15 sept. 2008

Site du camp de concentration de Montreuil-Bellay

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Dernière minute, au dimanche 7 février 2010 : Deux panneaux ont disparu !!!
Voir en fin d'article...

Quand l'Histoire tombe dans le(s) panneau(x)...
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La plupart des photos ci-dessus ont été prises sur le site même de l'ancien camp le lundi 15 septembre 2008.

Voici le site de l'ancien camp de concentration de Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire). Cherchez l'erreur... car si les promoteurs de ces panneaux avaient su qu'ils seraient installés sur le terrain même du camp... un beau détour assurément !!!

Ce panneau vous l'indique, c'est l'un des plus beaux détours de France, et Montreuil-Bellay, cette si jolie petite ville de l'Anjou, mérite donc votre visite...


Il y a eu un célèbre précédent. En janvier 1988, quand nous avons réussi à faire ériger une stèle commémorative sur le site, il y avait à proximité de la prison, seul vestige intact de l'ancien camp, un talentueux panneau qui semblait vouloir vanter la qualité du lieu : un camp(ing) trois étoiles. Cela ne pouvait que choquer, même si l'on pouvait comprendre que la chose annoncée n'était en réalité point là, mais au bord de la rivière et au pied du château, tous deux en ville. J'ai alors demandé que l'on retirât ce malencontreux panneau avant l'érection de la stèle. En vain, comme vous pouvez le constater.
La publication dans la presse régionale de ce cliché s'est avérée plus efficace que ma demande... et l'intrus disparut vite pour que fût enfin respectée la désolation du paysage.

Mais l'humour noir est têtu, et ce camp reste toujours une belle page de notre Histoire...


Un jeune cheval s'ébroue à proximité des marches de tout ce qui reste de l'un des baraquements du camp... la Vie est là...

La vie... il y a même des naissances...



Près des ruines de l'imposant ensemble cuisines, réfectoire, réserves, un panneau publicitaire continue de "bricoler" avec l'Histoire...


La prison, cave d'une ferme qui a brûlé au début du XXème siècle, disparaît sous les herbes folles. La stèle, inaugurée en janvier 1988, résiste mieux à l'envahissant abandon...



Au-delà de ces panneaux, rappelons la chronologie des internements dans cet ancien camp de concentration, comme il s'est parfois appelé pendant la Seconde Guerre mondiale.

Ici, de janvier 1940 à novembre 1945, furent successivement enfermés derrière des barbelés électrifiés dominés par des miradors, des Républicains espagnols, des soldats français, des civils anglais, des clochards, des Russes "blancs", des collaborateurs, des soldats allemands, des civils allemands et hollandais, principalement des femmes, et surtout, du 8 novembre 1941 au 16 janvier 1945, quelque 3000 Tsiganes, victimes d'une mesure arbitraire, comme le concède l'intitulé de la stèle qui n'a accepté d'évoquer que cette seule population.

Chaque année le dernier samedi d'avril, les abords de la stèle et de la prison sont nettoyés pour accueillir une cérémonie nationale. Autrement, le site est oublié, comme le souvenir de ce qu'il fut. Quelle volonté politique aura pitié ?

Ce dimanche 7 février 2010...
Hier samedi 6, j'accompagnai Fabien Delisle, cinéaste indépendant tourangeau, qui désirait faire découvrir le site du camp à sa jeune fille Lou. Alors que je voulais leur montrer deux panneaux publicitaires particuliers sur le site du camp, je me suis aperçu qu'il n'en restait qu'un. Les plus beaux détours de France, avait disparu. Celui indiquant Montreuil-Bellay Une page d'Histoire en Anjou était encore en place. Ce qui peut se comprendre, ce camp étant bien l'une des pages - douloureuse - de l'histoire de l'Anjou. Quant au beau détour, qui avait eu l'incroyable idée de le planter là ???


Poursuivant notre visite, je remarquai que le grand panneau publicitaire qui s'affichait derrière les ruines des réfectoire/cuisines/magasin avait lui aussi disparu.


