24 févr. 2013

France Culture 26 novembre 2012


De l’histoire locale à la micro-histoire

La Fabrique de l’Histoire, France Culture, le 26 novembre 2012

Pour réécouter l'émission, si elle est toujours en ligne...
http:/‘www.franceculture.fr/emission-la-fabrique-de-l-histoire-de-l-histoire-locale-a-la-micro-histoire-14-2012-11-26

 Couloir pour rejoindre le studio d'enregistrement.

La tour centrale de la Maison de la Radio,
vue du studio d'enregistrement.

Les pages ci-dessous sont la transcription mot à mot d'une conversation à "bâtons rompus" entre deux puis trois personnes sans que les questions eussent été préparées, et non pas un texte rédigé pour être publié, d'où des répétitions, des hésitations, des phrases "maladroites" ; mais aussi des digressions qui ne sont pas développées. Mais c'est parce ces dernières me semblaient importantes, comme celle sur la guerre de Vendée dans ma petite ville en 1793. Je voulais dire tant de choses pour résumer plus de trente années de recherches et d'écriture, et cette heure de liberté à France Culture était trop belle pour ne pas en "profiter"...


[Entre crochets, des explications apportées au texte ou des corrections de dates.]

Présentation par Emmanuel Laurentin, journaliste :

Premier temps d’une nouvelle semaine de la Fabrique de l’Histoire titrée De l’Histoire locale à la micro-Histoire,  pendant laquelle nous nous demanderons comment la catégorie ancienne et parfois méprisée de l’historien local a évolué jusqu’à aujourd’hui, jusqu’à nourrir parfois celle plus prestigieuse dans les milieux historiques de la micro-Histoire.

[…]

Aujourd’hui, eh bien j’ai le plaisir de recevoir Jacques Sigot dont vous avez peut-être pu entendre le témoignage dans le documentaire récent dans La Fabrique, qui a été conçu par Perrine Kervran sur la question des Tsiganes et du carnet de circulation.
Jacques Sigot, instituteur, devenu après un long périple historien de sa ville du Maine-et-Loire, Montreuil-Bellay. Mais il ne s’est pas intéressé qu’aux périodes fastes de sa ville, à la Seigneurie médiévale, aux églises de sa cité, comme souvent c’est le cas, il a étudié de près des périodes difficiles comme la Révolution Française, ou encore la Seconde Guerre mondiale, et a mis au jour l’histoire du camp de nomades dans lequel furent enfermés justement les Tsiganes pendant ce conflit, une histoire qu’il ne plaisait pas à tous de voir racontée.
Jacques Sigot va donc nous raconter jusqu’à dix heures son itinéraire d’historien local, puis il sera rejoint, à 9 h 30, comme chaque lundi, par son invité.

[Pour ouvrir l’émission, entretien avec un second invité pour présenter une nouvelle émission sur France Culture Plus]

(Photo Yves Lefranc)

Jacques Sigot, vous, vous n’êtes pas agrégé de l’Université, vous n’avez pas fait de thèse, et pourtant vous êtes un historien, qu’est-ce que vous vous pensez de ce type de rapport au savoir, c’est-à-dire passer comme ça des longues années sous la direction d’un maître de thèse, et non pas comme vous, d’être comme vous, votre propre maître de thèse pour aboutir à un résultat de recherches.

Jacques Sigot – On m’a souvent dit que vu mon travail, j’aurais dû présenter une thèse. Je ne sais pas, à l’époque, si quelqu’un qui n’avait pas le bac pouvait présenter des thèses, je ne sais pas. J’ai fait un travail sur plus de trente ans, toujours le même travail, fouillé. Bon, j’étais complètement libre dans mon travail puisque je n’ai pas eu de maître…

E L – Tutelle ? Vous n’avez pas eu de tutelle ?

J S  Pas de tutelle, j’ai fait ce que j’ai voulu, je l’ai édité moi-même, avec beaucoup de mal, [parce] que c’était un travail que personne n’avait fait, c’était un travail spécial.
Alors vous dîtes pourquoi on choisit un sujet ? Moi, c’est très simple, les sujets, c’est ma ville, cela a toujours été mon problème, c’est la ville où je vivais.

E L – Pourquoi votre problème ? votre chance, votre problème ou chance ?

J S – Mon problème, parce que j’ai toujours nomadisé, j’ai changé beaucoup de vies au cours de toutes ces années, souvent obligé, c’est-à-dire quand j’ai été mis à la porte de l’école normale. Je suis passé d’Orléans à Beauvais, c’est quand même toujours des chocs quand on a dix-huit, dix-neuf ans. Et ce que j’ai compris, c’est que, tout de suite j’essayais de m’approprier le lieu où j’étais. Et je continue, et là, je suis à Montreuil-Bellay, dans le Maine-et-Loire, et ça fait quarante-deux ans que j’y habite, cela fait quarante-deux ans que je fouille cette ville pour la connaître, parce qu’elle m’a accueilli, et pour être accueilli en même temps.

E L - Parce que vous n’étiez pas originaire de cette ville ?

J S - Pas du tout, pas du tout, moi je suis Beauceron, je suis un bon Beauceron. Après, je suis allé en Picardie ; après, je suis allé au Maroc, et maintenant je suis dans le Maine-et-Loire. Pourquoi ? C’est la Loire, ça il faut dire, moi c’est le fleuve, la Loire, qui m’a toujours servi de repère.

E L – Alors, vous disiez, Moi, je n’ai pas eu de maître, d’une certaine façon, ça vous a manqué ? Il y a presque dans votre voix le regret de ne pas en avoir eu ; quelqu’un, d’une certaine façon, qui aurait pu guider vos recherches, alors que vous vous lanciez dans ces premières recherches ?

J S – Je ne sais pas si j’aurais accepté un maître. [Rires]

E L – L’historien sans maître.

J S – Ca, il faut dire, ni dieu ni maître, mais toi, mais vous, sans dieu, sans maître. Le problème, je ne sais jamais où je vais, je n’ai pas de but ; c’est de connaître. C’est pour cela que je suis autodidacte. Pourtant je suis passé par l’école normale, dans les écoles normales primaires qui étaient des bouillons de culture, qui étaient des endroits fabuleux. C’est bizarre qu’on les ait supprimées d’ailleurs, parce qu’on avait des professeurs, j’ai eu des professeurs extraordinaires qui m’ont fait aimer l’histoire, parce qu’il y a toujours quelque chose en amont.

E L – Oui, parce que vous auriez pu faire autre chose que de l’histoire, cette passion qui est devenue primordiale chez vous.

