22 déc. 2012

Ce ne fut pas Noël pour les cèdres du Mail aux Belles


Ecoute, Bûcheron, arrête un peu le bras !
Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas :
Ne vois-tu pas le sang, lequel dégoutte à force
Des Nymphes qui vivaient dessous la dure écorce ?
                               Pierre de Ronsard

Avant



Maintenant

 
Il est trop tard… les deux beaux et grands cèdres du Mail Aubelle ont disparu du paysage montreuillais. L’automne 2012 leur aura été fatal.
On a dit qu’ils étaient malades, condamnés, et qu’il fallait donc les abattre… On dit que ce sont les travaux effectués ces dernières années sur le mail qui les avaient fragilisés. Mais on dit tellement de choses… Toujours est-il qu’ils ne sont plus.

Quand furent-ils plantés ? Vraisemblablement aussitôt après la création du mail, en 1885, par le maire René-Alcide Aubelle, d’où son nom - modifié parfois malicieusement en Mail aux Belles – en remplacement de l’ancienne Place de la Fraternité qui, pendant la Révolution, jouxtait l’hôpital, à l’intérieur de la muraille de la ville

Au point de vue esthétique, lit-on sur le Net, le cèdre est l’un des arbres les plus remarquables : son fût rectiligne et sa silhouette élancée contribuent à la beauté du paysage.  
Si le premier cèdre fut introduit en France par Jussieu en 1734, il faut plutôt se reporter en 1862, date plus proche de celle de la création de notre mail. C’est Tichadou, l'Inspecteur des Eaux et Forêts, qui introduit alors chez nous l'espèce nord-africaine du genre cèdre.

C’est pu comme avant… comme me disait le père Berson.
Le mail aura beaucoup changé cette dernière décennie. Le monument aux quatre célébrités montreuillaises a quitté la place d’honneur, face à l’école des garçons à qui il devait enseigner la grandeur et la gloire de leurs compatriotes, pour s’enterrer discrètement, amputé de son socle, devant l’entrée de service de la Maison de Retraite où sont maintenant les anciens écoliers d’autrefois. 
Gageons que dans quelques autres décennies, il aura rejoint les abords du cimetière où ils seront tous... ou pour m'y retrouver...

On ne verra plus les chaises alignées devant le kiosque à musique pour un concert improvisé ; les tréteaux dressés pour quelque braderie ou vente publique ; ni les élèves des écoles tournant en footing paresseux autour des arbres sous la débonnaire surveillance de Jean-Michel Adam, pendant les heures de sport au programme scolaire.

« C’est pu comme avant », me répétait à satiété mon très vieux voisin, Jean Berson, né en 1896, soit deux ans avant l’érection du monument aux quatre illustres Montreuillais, lui qui avait connu une autre ville que la nôtre. Il faut bien aller avec son temps ; mais il faudra faire sans les beaux cèdres du Mail aux Belles… Bien sûr que nous continuerons de vivre sans eux, et avons-nous d'autre choix ? Mais dire aujourd'hui la sourde tristesse d'avoir perdu le bonheur visuel qu'ils nous donnaient quand nous passions devant le mail... ou quand nous les découvrions de loin, tant ils savaient se montrer, fiers et - seulement apparemment - éternels.

Traces cicatrices...

- Le plus "petit" : 1,50 m de diamètre, ce qui lui donnait 4,70 m de circonférence.
- Le plus grand :  1,85 m de diamètre, pour 5,80 m de circonférence.











Dans Le Courrier de l'Ouest, le samedi 22 décembre 2012 
         Clicher sur le document pour l'agrandir



Le 30 décembre 2012, Olivier, Suisse et Montreuillais, compte les cernes qui, traditionnellement, correspondent chacun à une année de croissance de l'arbre. 

Il en dénombre 135, certains étant peu lisibles. Ce qui indiquerait l'année 1887, très proche de 1885, celle de la création du mail (voir ci-dessus).

Et puisque l'on parle de beaux arbres, le plus gigantesque que j'aie vu au cours de mes voyages est au Mexique, à Santa Marie El Tule, près du site archéologique de Monte Alban. C'est un cyprès, âgé de plus de 2.000 ans, qui signale le village à son pied ; il mesure 40 m de haut et 42 m de circonférence. Les guides précisent qu'il s'agirait de l'un des plus anciens arbres du continent américain, et vraisemblablement l'un des plus plus vieux du monde.




 
Peut-être moins large de tronc, mais beaucoup plus haut, ce séquoia découvert en juin 2013 dans le Kings Canyon National Park, en Californie. Yves, mon beau-frère, debout à son pied, en donne l'échelle.

Pour les amoureux des beaux arbres, il en reste encore quelques-uns dans notre canton qui ont résisté au temps ou à la vorace tronçonneuse des hommes.
Comme ce chêne qui veille de loin sur la vieille ville, à l'orée de la forêt de Brossay.


ou comme celui-ci, colossal, dans la même forêt de Brossay, dénudé par l'hiver, réhabillé par le printemps...


Mais quittons notre Anjou pour découvrir ceux-ci, jeunes encore, qui se serrent l'un contre l'autre pour protéger une croix, et que viennent de m'envoyer des amis du Bourbonnais. Les arbres, compagnons fidèles de nos cheminements...

                                       
                                                 A Charroux. Photos de Michael Nerlich.

Et pour conclure, l'arbre de l'année 2013, lauréat d'un concours organisé par l'Office National des Forêts et par la Société Milan Nature et Territoire.