Comment expliquer la subite disparition de ces deux malencontreux panneaux ? Jusqu'à plus ample information, nous pouvons toujours croire que la décision a été prise suite à leur affichage dans ce blog.
Comme avait été efficace la publication dans la presse, en 1988, de cette autre photo "malheureuse" du camp(ing) trois étoiles...

6 août 2008

Le Thouet à Montreuil-Bellay

Le Thouet, fluvius Toarus : première mention en 905. Source à 225 mètres d'altitude près de Secondigny, dans la Gâtine parthenaise. 152 kilomètres, dont 31 dans le Maine-et-Loire. Principaux affluents : le Palais, le Cebron, le Thouaret, l'Argenton et la Dive. Son réseau couvre 3396 km² et draine le nord du Poitou et le Sud-Saumurois. Son débit d'étiage est parfois inférieur à 2 mètres cubes quand celui de ses crues est estimé à 108 mètres cubes par seconde. Il se jette dans la Loire à Saint-Hilaire-Saint-Florent, à une altitude de 25 mètres.


Jusqu'à la fin du XIXe siècle, le Thouet fut navigable de Montreuil-Bellay, en aval de la chaussée du Château, jusqu'à sa confluence avec la Loire, à Saint-Hilaire-Saint-Florent.
Nous découvrons ici en canoë le premier bief navigable de la rivière autrefois canalisée, de cette chaussée du château jusqu'à la première écluse, dite de la salle.

Illusion de navigation un jour de festival à Montreuil-Bellay.

Le premier bief autrefois navigable du Thouet, à Montreuil-Bellay

A et 1 - Au XVe siècle, les seigneurs de Montreuil, les d'Harcourt, firent construire une série de ponts parallèles à un gué désaffecté afin de conserver l'ancien cheminement de la Chèvre qu'il prolongeait. Ces ponts reliaient entre elles les deux rives du Thouet et des îlots pour aboutir rive droite entre la Tour du Boëlle et l'Auberge des Isles qui était peut-être un ancien octroi. Ces ponts furent plusieurs fois endommagés par les crues de la rivière et se sont effondrés définitivement en 1577. La vieille chaussée a disparu en partie, remplacée en amont par un barrage moderne perpendiculaire à la rive gauche.

Les ruines des anciens ponts gothiques, effondrés en 1577.

2 - L'ancien moulin à eau, dit du Château, a disparu dans un incendie dans la nuit du 7 août 1896. L'actuel, désaffecté, a été construit aussitôt après dans le style Renaissance.

3 - 4 - 6 - Le port montreuillais sur le Thouet s'est déplacé deux fois. D'abord aménagé rive gauche (port Guibert), légèrement en amont du pont actuel, il fut transféré rive droite (port Hamelin) quand fut construit en 1710 un nouveau pont (situé dans le prolongement de l'actuel, mais contre la rive gauche). Le troisième port, le port Sainte-Catherine, fut créé rive gauche en 1862.
Le port Sainte-Catherine, aujourd'hui désaffecté.


4 - La première pierre du pont Napoléon, oeuvre de l'ingénieur Normand, fut posée le 9 octobre 1908. Détruit par les Allemands le 29 août 1944, il fut reconstruit plus large, comme le montre la couleur plus claire des pierres des arches.

5 - Le pont de 1710 fut emporté par une crue en 1798.

Plan des ruines du pont construit en 1710. (A.D.M.L.)

7 - Base de canoë-Kayak, ouverte l'après-midi tous les week-ends et jours fériés en mai, juin et septembre ; tous les jours en juillet et août.