J S Non, non, il y a aussi le fait que je suis orphelin, presque depuis la naissance, et je n’ai pas de passé. Moi, mes frères et mes sœurs ne m’ont jamais parlé du passé de notre mère, ou autres, et j’ai toujours, dans mes recherches, je m’en aperçois, je fouille le passé des gens, je suis très heureux de les faire sortir d’eux-mêmes. Je reconstitue des histoires, surtout dans le domaine dans lequel je travaille, des gens qui n’ont jamais parlé de leur histoire qui était honteuse, c’est l’histoire de l’internement des Tsiganes. Ils n’en ont jamais parlé, donc les enfants, les petits-enfants ne sont au courant de rien, et ils apprennent leur histoire par moi. Et c’est une jouissance, je dis le mot, de donner aux gens leur histoire, alors que moi, je n’en ai pas, je n’ai pas d’histoire, à part un passé beauceron. Je suis devenu un intellectuel grâce à l’instituteur qui m’a envoyé à l’école normale. Parce que c’était cela dans le temps, les instituteurs qui choisissaient, qui donnaient des chances à des enfants qui, autrement, allaient à la batteuse, allaient travailler dans les fermes.

E L – Comment êtes-vous venu à votre premier travail historique, Jacques Sigot ?

J S  Alors, c’était en 1959, ça date.

E L – Ca commence à remonter, juste avant ma naissance.

J S  J’étais à l’école normale de Beauvais. Bon, c’était en fin de cycle puisque je n’avais pas le bac, j’étais obligé de partir, et j’ai fait une colonie de vacances à Cayeux avec des enfants picards. Et à Cayeux, je ne sais pas si vous connaissez cette ville, c’est pas des plages de la Vendée où j’habite, ce sont des galets, et je me suis aperçu que, j’ai appris que l’on faisait de la poudre de riz à partir des galets. Vous vous rendez compte, on concasse les galets – on n’a pas le droit de voler des galets sur la plage de Cayeux – et, en les concassant, on fabrique de la poudre de riz, c’est abrasif. Avec mes colons, j‘avais dix-neuf ans, avec mes colons, j’ai étudié comment on passe des galets de Cayeux, Cayeux des cailloux, à la poudre de riz. C’est quelque chose de fantastique. Ca a été mon premier travail. Une étude : alors on va voir les gens qui concassent, les concasseurs, on va voir les gens qui travaillent ; toutes les maladies, la silicose, tout ce que l’on peut imaginer, et j’ai fait une étude. Ca a été la première étude que j’ai faite, et j’ai toujours continué pareil.

E L – Alors les sujets viennent comment, parce que d’une certaine façon vous nous dites J’aime l’histoire, j’ai été  passionné par l’histoire dès la petite enfance d’une certaine façon, mais je n’ai pas eu de maître ? Donc les sujets vous arrivent librement ? c’est une curiosité ? vous attachez-vous à un thème, Jacques Sigot ? Quand vous continuez, après cette histoire de cailloux ?

J S – Oui, je vais Maroc, je suis envoyé au Maroc. Bon, un peu obligé, pour ne pas aller en Algérie, pour ne pas faire la guerre en Algérie, j’ai fait des itinéraires un peu spéciaux, je me retrouve au Maroc.

E L – Professeur ?

J S Oui, j’étais remplaçant instituteur. Mais là-bas, on apprenait le français à des enfants dans un collège, c’étaient des cours un peu spéciaux. Et j’arrive dans un pays complètement différent de ma Beauce et de ma Picardie ; une religion différente, un pays différent, et j’ai voulu savoir où j’étais. Et j’appris donc l’arabe dialectal, je n’ai pas appris l’arabe classique, pour parler avec des gens, et j’ai étudié l’histoire du Maroc, d’où elle venait. Et en étudiant l’histoire du Maroc, j’ai lu un type extraordinaire qui s’appelle Ibn Khaldoun.

E L – Ah ben oui, alors là, parlez-nous d’Ibn Khladoun, parce que c’est l’une de mes passions personnelles.

J S Ibn Khladoun, c’est l'un des grands historiens du Moyen Age, du XIVème siècle [né en 1332  à Tunis ; décédé en 1406 au Caire], et il étudie ce qui s’est passé dans ces pays-là, les dynasties, les Almoravides, les Almohades, les Mérénides. Tous ces gens-là, ils durent un certain temps, et ils sont remplacés par d’autres. Une civilisation, ça ne dure pas. Alors il explique : il y a trois générations pour faire quelque chose

E L – Il a une théorie du pouvoir, en fait.

J S Oui, une théorie que j’ai beaucoup aimée. Il y a celui qui va former sa société, son empire : le conquérant. Le conquérant a un fils qui voit travailler son père. Donc, il va savoir ce que c’est que de construire un empire, de créer quelque chose. Donc, il va continuer l’œuvre du père. Et le petit-fils qui va naître, lui, n’a pas vu son grand-père travailler, il n’a pas vu le mal  qu’il s’est donné, il a un héritage énorme, il va en profiter, il va le dilapider. Les Almohades sont chassés par les Mérénides, ainsi de suite [Les Almoravides (1055-1144) ; les Almohades (1130-1269) ; les Mérénides (1269-1465)], et ce sont toujours des gens qui viennent du désert, c’est-à-dire des gens qui n’ont rien, qui n’ont que le courage, l’ambition, tandis que le petit-fils n’a pas d’ambition puisqu’il a tout.

E L – Donc ça, c’est la théorie qu’il développe au XIVème siècle dans la Muqaddima, Les Prolégomènes. Je pense que le deuxième tome vient d’ailleurs de paraître cette semaine en Pléiade, justement, donc.

J S – J’ai lu cela au Maroc il y a cinquante ans.

E L – Voilà, et dans la Muqaddima il explique cela, mais il y a aussi une théorie des climats, une théorie, effectivement, des confins, pourrait-on dire, de ces empires arabes de l’époque, etc., il travaille sur l’effondrement des empires, mais il travaille aussi sur la façon dont les populations se répartissent selon les climats en particulier, c’est assez intéressant. Alors c’est là où vous découvrez justement un autre type de récit d’histoire, Monsieur Sigot.

