vers 1050 que Grécie, veuve de Berlay II, seigneur du fief, fonde un premier prieuré bénédictin que la tradition populaire appelle "Les Nobis", de Ora pro nobis. En 1098, Berlay III, petit-fils de Grécie, agrandit la communauté en exigeant la résidence de 12 moines.
Le dimanche 28 février 1305, Bertrand de Got, archevêque de Bordeaux, est accueilli dans le prieuré de Montreuhl-Berlay aux despens du prieur. Le 5 juin suivant, le dit archevêque est élu pape en Avignon.
Détruit en 1568, pendant les Guerres de Religion, le monastère est entièrement reconstruit à partir de 1710. Jamais achevé, le cloître en comporte que deux ailes. Sa cour intérieure est planté des buis et de deux majestueux taxus bacata (ifs) aux branches parfois bizarrement antées.

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6 - L'onguent dia-merdis, au 70 de la rue de la Mairie.


Deux personnages simiesques. Pendant que l'un s'exonère, semble-t-il péniblement si l'on remarque la position de ses mains, l'autre malaxe les matières dans un mortier à l'aide d'un pilon.

Voir aussi le cliché 10.
Retrouver la préparation de cet onguent dia-merdis en cliquant sur le lien :   

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7 - Tourelle de la courtine nord-ouest du château, rue du Boelle. 


L'une des tourelles de la courtine du château qui domine l'ancien Boelle, ou cour basse dans laquelle se réfugiaient les villageois lors des sièges, le seigneur devant, au temps où il était corvéable à merci, protéger son bon peuple à qui il demandait de travailler pour lui.
Un dessin de Gaignière, daté de 1699 - peut-être parfois quelque peu fantaisiste ? - semble indiquer que ces tourelles étaient autrefois couvertes d'un toit conique. D'autres dessins suggèrent la présence de hourds..


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8 - Immeuble dit Ancien presbytère Sainte-Catherine, impasse Paul-Painlevé, non numéroté.


Sorte de bretèche ornementale accolée au portail d'une importante demeure que l'on dit - sans preuves certaines - être l'ancien presbytère de l'église Sainte-Catherine. Cette dernière, qui a donné son nom au port sur le Thouet, aménagé en 1862, semble avoir été plutôt une petite chapelle située au-dessus de ce port et le long de l'ancien chemin qui allait - rive gauche de la rivière - du Puy-Notre-Dame au Coudray-Macouard, avant que ne fût percée au XIXe siècle l'actuelle grande route de Saumur qui part de la place de l'Etoile. Une croix indique la chapelle sur un plan du XVIIIe siècle.

9 - Fleurs de lys, mur est de l'ancienne église Saint-Pierre, rue Georges-Girouy.


Fleurs de lys subsistant des peintures intérieures de l'ancienne église Saint-Pierre dite des Nobis (décrochement du mur latéral nord). Elles sont de type standard, à feuilles décollées nervurées et à pied unilobe, proches de celle-ci : 

         
                  
La fleur de lys est l'une des quatre figures les plus populaires avec les multiples croix, l'aigle et le lion.  et Le lys se retrouvera ainsi sur les monnaies des villes ayant Marie pour patronne dès avant 1000, mais il serait faux d'en faire un signe presque uniquement marial de même qu'il est impossible d'y voir celui du pouvoir en soi. Comme symbole de l'élection divine, le lys symbolisera les élus de Dieu, ceux qui accèderont à la Jérusalem céleste. (Wikipédia)

Les ruines romantiques de l'ancienne église paroissiale, au pied du tertre sur lequel s'étale la ville close, indiquent l'emplacement du bourg primitif né à proximité d'un gué sur la rivière du Thouet.
Si l'abside conserve encore quelques beaux chapiteaux historiés de pur style poitevin (voir les clichés 11 et 19) qui datent de l'époque romane de son érection au milieu du XIe siècle - sur l'emplacement d'une plus ancienne chapelle -, les autres murs rappellent les dommages subis et les reconstructions successives.
Au XVe, l'humidité du coteau contre lequel elle s'appuyait provoque son effondrement. Rebâtie par les d'Harcourt et consacrée en 1484, elle est incendiée par les Huguenots en 1568. De nouveau restaurée, elles est désaffectée le 23 mai 1810 parce que trop vétuste et dangereuse. Le culte est alors transféré dans la collégiale du château, dans la ville haute. En 1843, elle devient carrière de pierre.