8 - Une chaussée, de date indéterminée, "faite avec des pieux, des fagots de bois et des troncs d'arbres, le tout enrobé de terre glaise" barre la rivière sur toute sa largeur. Elle a permis la création d'une réserve d'eau nécessaire au fonctionnement du moulin de Varenne, dit aujourd'hui "de la Salle" vu sa situation proche du château du même nom, légèrement en aval. Vers 1603, fut aménagé un bassin de forme ovale, première écluse sur le Thouet, pour la descente des bateaux de Montreuil à Saumur. Cette écluse, comme celles de Rimodan et de Bron, est dite "archaïque", autrefois fermée par deux portes marinières, ce qui était un grand progrès par rapport aux chaussées munies d'une seule porte - comme à la Motte - qui vidait le bief amont à chaque passage de bateaux. Il n'existerait plus en France que 4 de ces vieilles écluses, dont trois sur le Thouet, donc.



Le Thouet à l'ancien moulin de la Salle, l'écluse archaïque.


Balade sur le Thouet au pied du château de Montreuil-Bellay.
A l'extrême droite, la Maison Dovalle, où naquit le poète Charles Dovalle (1807- 1829).

5 août 2008

Un nouveau transbordeur pour Nantes

Pour visionner le projet des Transbordés, un nouveau pont à transbordeur pour Nantes :
http://www.youtube.com/watch?v=rYgm4MjfNWk&feature=related
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Un transbordeur en ville : Punte Vizcaya à Portugalete (Espagne)

Il était impératif pour moi d'aller voir sur place le premier pont à transbordeur construit dans le monde.. et qui fonctionnait comme au premier jour. Je suis passé trois fois à Bilbao lorsque je me suis rendu à Saint-Jacques de Compostelle, et une ou deux fois quand j'habitais au Maroc, mais je n'étais pas alors au courant qu'il y existât une telle merveille.

Si, dans nos maisons, trônent sur un meuble ou un mur quelques photos de parents tant aimés, il en est souvent une autre, à Nantes, que l'on remarque vite tant elle est en évidence : celle de l'ancien transbordeur dont la disparition reste comme une plaie vive qui ne veut pas se fermer.

Les ponts dits "à transbordeur" sont nés à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, quand il fallait trouver une solution à la traversée de passes maritimes ou fluviales par les piétons, les charrettes et les premières automobiles sans gêner la navigation des bateaux, dont encore des voiliers. Sont alors apparus ces colossaux ouvrages métalliques imaginés par un génial inventeur français, Ferdinand Arnodin (1845-1924).


















Puente Vizcaya de Portugalete


Le premier fut construit en Espagne sur le Nervion, en 1893, entre Portugalete et Las Arenas, à quelque 10 km en aval de Bilbao.

Celui de Nantes, inauguré le 28 octobre 1903, était le cinquième. Il avait encore été précédé par ceux de Bizerte (Tunisie, en 1898), Rouen (1899) et Rochefort (1900). Marseille fut construit après (1905), ainsi que celui de Brest (en 1908, en réalité celui de Bizerte transféré en Bretagne). Celui de Bordeaux, commencé en 1910, ne fut jamais achevé.

A Nantes, il fallait relier le quai de la Fosse à la Prairie-au-Duc où se trouvaient les principaux chantiers navals. Un projet avait même envisagé une escale à la pointe de l'île Gloriette, mais la ville avait préféré une construction légèrement en aval, face à la rue de la Verrerie. Pour éviter la destruction d'immeubles, quai de la Fosse, afin de construire l'imposant massif d'ancrage des câbles qui devaient retenir le pylône de la rive droite, Arnodin inventa exprès un nouveau système de transbordeur dit à contrepoids et à articulations.
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Chaque jour, de 5 h 30 à 20 h 30, la nacelle suspendue au tablier qui dominait les plus hautes eaux de la Loire de quelque 50 mètres, transportait d'une rive à l'autre jusqu'à 6.000 piétons à l'heure.

Mais le développement de l'automobile qui acceptait plus volontiers un détour sans attente pour emprunter les ponts traditionnels en amont, les dégâts provoqués par la Seconde Guerre mondiale, ainsi que les coûts d'entretien d'un ouvrage devenu obsolète, condamnèrent le Transbordeur que ne put sauver la croisade désespérée des Nantais amoureux de leur beau pont. Fermé le 31 décembre 1954, il disparaissait en 1958, le dernier wagon chargé de 800 tonnes de ferraille quittant le quai de la Loire pour Le Creusot le 7 octobre.