J S – Oui, pour moi, il y a les gens qui font quelque chose, et il y a les gens qui profitent de quelque chose, et souvent ils le dénaturent, ils le critiquent, et tout se détruit comme ça.  Il y a ceux qui travaillent, ceux qui font travailler les autres. Tout ça, j’ai tout emmêlé. Je suis autodidacte, je n’ai pas la structure d’un historien qui a un schéma qu’il va suivre pour arriver à quelque chose ; moi, je ne sais pas où je vais, et j’y vais, j’y vais, c’est les gens qui m’ont… Le camp de Montreuil-Bellay, au départ, qu’est-ce qu’il y a ? Moi, j’habite une ville depuis dix ans, je vois des marches depuis longtemps, personne ne me parle de ça, et on me dit que ces marches, c’est un ancien camp de concentration pendant la guerre. Bon, apprendre ça au bout de dix ans alors que j’avais fait déjà un ouvrage sur les Guerres de Vendée, parce que les guerres de Vendée aussi on pourrait en parler, hein ? N’importe quoi, puisque ça va de 20 morts à 4.000 selon les auteurs ; les Républicains, ils vont faire des livres, les Vendéens font des livres, c’est jamais les mêmes.

 Les Guerres de Vendée à Montreuil-Bellay.

Bon, c’est ça donc qui m’a formé. Donc le sujet qui m’est imposé, et surtout, les mensonges qui sont écrits.

E L – Mais comment se fait-on une idée justement sur ce qui est la vérité et ce qui est le mensonge ? Si on va à l’Université, on a des maîtres, justement comme on vous l’a expliqué, Jacques Sigot, qui vous disent, ça ce sont des livres de références, ça ce sont de mauvais livres, comment faites-vous votre miel en tant qu’historien local, donc de votre région, en particulier de Montreuil-Bellay, dans tout ce que vous pouvez lire ? Qu’est-ce qui vous dit, ça c’est bien, ça c’est pas bien ; c’est votre intuition ? Comment procédez-vous ?

J S – Alors là vous avez un mot superbe, tout ce que vous pouvez lire. Alors là, c’est très simple, il n’y avait rien d’écrit.

E L – Ah ! bon, d’accord.

J S – Rien. Il y a seulement Christian Bernadac qui a écrit un livre qui s’appelle Holocauste oublié, dedans, rien. Il en a fait des antichambres de la mort, il a recopié trois ou quatre rapports que des étudiants ont faits [recherchés] pour lui. Il dit qu’il y a eu une centaine de morts en quelques mois ; et alors je n’ai qu’à extrapoler sur cinq ans de guerre, imaginez les horreurs, et tout est faux. Ce ne sont pas des Tsiganes qui sont morts dans le camp de Montreuil-Bellay, ce sont des clochards ; ils n’ont jamais été déportés dans les camps de la mort, ils sont restés tranquillement dans le camp de Montreuil-Bellay pendant cinq ans. Donc, le peu de choses que j’ai lues, c’était faux. Alors, qu’est-ce que j’ai fait ? Eh bien, J’ai recherché les survivants, et il y a trente ans.

E L – Donc, vous avez commencé par faire de l’histoire dont on dit qu’elle est orale, de l’histoire orale ?

J S – De l’oral, mais j’ai aussi retrouvé des textes. Par exemple, j’ai retrouvé des Républicains espagnols, parce que ce sont eux qui ont été condamnés à des travaux forcés pour construire non pas le camp, mais la poudrerie [à l'origine, construction d'une usine de guerre, transformée en camp à la suite de la défaite de juin 1940]. Ils ont noté, ils ont écrit. Moi, j’ai vu des gens, c’étaient des intellectuels. Il y avait un homme qui étudiait l’histoire cistercienne. Il avait tout noté ce qu’il avait fait pendant quatre mois à Montreuil-Bellay. Il m’a donné tous ses documents ; j’ai les curés qui m’ont donné les registres paroissiaux ; j’ai la sage-femme qui m’a donné tous les accouchements, comment ils se sont passés dans le camp ; j’ai trouvé des écrits. J’ai trouvé des instituteurs, j’ai retrouvé tout le monde. Il y a trente ans, tout le monde était vivant, et j’ai fait l’amalgame, j’ai essayé de faire un récit à partir de ça.

E L – Alors, est-ce que c’était plus facile, ou est-ce que c’était moins facile de travailler sur la région, et en particulier la ville dans laquelle vous vivez ? Montreuil-Bellay, donc, dans le Maine-et-Loire, 4.000 habitants, est-ce que c’était simple ou est-ce que c’était compliqué, Jacques Sigot, de s’intéresser ? Alors on voit bien l’enracinement, la volonté d’enracinement, comme vous l’avez raconté ; vous n’étiez pas de là, vous arrivez sur place, et à partir de ce moment-là, vous décidez de travailler sur cette ville. Alors, est-ce que c’est plus simple, parce que l’on est dedans, ou est-ce plus compliqué parce qu’on va commencer à brasser des histoires qui ne sont pas forcément agréables à entendre.

J S – Alors moi, cela m’était égal, les histoires.

E L – On a bien compris que cela vous était égal, mais peut-être pas égal à ceux à qui vous allez en parler.

J S – Ce qui m’a choqué, ce sont les mensonges en Histoire. C’est ça, parce qu’il y a chez moi une volonté de savoir ce qui s’est passé. C’est mon obsession : qu’est-ce qu’il s’est passé réellement ? Qu’est-ce qu’on raconte et qu’est-ce qu’il s’est passé ? Le plus gros sujet dont on pourrait parler facilement, c’est la Résistance dans une petite ville en 1944 ; 43/44. J’ai fait un énorme travail… attention, mon travail ne se passe pas sur un an, deux ans, trois ans. Je vois le camp, il y a eu quatre éditions, entre 1983 et 2011, c’est inouï la différence entre le premier [ouvrage] et le dernier. Le réseau Buckmaster à Montreuil-Bellay, j’ai sorti un livre en [19]83, pour les quarante ans de cette histoire, et je l’ai ressorti dix ans après.

 La 4ème édition, 
comme les trois autres, publiée par Wallâda.

E L – Un livre renouvelé.

J S – Le même livre, mais avec tout ce que m’a apporté le premier livre, parce que les gens me contactent. Ce sont les gens qui me contactent, qui font progresser l’Histoire. Moi, ce qui m’intéresse aussi, c’est d’être critiqué, par exemple de me dire : Non ce n’est pas vrai, ce n’est pas comme ça. Je suis ce que l’on appelle en anglais – je ne sais pas si vous avez vu le film de Losey qui s’appelle Le Messager, The Go-beetween – je suis un intermédiaire entre celui qui a vécu l’événement et celui qui va essayer de savoir ce qui s’est passé. Moi, je suis entre les deux. Je suis très malléable, mais en même temps, très exigeant. 