10 - L'onguent dia-merdis, au 70 de la rue de la Mairie.


L'homme de science, à la barbe d'un sage - l'apothicaire ? - et un livre dans la main, surveille l'opération de la fabrication de l'onguent à la merde du jour.

Voir aussi le cliché 6.
Retrouver la préparation de cet onguent dia-merdis en cliquant sur le lien :

11 - Chapiteau des deux langues, abside de l'ancienne église Saint-Pierre, rue Georges-Girouy. 


Voir aussi le cliché 19 et l'historique du site au cliché 9.

Une autre piste très riche...

Ce chapiteau, rare dans les églises romanes, est bizarrement abondamment présent, sous différentes représentations (voir ci-dessous), dans les ruines de Saint-Pierre.
Il y a déjà ces deux rinceaux qui sortent de la gueule du monstre, dualité qui peut évoquer l'ambiguïté du Christ "bienveillant aux bons, redoutable aux méchants", d'après saint Jérôme (Zodiaque, Lexique des symboles). 
Le tailleur de pierre du Moyen Age peut aussi rappeler aux fidèles que l'homme est naturellement hypocrite et qu'il pratique journellement le double langage : ce qu'il dit est parfois très loin de ce qu'il pense. Mais pourrait-on vivre en société en disant toujours ce que l'on pense ? D'où l'invention de la confession par l'Eglise pour essayer de sonder les âmes... 
Ce même sculpteur libre-penseur peut également suggérer que ce que l'on nous enseignait dans ce lieu n'était pas obligatoirement "paroles d'évangile".
L'humour va parfois encore plus loin, et certains chapiteaux de Saint-Pierre font entrer dans les oreilles les rinceaux sortis de la bouche ou de la gueule : si ce que vous dites est souvent mensonges, ce que vous entendez l'est aussi, sachez-le...
Sagesse médiévale qui semble bien perdue.

Trois masques dans ce chapiteau, et les rinceaux pénètrent dans les oreilles.

Autre représentation :

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12 - Monstre au sommet du mur du pignon ouest de l'ancien Hôtel-Dieu Saint-Jean.

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13 - Cadran solaire, mur sud de l'ancien Greffe de la Baronnie, 42, place du Marché.


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14 - Cadran solaire, pignon sud de l'immeuble au 1 place du Marché, entrée de la rue Dovalle.


Ce grand cadran solaire a été sauvé en mars 2002 à la suite de l'initiative de l'Association montreuillaise des Vieux Cailloux qui prit en charge les frais de peinture. Les propriétaires, Claudine et Gérard Dommée, faisaient alors restaurer leur belle demeure du XVIème siècle par l'entreprise de Robert Lescureux. Jimmy Sigogne recreusa les éléments du cadran qui avaient quasiment été effacés par le temps, le temps éternellement fluide que ce cadran était chargé d'indiquer aux passants.
Les Vieux Cailloux, association créée au début des années 1980 par Jacques Guézénec, s'était donné comme but d'interpeller les Montreuillais pour les inciter à protéger leur patrimoine menacé. La démolition de l'hôtel de la Galère, en centre-ville, et la construction d'un lotissement iconoclaste devant la belle ligne des remparts de la Perruche avaient été à l'origine de cette création.
Les Montreuillais doivent aux Vieux Cailloux le sauvetage de la vieille maison de la rue des Lauriers, aujourd'hui magnifiquement réhabilitée, et surtout celui de l'ancienne église des Grands Augustins - longtemps occupée par un garage de réparations pour les automobiles - qu'ils avaient louée pour des conférences et expositions avant qu'un mécène prît le relais pour lui rende sa splendeur d'antan. Toutes deux devaient être démolies.