Pourquoi ne pas reconstruire le Transbordeur ?

Un groupe de passionnés, à l'initiative de l'architecte nantais Paul Poirier, se propose de faire construire un nouveau pont à transbordeur au-dessus du bras de la Madeleine de la Loire. C'est un projet transversal, consensuel, et surtout pas politique, précise l'architecte. Il serait torpillé d'avance. Il concerne tous les Nantais. C'est un projet d'envergure pour contribuer à réconcilier Nantes avec son fleuve.
Projet de l'Association des Transbordés















En 2008, pour porter ce concept du XXIe siècle, Paul Poirier a créé avec Arnaud Biette, économiste et spécialiste du patrimoine industriel, l'Association des Transbordés.
Site de l'association : http://lestransbordes.fr

Passionné depuis de nombreuses années par ces remarquables ouvrages qu'étaient et que sont encore en quelques lieux les ponts à transbordeur, j'ai publié plusieurs études sur certains d'entre eux.

- Nantes. Le Transbordeur, éditions CMD, 1996 (épuisé).
- Charente-Maritime. Le Transbordeur de Rochefort, éditions CMD, 1998 (épuisé).
- La France des transbordeurs, Bordeaux, Brest, Marseille, Nantes, Rochefort, Rouen, éditions Alan Sutton, 2005.

Articles dans des revues :
- Le Transbordeur de Rochefort, in Le Picton, n° 179, septembre-octobre 2006.
- Les Ponts à transbordeur, in Chasse-Marée, n° 201, décembre 2007.

4 août 2008

Montreuil-Bellay, un camp de concentration pendant la Seconde Guerre mondiale

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Le camp était organisé sur le modèle si typique de l'administration française, mélange d'ignonimie, de corruption et de laisser-faire.
Arthur Koestler, rédigé entre janvier et mars 1941 à propos du camp du Vernet (Ariège), in La lie de la terre, page 168, éditions Charlot (Paris 7ème), 1947.

Voir un blog consacré entièrement aux Tsiganes et à leur internement pendant la Seconde Guerre mondiale à cette autre adresse :
http://camp-montreuil-bellay.eklablog.com/accueil-p103480

Saisir aussi ce lien pour visionner une vidéo :
http://www.pulceo.com/divertir/soiree-debat-a-atlantic-cine-avec-jacques-sigot


La 3ème édition de cet ouvrage n'étant plus disponible, les éditions Wallâda vont sortir en avril ou mai 2011 une 4ème édition dans laquelle sont ajoutées, entre autres documents, des témoignages de familles que l'auteur vient de découvrir, et surtout les archives des religieuses franciscaines missionnaires de Marie qui, de janvier 1942 à janvier 1945, ont volontairement vécu en mission à l'intérieur du camp de Montreuil-Bellay pour venir en aide aux internés, et principalement aux enfants. Ces archives comprennent essentiellement des photographies, des dessins et leur journal.
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La seconde édition peut toujours être commandée sur le site des éditions Wallâda : http://www.wallada.fr/
Wallâda s'est spécialisée depuis de nombreuses années dans l'édition d'ouvrages de Tsiganes et sur les Tsiganes. http://www.wallada.fr/nouveautes-2009-2010.html

Une découverte fortuite...
9 ans après mon arrivée à Montreuil-Bellay

En 1980, je découvrais que pendant la Seconde Guerre mondiale avait sévi un camp sur le territoire de ma commune d'adoption. Suite à de premières recherches dans les archives et auprès de survivants encore nombreux à cette époque, je publiai en 1983 aux éditions Wallâda un premier ouvrage sur ce sujet qui n'avait jusqu'alors intéressé aucun historien : l'internement par la France de ses nomades dans de nombreux camps de concentration. Son titre, Un camp pour les Tsiganes... et les autres. Montreuil-Bellay 1940-1945.