(Photo Yves Lefranc)

E L – Alors vous dites : J’aime bien être critiqué ; vous avez été servi, et en particulier par les autorités de votre ville qui, généralement, lorsque vous avez commencé à parler, à raconter ce qui s’était passé, alors que ce soit pour la Résistance ou que ce soit pour ce camp donc de nomades de Montreuil-Bellay, n’étaient pas très heureuses, ces autorités, de voir sortir ces nouvelles dans les journaux en particulier.

J S –  Bon, je pense… je suis instituteur, on va donner un exemple concret, comment l’Histoire se construit. Je prends la libération de Montreuil-Bellay le 1er septembre 1944. Quand vous lisez l’Histoire, quand vous lisez ce qui s’est écrit depuis le 1er septembre 1944, il y a une cérémonie à Montreuil-Bellay. Le maire va au Monument aux morts, il y a la musique, il y a des gens avec des décorations, c’est la fête à Montreuil-Bellay, on a libéré Montreuil-Bellay le 1er septembre 1944. Et le maire va écrire dans le journal qu’on ne voit jamais Sigot au Monument aux morts ce jour-là. Moi, j’ai voulu savoir ce qui s’était passé le 1er septembre 1944. Vous allez voir ce que j’ai trouvé. Je l’ai trouvé chez les gens, chez les victimes. C‘est que j’ai sans doute une mauvaise tendance, c’est de me mettre du côté des victimes. Moi-même, j’ai été victime de l’Histoire [sacrifier les études pour ne pas aller en Algérie], donc c’est une espèce de raison personnelle.
Alors, ce qui s’est passé. C’est qu’il y a un réseau de F.F.I [Forces Françaises de l’Intérieur] qui est arrivé à Montreuil-Bellay au mois de juin 1944 [en réalité le 5 août ; confusion avec le débarquement allié en Normandie et le drame d’Oradour sur lequel j’ai par ailleurs travaillé] pour libérer la ville. Ils ont tué deux jeunes Allemands sur le pont, qui gardaient le pont. Les autorités allemandes – Montreuil était occupé – ils ont fait savoir qu’il allait y avoir des répressions, des représailles, et le docteur de Montreuil-Bellay, Jacques Durand, qui parlait allemand, est allé parler avec eux. Il a dit : Vous savez, il faut voir ce qui s’est passé ; on va demander à ces gens-là de partir, et Montreuil est une ville calme, il ne va rien se passer. Donc ce groupe va aller à une quarantaine de kilomètres, dans une forêt, se cacher, et Montreuil va retrouver sa tranquillité. Le 29 août, les Allemands se retirent. Il n’y a pas eu de libération, il n’y a pas eu de bataille à la Libération. Les Allemands se sauvent parce que les Américains arrivent.
Il reste deux vieux Allemands ; ils font sauter le pont. Personne ne les empêche de faire sauter le pont sur le Thouet, et ils partent à bicyclette sur la route de Loudun. La guerre est finie à Montreuil-Bellay. Nous sommes le 29 août. Le 1er septembre, les gens qui étaient là au mois de juin [en août], les FFI, reviennent à Montreuil-Bellay ; ils réinstallent le maire à son poste, parce qu’il avait été remplacé par Pétain par une délégation spéciale, et qu’est-ce qu'il se passe ? On tond les femmes dans l’ancienne gendarmerie. On tond les femmes, c’est la grande fête populaire ; on tond les femmes qui ont collaboré, qui ont couché, sauf celles qui ont donné des cigarettes ou qui ont été copines, on tond les femmes. Montreuil est libéré le 1er septembre, on célèbre le 1er septembre à Montreuil. Moi, je ne suis pas d’accord : le 1er septembre, ce n’est pas la libération de Montreuil, c’est la tonte des femmes. Voyez comment moi, je vois l’Histoire. 
Alors les Montreuillais, ce qui se passe, les Montreuillais sont d’accord avec moi. J’ai le nom de toutes les femmes [tondues].

E L – Tous les Montreuillais ne doivent être d’accord avec vous, peut-être ?

J S – Si, parce que je leur apprends leur histoire, mais les autorités ne sont pas contentes.

E L – Et qu’est-ce qu’elles disent les autorités de vous alors justement ? Que vous êtes un empêcheur de tourner en rond ? Vous êtes quoi ?

J S – Bon, elles disent que je suis un soi-disant historien, que pour être historien, il faut avoir des diplômes…

E L – Alors on en revient à la question du départ ?

J S – Oui. J’aime beaucoup l’expression « soi-disant historien », comme si on disait "ce soi-disant mort". Le mort, il dit, moi je suis mort ! Je n’ai jamais dit que j’étais historien, j’ai dit que j’étais un instituteur qui étudie l’histoire, toujours.

E L – Comment vous vous qualifiez ? Historien local, vous ne dites pas ?

J S – Si, mais rappelez-vous, autrefois… moi je suis un instituteur d’autrefois, on apprend l’Histoire aux enfants en partant de ce qu’ils connaissent.

E L – Bien sûr, les petites Patries.

J S – Dans le temps, on faisait des monographies, on étudiait… J’ai lu Goubert, j’ai lu Samson, dans l’Oise, qui ont écrit leur Histoire, une Histoire très différente de celle que l’on voit dans les livres.

E L – Et ça c’est bien, justement. Partir de l’exemple local.

J S – Parce que les gens, ils participent à l’Histoire, c’est eux qui la font, ce sont les gens qui m’ont aidé à écrire leur histoire. Cette Histoire pendant la guerre, c’est eux qui l’ont vécue, qui me la disent.

E L – Alors quand vous dites, j’ai bien été accueilli par les Montreuillais, les Montreuillais m’accueillent bien, ça veut dire que vous leur révélez des secrets que certains connaissent…

J S – Et je leur apprends à aimer leur ville, aussi.

E L – Parce qu’il faut l’aimer dans ce qu’elle a de bien et aussi de noir.

J S – Oui, je suis complètement d’accord. Oui, par exemple, pourquoi je dis que les Montreuillais m’aiment bien ? c’est parce que je vends mes livres. J’ai fait mon premier livre sur les guerres de Vendée, à mille exemplaires, il s’est vendu en quelques semaines. C’est pour cela que j’en ai fait d’autres.

E L – Eh bien dites donc, il y a beaucoup d’historiens universitaires qui voudraient vendre en quelques semaines un miller d’exemplaires.