15 - Cadran solaire, 5, rue de la Mairie.


Curieux cadran solaire si la lune a remplacé le soleil ; de même sa situation sud-est ne lui permet pas d'indiquer l'heure longtemps dans la journée.

 Les os alignés sont visible au haut du mur donnant sur la rue à gauche du cliché.
Le cadran solaire est au-dessus de l'ancien portail d'entrée de l'hôtel, devenu une fenêtre.

Il faut aussi signaler que ce même immeuble présente dans son mur de la rue du Bellay une série d'os bizarrement alignés. Autrefois, c'était un hôtel, comme le rappelle un balcon donnant sur la cour intérieure, balcon qui permettait d'accéder dans les chambres à l'étage. Le portail sur la rue de la Mairie, par lequel les voitures pénétraient dans cette cour, a perdu de sa hauteur à la suite de l’exhaussement de la chaussée au cours des siècles. Ces os pourraient évoquer une "auberge rouge" pour prévenir toute grivèlerie d'hôtes indélicats, mais ils sont de moutons, et non pas humains.
Pouvaient-ils retenir une vigne qui courait au haut du mur exposé au sud ?
Le 23 octobre 2012 : Jacques Guézénec, "mon" président des Vieux Cailloux, vient de m'écrire que des visiteurs du Sud-Ouest lui ont dit que ces os étaient des points d'attaches pour mettre le chanvre à sécher, celui-ci étant destiné à la confection de cordes.

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16 - Ornementation d'une clé de linteau de porte d'entrée, 152, rue Porte-Nouvelle.



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17 - Corbeau sculpté, immeuble XIXe siècle, non numéroté, face au 193, rue Nationale.


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18 - Niche, façade nord-est de la Porte dite Nouvelle, rue de la Porte-Nouvelle.


Cette niche au-dessus du passage entre les deux tours latérale de la Porte de ville, abritait autrefois une vierge qui accueillait les pèlerins qui entraient dans la ville close, venant de Saumur par la rive droite du Thouet, cheminement normal jusqu'à l'ouverture de la nouvelle route par la rive gauche. Il existe aussi de ces niches à la façade sur rue de maisons particulières. Comme ci-dessous, proche de la précédente, au 147 de la Porte-Nouvelle.


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19 - Chapiteau de l'homme qui marche, abside de l'ancienne église Saint-Pierre, rue Georges-Girouy.


Voilà en vérité un curieux individu à la marche volontaire. Ce personnage se rencontre surtout dans la péninsule ibérique et semble vouloir représenter les envahisseurs/occupants, souvent diabolisés, que furent pendant des siècles les arabes pour l'Eglise catholique. Nos instituteurs nous ont appris qu'ils ont hanté notre région au VIIIe, le mythique Poitiers n'étant qu'à 80 kilomètres de Montreuil-Bellay. Il est peut-être lieu de rappeler ici qu'il y a abus de vocabulaire quand on parle "d'arabes". Il faudrait plutôt parler de musulmans, car c'étaient principalement des berbères islamisés de Mauritanie tingitane - aujourd'hui le Maroc - conduits à partir de 711 par quelques chefs arabes pour conquérir l'Europe occidentale. Rappelons que l'un de ces valeureux guerriers berbères, Tarik (parfois écrit Tarak) Ibn Ziyâd, a donné au passage son nom au massif montagneux qui dominait la plage sur laquelle son armée avait débarqué : Gibraltar (Jjebel Tarik - ou Tarak - جبل طارق).

Voir aussi le cliché 11 et l'historique du site au cliché 9.
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20 - Armoiries de la ville, 163, rue Rasibus.


Voir aussi cliché 1.
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21 - Une locomobile, 154 de la route de Doué. 


Retrouver l'histoire développée de cette locomobile en cliquant sur ce lien :
http://jacques-sigot.blogspot.fr/2012/05/une-curiosite-montreuillaise-la.html