Jacques Sigot et Françoise Mingot, son éditrice, sur le site du camp en 1982. Sur la droite, l'entrée de la prison souterraine du camp (le "gnouf").

C'était la première fois qu'était étudiée l'histoire d'un camp de concentration français pour Tsiganes, selon la terminologie de l'époque. Suivirent l'étude d'autres camps et la publication de ces travaux dans un numéro spécial des Etudes Tsiganes (n° 2/1995) : 1939-1946 France : L'internement des Tsiganes.
Avaient été successivement victimes de ce camp de Montreuil-Bellay tout au long du conflit : des Républicains espagnols, des soldats français, des civils du Commonwealth, des Tsiganes (appelés alors "nomades"), des clochards nantais, des collaborateurs locaux, des Russes "blancs", des civils allemands (essentiellement des femmes) et des Hollandaises ayant épousé des nazis.
Cette première édition provoqua un important et riche échange de correspondance qui encouragea la publication chez Wallâda et Cheminements d'un second ouvrage en 1994 : Ces barbelés oubliés par l'Histoire. Un camp pour les Tsiganes... et les autres. Montreuil-Bellay 1940-1945.

Je tiens à remercier la Congrégation des Franciscaines Missionnaires de Marie, de Paris, et particulièrement sœur Odile, qui ont mis à ma disposition en 2007 l'ensemble des documents rédigés par des sœurs de leur Congrégation. Elles avaient, pendant quatre années, partagé volontairement la vie des internés, et logeaient dans un baraquement à l'intérieur de l'enceinte de barbelés électrifiés.

Ces panneaux, rédigés pour l'association L'AMCT (Les Amis de la Mémoire du camp Tsigane de Montreuil-Bellay), créée dans le but de sauver les ruines de l'ancien camp, ruines menacées de disparition, résument trente années de luttes pour rappeler une histoire souvent déformée, voire occultée.

Auparavant, Le site de l'ancien camp de concentration de Montreuil-Bellay.
Image du Net.


Cliquer sur chaque panneau pour l'agrandir.


2 août 2008

Zurich, les 11 novembre et 6 décembre 2008, J-O

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Rencontre avec l'Histoire... dans une si jolie ville.

                                     Jenny                                                 Olivier

10 févr. 2008

Les collégiens de Bourgueil à Maillé

Ils étaient quelque 80 élèves des classes de 3ème du Collège Pierre de Ronsard de Bourgueil, accompagnés par leurs professeurs à se rendre ce vendredi à Maillé que bordent la voie ferrée Paris Bordeaux et la Nationale 10. Cette proximité est sans doute à l’origine du drame qui ensanglanta le village un certain 25 août 1944. Si pour les Français et leurs livres d’histoire cette date rappelle le seule libération de Paris et le vrai commencement d’une fin de guerre marquée par la chape honnie de l’occupation, il n’en est pas de même pour ce coin de terre tourangelle où la belle pierre blanche d’une maison neuve rappelle l’emplacement d’une autre que les nazis ont incendiée après avoir massacré ses habitants.

Un massacre programmé
Tout semble prouver que cette tragédie a été minutieusement préparée. Nous pouvons en suivre les différentes phases à l’aide de ce plan légendé du village, plan exposé dans la Maison du Souvenir de Maillé., village martyr de Touraine.