J S – Ils n’achètent pas du Sigot, ils achètent le sujet. Le réseau Buckmaster, par exemple, personne n’a jamais parlé du réseau Buckmaster. Pourquoi ? Mais parce que c’est de Gaulle qui était contre, c’étaient des réseaux anglais, et parce qu’ils ont tous été massacrés. Ils ont perdu la guerre en [19]43. Qu’est-ce que c’était qu’un réseau Buckmaster ? Ce sont des adultes, des notables – il y avait l’ancien maire de Montreuil-Bellay, qui avait soixante ans – qui recueillent des armes parachutées par les Anglais, qui les cachent en attendant le grand soir. Le grand jour, pardon, je confonds. [Rires].

E L – Ce n’est pas la même chose.

J S – Des volontaires. Et alors, ils les cachent dans des caves, parce que chez nous, il y a des caves partout [Caves troglodytiques pour la culture des champignons], et voilà ce qui se passe. Alors, le 17 septembre, 18 septembre, ils sont tous arrêtés [en réalité une seconde vague d’arrestations début octobre], tous déportés en Allemagne dans les camps de la mort où ils meurent tous, sauf un survivant [quelques rares rentrent, très diminués, pour mourir presque aussitôt après]. Voilà l’histoire. Alors, qu’est-ce qu’on dit à Montreuil-Bellay, qu’est-ce qu’on dit ailleurs ?
Ces gens-là, ils allaient dans des cafés, ils étaient ivres et ils disaient : Nous, on n’a pas peur des Allemands, on a ce qu’il faut dans les caves, on va les attaquer,  on va se venger. Et voilà. Donc, pour les Monteuillais, pour tout le monde, s’ils ont été arrêtés, c’est de leur faute. Alors moi, j’ai fouillé l’histoire, j’ai cherché ce qui s’était passé, et j’ai découvert des choses terribles. C’est que, à Saumur, il y avait un jeune Allemand francophile qui parlait français, qui était secrétaire [et interprète]. Et il apprend que la Gestapo va descendre à Montreuil-Bellay et à Saumur, dans les huit jours, pour arrêter des gens. Le capitaine de gendarmerie, qui était chef du réseau [Buckmaster] était au courant [fut mis au courant par le jeune interprète], mais il n’a pas daigné prévenir ses hommes. Bon, ces réseaux, moi, ce qui m’avait impressionné, c’est que si on écoute la rumeur, les Allemands apprennent ce qui s’est passé à Montreuil-Bellay, ils vont arrêter à Montreuil. Mais on oublie une chose, c’est que ça s’est passé dans tout l’ouest de la France, tous les réseaux Buckmaster sont tombés le même jour. Donc, ce ne sont pas des Montreuillais qui ont fait sortir ça. Donc moi, je suis parti de là. Il y a quelque chose qui ne va pas. Bon, mes recherches, mes recherches, j’ai eu la chance – j’ai beaucoup de chance, les gens me donnent – j’ai trouvé un chercheur comme moi, Allemand, qui a eu les archives de la Gestapo à Heidelberg. Il a trouvé l’interrogatoire du capitaine.

E L – Et alors ?

J S – C’est le capitaine… alors, ce qui s’est passé, c’est très compliqué, mais moi, j’ai réussi à remonter. C’est que le chef du réseau Buckmaster de Montreuil-Bellay [le capitaine, le chef du réseau de tout le Saumurois, était son supérieur, ], c’était le sous-directeur du camp de concentration de Montreuil-Bellay.

E L – Ah ! bon ?

J S – Oui, il a été arrêté… Alors lui, le chef, dénonce le sous-chef ; le sous-chef est torturé à mort, il livre ses hommes.

E L – D’accord.

J S – Donc on n’est pas monté [du sous-chef au chef], on est descendu du grand chef jusqu’aux petits.

E L – Ce qui change effectivement la perspective.

J S – Ca change tout. Alors écoutez ce qui se passe. C’était le capitaine de gendarmerie [de Saumur]. Dans le journal, ils mettent que le capitaine de gendarmerie est arrêté à trois heures du matin, le 18, alors que le sous-directeur du camp de Montreuil-Bellay est arrêté la veille à onze heures du soir. Et en réalité…

E L – C’est le contraire.

J S – C’était le contraire.

E L – A partir de ce moment-là…

J S – Donc, la gendarmerie se défaussait…

E L – C’est un peu une enquête policière, Monsieur Sigot.

J S – C’est une enquête policière, et j’essaie qu’il n’y ait pas de hiatus, il faut que tout s’enchaîne. C’est un jeu de construction à l’envers.

 Troisième édition en 2002

E L – Alors, tout de même, quand on est historien local, travaillant sur un espace local, généralement, on ne sait pasn quand on est lecteur, faire la différence entre le bon historien, le mauvais historien, celui qui travaille bien, qui fait un bon travail, qui va jusqu’au bout de son travail de recherches, pourrait-on dire, et celui qui va juste publier deux ou trois documents, les mettre ensemble, sans vraiment leur donner de sens, d’une certaine façon. Comment êtes-vous reconnu dans ces années 80, quand vous commencez à être publié, par d’autres. Comment dit-on : Bien Jacques Sigot, c’est quand même sérieux comme boulot, ce n’est pas n’importe quoi.

J S – C’est pare qu'on ne m’a jamais critiqué, on ne m’a jamais apporté des preuves que je mentais. Moi je dis : Si vous dites que je raconte des bêtises, apportez-moi les preuves que je me trompe. Jamais ! Ca, je ne sais pas si j’ai de la chance ou si les gens sont trop ignorants pour voir mes fautes, mais je n’ai jamais été critiqué. Donc, ça me donne une confiance.

E L – A part les institutions de la ville dans laquelle vous vivez.

J S – Oui, mais eux, ce n’est pas pareil, c’est politique. Ils ne sont pas contents que l’on dise qu’il y a eu un camp de concentration à Montreuil-Bellay. Pourquoi ? Parce que si… On a fait mettre une stèle sur le camp, on a payé nous-mêmes, personne n’a voulu payer. C’est nous qui avons payé. Parce que si c’est reconnu qu’il a été classé monument historique…

E L – Il y a deux ans.

J S – Oui, mais qu’est-ce qu’il va se passer : tous les Mânouches de France vont venir à Montreuil-Bellay et voler nos poules.

E L – Donc, c’est la crainte.

J S – C‘est la crainte. On ne veut pas de ces gens-là ; on ne va pas reconnaître que Monsieur Sigot raconte des choses qui sont vraies. On essaie d’effacer les traces, on met des vaches sur le camp, des traces disparaissent. On fait disparaître un bâtiment. On essaie sur le côté, pas face à face. Il ne faut pas que l’on dise que les Français ont fait des camps, que les Montreuillais allaient se promener le dimanche pour voir ça, que c’était la sortie du dimanche. On ne veut pas, et pourtant, c’est vrai.

E L – Vous le savez, Jacques Sigot, dans cette émission, et vous êtes au courant puisque vous avez demandé à quelqu’un  de venir, vous avez un invité qui va entrer dans le studio. Je vais le découvrir en même temps que nos auditeurs… [rire] Bon, c’est un peu trop facile. Bonjour, bonjour Denis. Denis Peschanski entre dans la salle. Alors voilà un historien universitaire, chercheur, un vrai donc, qui va dialoguer avec un historien local, un amateur, un amateur dans tous les sens du terme.
Bonjour, donc il faut peut-être vous présenter, Denis Peschanski, donc présentez-le, vous. Pour une fois, cela ne va pas être moi qui vais présenter l’invité, Jacques Sigot.

J S – Bon, c’est délicat, j’aime trop Denis pour bien le présenter. Je le connais depuis très très longtemps. Ca fait combien ?
Denis Peschanski (Photo Yves Lefranc)

E L –  Alors une petite trentaine d’années, peut-être ? Si, peut-être, quelque chose comme ça ? Parce qu’il faut dire, pour nos auditeurs, qu’il a travaillé sur les camps, l’internement pendant la Seconde Guerre mondiale en France. Il est l’auteur d’un grand livre sur La France des camps, justement.

J S –  Et avant, il l’avait fait sur les Tsiganes, en 1994.

E L – Et donc, vous vous êtes rencontrés à ce moment-là ?

J S –  Non, avant.

E L – Denis Peschanski, comment cela s’est passé ?

D P – Simplement, tu as pris contact avec moi à l’Institut du Temps Présent. Les premiers travaux sur les Tsiganes, tout à fait.
Je vous ai entendu tout à l’heure parler de ce que pouvait être un historien, un historien, un historien local. L’historien, il ne se définit pas par des diplômes, il se définit par des méthodes.

E L – Il est souvent défini par des diplômes ? Par les autres, en tous les cas.

D P –  Et en tous cas, pas par moi. Et donc à partir du moment où l’on définit un historien par des méthodes, et si ces méthodes sont considérées comme reconnues parce que répondant à un certain nombre de critères de scientificité, je ne vois pas pourquoi ça viendrait interférer.

E L – Oui, mais souvent, ça interfère, tout de même, Denis Peschanski, souvent on entend dans le milieu universitaire : Oh ! ce n’est qu’un historien local, ou, Ce n’est qu’un historien qui travaille sur son petit village. Ca peut servir souvent, on dit souvent : c’est une matière primaire que l’historien va édulcorer pour en faire un véritable travail de synthèse ; c’est souvent ce que l’on entend. Vous qui avez travaillé sur tous les camps qui étaient répartis sur tout le territoire français, vous avez dû l’entendre souvent tout de même, Denis Peschanski ?

 
(Photo Yves Lefranc)

D P –  Oui, ça me rappelle aussi le profil du Père Desbois, Patrick Desbois, qui travaille sur la Shoah par balles, donc sur l’extermination de proximité sur le front de l’Est, qui, par son travail quotidien, parce qu’il est sur place, régulièrement, vous connaissez bien, avec Yahad-In Unum, son association, fait un travail absolument exceptionnel qui marque aussi un tournant dans l’appréhension qu’on a de ce que pouvait être la Solution finale. C’est le même profil, il n’est pas historien de formation, et pourtant, il utilise des méthodes qui sont des méthodes reconnues par l’Histoire.

E L – Alors, comment on les qualifie ces méthodes, justement, qui permettraient aux uns et aux autres de se retrouver autour d’objets historiques, d’objets du passé, Denis Peschanski ?

D P – Il y a une démarche de base, c’est-à-dire le travail de l’historien, c’est un aller retour entre les hypothèses de travail et les sources qui lui permettent de nourrir ces hypothèses, éventuellement de les transformer complètement, éventuellement de les nuancer ; puis de retourner vers les sources, et c’est au bout de cet aller retour qu’on aboutit à un produit qui n’est pas un produit définitif, puisque par définition on pose des questions, et donc on a des réponses aux questions qu’on pose. Il n’y a pas la vérité en Histoire, il n’y a pas plusieurs vérités en Histoire, il y a plusieurs lectures vraies des traces laissées par des événements. Et évidemment, dans trente ans, dans quarante ans, d’autres travailleront sur les Tsiganes, et trouveront autre chose que ce qu’a trouvé Jacques, parce qu’il était pionnier sur le sujet, j’insiste là-dessus, ou ce que j’ai pu trouver après, parce qu’ils poseront d’autres questions et ils auront d’autres réponses, et les réponses seront aussi vraies que les siennes et les miennes. 

E L – Vous vous retrouvez dans cette description de cet aller et retour, justement, de questionnement, Jacques Sigot ?

J S – Je ne fais que cela, il n’y a pas une lecture définitive. Moi, je m’en aperçois par mes propres livres qui évoluent au fur et à mesure du temps.

E L –  Quand vous dites qu’il était pionner, Jacques Sigot, Denis Peschanski, qu’est-ce qui explique que peu de gens se soient intéressé à cette époque-là, dans les années [19]80, à cette question des camps de Tsiganes en France, comme d’ailleurs à la question en général des camps en France. Il n’y a pas seulement que ces camps de Tsiganes, mais ceux-là en particulier.

D P – On a un cumul, en fait, de handicaps. Premièrement, on a un changement de régime de mémorialité, pour employer une terminologie que j’aimerais bien voir reprise, c’est-à-dire un rapport à la mémoire qui est daté. Bon alors, on a, pour aller très très vite, parce que ça a été plus complexe, un régime de mémorialité dominant à partir de la fin des années [19]40 jusqu’aux années [19]70, qui était centré sur la figure du héros martyr. A partir des années 70, et surtout des année 80, c’est autour de la victime, singulièrement de la victime juive. Donc des travaux, et c’est très intéressant pour le sujet qui nous occupe, des travaux sur les camps d’internement ont accompagné très vite ce changement de mémorialité. Les premiers travaux sont du début des années 1980, en particulier sur le camp de Gurs. Donc, déjà, on a ce décalage qui explique le retard. Mais en plus, c’est une population qui est une population en marge de la société. Et donc, de penser l’histoire de cette population est une difficulté supplémentaire, d’autant plus, troisième étage, que c’est une population de l’oral, un peuple de l’oral, et pas un peuple de l’écrit.