Agrandir
Le jeudi 24 août, vers 19 h, un camion arborant un drapeau tricolore fait halte dans la ferme Jahan au lieu-dit Nimbré [0] quand deux voitures allemandes s’approchent du passage à niveau 193. L’un des maquisards monte dans le camion et pointe le fusil mitrailleur qui y est installé et tire. Des Allemands sont touchés, les autres ripostent. La fusillade dure depuis plus d’une demi-heure quand le camion réussit à fuir sous le feu de l’ennemi. Une tentative de représailles sur les occupants de la ferme ne fait pas de victimes.
Au cours de la nuit du 24 au 25 août, un train de munitions stationne tout près. Les villageois sont réveillés par des bruits de fusillades et de grenades qui explosent.
Le vendredi 25, vers 8 h du matin, Julien Cheippe quitte son domicile à bicyclette pour se rendre à son travail. Il est la première victime, abattu à proximité du Parc d’Argenson [1].
Une demi-heure plus tard, des avions alliés prennent comme cible le convoi de munitions et détruisent l’une des deux pièces d’artillerie [2] – un canon de DCA (de Défense Contre Aéronefs, soit un moyen militaire en vue de protéger contre des attaques aériennes – que l’ennemi a fait venir de Saint-Avertin, dans la banlieue de Tours. La phase d’encerclement du bourg commence aussitôt après. On évalue à environ une centaine d’hommes, le nombre des soldats qui s’adonnent alors au massacre systématique des villageois, aussi bien sur les routes, dans les rues, que dans les propriétés. Des plaquettes incendiaires sont déposées sur certains cadavres pour les faire disparaître. Les animaux ne sont pas toujours épargnés.
Vers 9 h 30, les fermes du Moulin et de la Heurtelière [3] sont en flamme.

A midi un coup de feu à blanc du canon de 88 millimètres installé à mi-pente du plateau de Sainte-Maure-de-Touraine, près de l’écart de Villiers [4], provoque le repliement général des troupes. Les hameaux de la Cigogne et du Pressoir sont en feu [5]. Un silence relatif s’abat sur le village dévasté. En se repliant, des soldats parachèvent leur sinistre besogne.

A 14 h commence la seconde phase de l’opération : le pilonnage du village par le canon de Villiers. Quelque 80 obus dévastateurs s’abattent sur les maisons. Les tirs s’arrêtent vers 15 h 30.

Une heure plus tard, un convoi ferroviaire chargé de troupes et d’une cinquantaine de véhicules stationne en gare de Maillé [6]. Des soldats se dispersent de nouveau dans les rues du village.

Vers 17 h 30, Eugène Bruneau, le maire, bientôt suivi par l’abbé André Payon, parlemente avec le commandant du convoi afin d’autoriser la libre circulation pour secourir les blessés et rassembler les morts. Une demi-heure leur est accordée, mais toute personne aperçue circulant après sera abattue.
18 h marquent la fin du massacre. Dans la soirée et la première partie de la nuit, des coups de feu sont encore systématiquement tirés au passage de plusieurs trains – quatre convois entre 21 h et minuit, selon des rapports de la gendarmerie –, ce qui confirme que le sort de Maillé a été programmé et que les troupes ennemies sont au courant.

Le bilan est lourd : 37 hommes, 39 femmes et 48 enfants ont perdu la vie, la plupart mutilés. Le plus jeune, Hubert Ménanteau, avait 3 mois, la plus âgée, Magdelaine Bruneau, 89 ans.
Sur 60 maisons que compte le bourg, 52 sont détruites.

Le village en ruines.
(Photos Maison du Souvenir)

Le 25 août 1944






Les maquisards qui, de la ferme de Nimbré, ont fait la veille le coup de feu sur des militaires, n’ont pas bougé.

Qui étaient ces Allemands et pourquoi ce massacre ? Il est peut-être plus facile de répondre à la seconde question. Acte de représailles après l’attaque des maquisards contre des soldats et des officiers ? Mais aussi représailles après plusieurs sabotages sur la ligne de chemin de fer dont deux en gare de Mayé ? Mais encore défoulement d’une armée qui n’accepte pas la défaite qu’elle sait maintenant inévitable ?
Si nous savons qui a opéré à Oradour le 10 juin précédent, la division Das Reich avec, dans ses rangs, plusieurs Alsaciens enrôlés de force à l’exception de l’un d’entre eux, les coupables du massacre de Maillé n’ont pas été identifiés en dehors de leur chef, le sous-lieutenant, Gustav Schlueter, commandant du gîte d'étape de Sainte-Maure-de-Touraine chargé de la protection de la retraite allemande de Tours vers Poitiers. Reconnu coupable il a été condamné à mort par contumace le 25 février 1952 par le tribunal militaire de Bordeaux, mais n’a pas subi la sentence puisqu’il ne fut jamais retrouvé de son vivant. Sans doute nombre de nazis fanatiques, mais aussi des soldats peu convaincus si l’on donne crédit à ces paroles rapportées de l’un d’eux : Cachez-vous, camarades pan pan !


Le 27 août, deux jours après le drame, les victimes étaient provisoirement enterrées dans une fosse creusée à la hâte dans le cimetière.
Des communes de l’Indre-et-Loire sont aussitôt au secours des survivants. En octobre, un couple de riches Américains francophiles, Girard Van Barkaloo-Hale et son épouse Kathleen, touchés par l’ampleur du drame, ont demandé à parrainer les enfants du village. L’aide est arrivée dès 1946, sous forme par exemple de tout le mobilier complet de la mairie, de l'équipement de la cantine, d’un terrain de jeux. Mais aussi de jouets chaque Noël. Le 19 octobre 1949, les époux Hale ont font visiter Paris à leurs filleuls. La photo ci-contre les montre au premier étage de la Tour Eiffel (Photo Maison du Souvenir). Une dame se souvient d’avoir mangé sa première entrecôte ce jour-là.
Dès 1945 fut entreprise la restauration du village. Elle dura sept années. Le 25 août, premier anniversaire du drame, le ministre de la Reconstruction, Raoul Dautry, posait la première pierre de la ferme de La Heurtelière.


Le silence de la Mémoire





Gisèle a perdu ce jour-là 17 membres de sa famille (Photo Jacques Sigot)

Une dizaine d’adultes angevins interrogés sur Oradour étaient tous au courant ; aucun ne savait pour Maillé, rapporte Jacques Sigot, historien de l’ancien camp de concentration pour Tsiganes de Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire).
Des explications ? La libération de Paris, le même jour, rejeta dans l’ombre le drame tourangeau ; contrairement à ce qui se passa dans le Limousin, on a reconstruit les maisons détruites, reconnaissables à leur pierre blanche partout identique, à l’image de la mairie et de l’école ; les coupables n’ayant pas été retrouvés, il n’y a pas eu de vrai procès, donc pas de dossiers constitués ; la génération décimée s’est tue, on a respecté les disparus, mais cela s’est arrêté là ; personne ne l’a interrogée. Il faut comprendre, c’était difficile quand on a vécu cela. On en savait trop, ou pas assez¸ explique aux collégiens de Bourgueil Gisèle Bourgoin, alors âgée de 9 ans et qui a perdu ce jour-là 17 membres de sa famille. Il a fallu attendre le cinquantenaire pour que les survivants se retrouvent enfin face aux médias dorénavant demandeurs, et 2006 pour que s’ouvre enfin cette Maison du Souvenir où les collégiens de Bourgueil ont pu découvrir les images et écouter les témoignages sur ce funeste vendredi 25 août 1944. Quand Paris fêtait ses héros.


Les collégiens de Bourgueil dans les salles de la Maison du Souvenir en compagnie de Serge Martin, enfant de Maillé le jour du drame. (Photos Jacques Sigot)

L’après-midi, les collégiens de Bourgueil découvraient une autre face sombre de la Seconde Guerre mondiale en écoutant J. Sigot qui leur évoqua l’internement des Tsiganes dans des camps comme celui tout près de La Morellerie, à Avrillé-les-Ponceaux. Internement qui déborda bien au-delà du conflit puisque les derniers nomades ne furent libérés qu’en juin 1946 ! Sujet d’autant mieux écouté que 20 % des élèves du Collège Pierre de Ronsard sont des enfants de Voyageurs.



Les nazis ont pillé, tué, détruit

Le 25 août 1944





Le monument de la Nationale 10. La face ouest, côté village, a été patinée par les intempéries.
(Photos Jacques Sigot)