E L –  Et comment avez-vous justement noué ces premiers rapports avec ces survivants, avec ces gens qui avaient vécu près ou dans le camp de Montreuil-Bellay, camp de nomades, donc, ces Tsiganes dont on a parlé récemment dans un documentaire ?

J S – Il y a deux choses : c’est que j’ai vécu avec des Berbères au Maroc, donc je connais bien les nomades, leurs manières de vivre ; et deuxièmement, mon profil. J’ai aussi eu la chance de rencontrer deux Tsiganes qui m’ont beaucoup, beaucoup aidé. Il y a Poulouche, Jean-Louis Bauer, qui était dans le camp ; et il y a surtout Jean Richard, Jean-Jean, qui m’a mis en relation avec sa famille.

 
 Avec Jean-Jean sur les ruines de l'ancienne prison du camp.

Parce qu’il faut dire une chose terrible, c’est que lui ne savait rien. Sa famille savait, mais jamais ils n’en ont parlé. La honte d’être enfermés, et Jean-Jean, il a appris l’histoire grâce à moi. Il a découvert dans les archives que sa grand-mère était veuve de guerre de 14/18. Il l’a découvert il y a deux mois dans les archives, il ne savait rien. Mais il m’a mis en rapport avec sa famille ; je suis rentré dans les caravanes, dans les vardines, comme on dit, j’ai parlé avec eux, et le problème, c’est qu’ils m’ont parlé, alors qu’ils n’ont jamais parlé à leurs enfants. Je ne sais pas pourquoi, ma manière d’approcher ? ma manière d’instituteur ? J’ai eu beaucoup de chance avec Poulouche, avec Jean Richard, et c’est la boule de neige, chacun m’envoyant à une autre [E L – personne]... famille. J’ai rencontré beaucoup, beaucoup de survivants, et c’est eux qui parlent, ce n’est pas moi.

E L – Mais ça, quand vous découvrez les travaux de Jacques Sigot, Denis Peschanski, alors que vous vous intéressez à ce même sujet...

 Edité par le CNRS en 1994

... comment, je posais la question juste avant que vous n’entriez tout à l’heure, comment on distingue une bonne Histoire, on lit une Histoire qui est peut-être moins aboutie. Comment avez-vous distingué ce type de travail par rapport à d’autres qui pouvaient raconter quelques faits aussi, mais peut-être moins les mettre en ligne, d’une certaine façon, les mettre en ordre, Denis Peschanski ?

[Rire]

D P – Sauf que l’on avait la catastrophe du livre de Bernadac, vous connaissez ; donc on avait  effectivement une référence négative. Non mais ça me semble assez simple. D’abord parce qu’il citait ses sources ; ça permettait de remonter le fil, en quelque sorte, et de voir comment il travaillait sur les sources en question. Ensuite, il était capable de construire, de reconstruire un récit. Un récit avec des fils qui sont bien organisés, avec des grilles d’analyse, des grilles de compréhension qui permettent d’appréhender le sujet dans sa complexité. Par ailleurs, comme il était un petit peu provocateur, vous l’avez compris, [rires] il aime bien, il aime bien aller à l’encontre des idées reçues, voilà. Donc voilà, ça fait pas de mal, honnêtement ?

E L – Jacques Sigot ?

J S – Oui, j’écoute, j’en suis très heureux [rires], parce qu’on me le reproche assez, et là, puisqu’on me le reconnaît, c’est agréable.

E L – On vous reproche quoi ? La provocation ou le travail ?

J S – La provocation, oui, la provocation. C’est de la provocation pour eux, pas pour moi. Moi, de dire qu’à Montreuil, le jour de la Libération, on a tondu les femmes, ça provoque, mais c’est vrai. Pourquoi on va dire autre chose ? Pourquoi on n’a pas reconnu les martyrs de ces [réseaux] Buckmaster en 1943, des commerçants et autres, et on va chanter la Résistance de [19]44, pourquoi ? Pour moi, ils méritent plus qu’on parle d’eux, ceux de 43, qui ont complètement disparu. Les familles… ils ont été heureux que je parle d’eux, ils m’ont donné les lettres qu’ils ont [qui ont été] envoyées de la prison de Pré-Pigeon [à Angers], de Fresnes. J’ai toutes les lettres des gens, qui étaient cachées dans les cols de chemises, j’ai des documents énormes sur ces réseaux Buckmaster. C’est un très gros livre, et personne d’autres n’en parle.


Extrait de la dernière lettre envoyée, pour la Noël 1943, de la prison d’Angers, par Gaston Amy (60 ans), ancien maire de Montreuil-Bellay, arrêté pour avoir donné 15 litres d’essence pour le camion du camp, lors de la récupération d’armes parachutées par les Anglais. Déporté en Allemagne avec ses camarades début janvier 1944, il ne devait jamais revenir.

Texte :
Enfin, pour notre bonheur à tous, en plus de la santé, que cet an 1944 amène dès le printemps la fin de cette maudite guerre, et que nous soyons tous réunis à Montreuil dès le mois de mars, le jour, comme l’annonce Pierrette [l’une des filles de Gaston Amy], de mon retour parmi vous devant être le plus beau jour de ma vie, mes chéris !

E L – Mais ça veut dire qu’il faut attirer la confiance des gens que vous allez voir, d’ailleurs comme un historien…

J S – Ils la donnent tout de suite, parce que personne ne s’est jamais occupé d’eux.

E L – Ah ! oui, c’est ça, parce que c’est la nouveauté.

J S – Personne. Pour eux… il y a des gens qui ont besoin de parler, mais personne ne les fait parler.

E L – Denis Peschanski ?

D P – Oui, l’empathie est importante dans la démarche historienne, et effectivement, il fonctionne à l’empathie, et il peut obtenir des choses que d’autres n’obtiendront jamais, par le regard même qu’il porte sur cet objet. Mais, ce que je voulais simplement ajouter, c’est qu’on voit bien qu’il y a une dimension strictement historique pour voir cet objet, la nécessité de mettre les choses au clair, mais aussi une dimension mémorielle. Tout le temps est charriée avec cette histoire, tout le temps, une dimension mémorielle. Comment on gère ces différents événements ? J’entendais parler des Vendéens, j’entends parler de Buckmaster, et des femmes tondues, et j’entends parler des Tsiganes. Comment gérer aujourd’hui encore, la question, la mémoire de l’internement des Tsiganes ? Et en plus, ce qu’il y a d’extraordinaire, parce qu’il a mis le doigt dessus, à l’encontre de ce que disait Bernadac sur l’idée qu’il y avait une sorte d’holocauste caché, il a réussi à raconter une histoire, enfin, de cet internement, tout en montrant qu’il n’y avait pas de, entre guillemets, de Solution finale de la question tsigane en France.

J S – Oui, ils ont été protégés dans les camps.

D P – Et que les seuls… Je me souviens, à titre anecdotique, quand j’ai été sollicité par le ministère des Anciens Combattants. Serge Barthélémy, qui était directeur [ ?] à l’époque, dans son exposé, explique qu’il y a cinq, six, sept, sept lieux, qui sont les lieux symboliques de la déportation de France, et le lieu où on allume une torche, ce jour-là, pour commémorer…

J S – Le dernier samedi d’avril.

D P – Et c’est, le symbole de la déportation des Tsiganes de France, Montreuil-Bellay.

J S – Alors qu’il n’y a pas eu de déportations.

D P – Alors j’interviens. Tu sais combien il y a eu de déportés ? – Je ne sais pas…

J S – Zéro.

D P – Zéro.

Serge Barthélémy – Tu es sûr ?

D P – Ben oui, un peu. Enfin, je peux continuer, il y a Jacques Sigot qui a travaillé dessus. Il y a des choses quand même à peu près établies, et on peut continuer à travailler, on va approfondir. Non, on va préciser, c’est pas zéro ; en fait, il y a eu deux ou trois déportés… qui faisaient partie de la direction du camp.

J S – C’étaient les cadres, le directeur, le sous-directeur, et le chauffeur…

D P – et le chauffeur…

J S –  Parce que le camion a servi pour le réseau Buckmaster.

[Voix qui se recouvrent, peu intelligibles]

D P – Voilà, on va dire comme ça.

J S –  Ce n’est pas ce que l’on dit d’habitude.

D P – On va dire comme ça. Et en même temps, il était clair qu’il n’y avait pas besoin de construire un mythe sur la déportation systématique des Tsiganes de France pour raconter une histoire dramatique qui est celle de l’internement de ces Tsiganes.

E L – Bien sûr. Oui, parce que effectivement, il y aurait une sorte de sacrifice suprême qui serait cette déportation, et puis une sorte de sacrifice mineur, ou de faute mineure, qui aurait été juste leur internement dans ce camp de Montreuil-Bellay.

J S –  Mais ils n’ont jamais su pourquoi ils étaient internés, et ils ne sont pas sortis le 1er septembre, puisqu’il sont sortis en juin [19]46, les derniers, vous vous rendez compte, du camp d’Angoulême…

D P – Le dernier interné à sortir d’un camp d’internement administratif était un Tsigane. Donc, la continuité, elle joue bien.

J S –  46 !

E L – J’étais, il y a deux semaines, au Mémorial de Caen où on me montrait, Denis Peschanski, combien une Institution, qui doit justement propager l’Histoire de la seconde Guerre mondiale en particulier, avait évolué en vingt ans, devait évoluer, avait, comment en fait, comme devait l’expliquer Jacques Sigot, remettre sur le métier l’ouvrage, parce que, eh bien, les travaux des historiens, qu’ils soient d’Histoire locale ou d’Histoire universitaire, avaient fait changer les interprétations. On avait ajouté la Shoah à l’Est, on avait fait une plus grande place à l’Histoire de la Shoah qu’auparavant. Ca, c’est quand même quelque chose qu’il faut rappeler à ceux qui nous écoutent, que l’Histoire est à la fois dans sa production, mais également dans son exposition, en profond renouvellement, y compris sur les sujets qu’on croit connaître, Denis Peschanski ?

D P – Oui, c’est le problème de ces musées. C’est la contradiction, c’est-à-dire que l’on est normalement dans une exposition qui s’inscrit dans la durée, et qu’on doit en même temps prendre en compte l’évolution des connaissances. Et par exemple, une re-hiérarchisation des évènements représentés. Donc, l’Espace 3 principal du Mémorial de Caen, a choisi le Comité scientifique, a été complètement reconfiguré en donnant une place très importante à la Solution finale, et dedans, à l’extermination de proximité, à la Shoah par balles à l’Est ; et de même, en montrant l’importance du front Pacifique, du front du Pacifique, et du rôle de la guerre menée, engagée par le Japon.

E L – Et donc, ce que fait Jacques Sigot sur ses propres livres, c’est ce que devrait faire tout historien, c’est-à-dire se relire, se remettre en cause, rajouter des nouvelles interprétations, pour pouvoir justement, en permanence, renouveler la problématique, Denis Peschanski ?

D P – Oui, enfin, on n’est pas non plus obligé de rester sur le même sujet jusqu’à…

E L – Vous venez de publier un livre sur les années noires. Je n’ai pas encore eu le temps de le lire, malheureusement.

D P – Oui, ce n’est pas sérieux. Oui, Les années noires, publié chez Hermann, puis j’ai publié une série d’entretiens qui sortent, je crois, demain ou après-demain, avec Boris Cyrulnik, Mémoire et traumatisme.

E L – Et donc, on n’est pas obligé de travailler toujours sur le même sujet, mais quand on travaille sur le même sujet, il faudrait à chaque fois faire des nouvelles éditions, travailler pour qu’on relise autrement.

D P – Voilà, faut relire autrement, faut réfléchir autrement, faut poser de nouvelles questions, et essayer, puisque j’entendais votre jeune collègue évoquer la nouvelle radio…

E L – France Culture plus.

D P – … avec les thésards, essayer de revisiter les thématiques, ou de visiter des thématiques avec, malgré les années qui viennent, un état d’esprit de docs, ou de post-docs, de doctorants, ou de post-doctorants. Ca fait pas de mal, je vous assure.

E L – Jacques Sigot, en quoi vous êtes bousculé par ceux qui, aujourd’hui, travaillent sur des sujets qui sont proches, alors que vous étiez un pionnier. Par exemple sur cette question des Tsiganes en France, et de leur internement pendant la Seconde Guerre mondiale. Est-ce que, d’un seul coup, vous êtes, vous aussi, bousculé dans vos certitudes que vous avez commencé à établir il y a déjà plus de trente ans ?

J S – Je ne suis pas bousculé ; comment voulez-vous me bousculer, je me bouscule moi-même, je ne veux pas être bousculé par les autres. [Rires] Non, ce qui m’ennuie toujours, c’est que, systématiquement, on va accuser les Allemands de cette forfaiture. Ca, c’est… on parle toujours du décret d’octobre [19]40 où les Allemands demandent d’interner les Tsiganes, mais quand on le lit bien, ils demandent d’interner ceux qui sont sur les routes, ceux qui sont dans les zones défendues, comme sur les côtes, c’étaient des zones réservées ; mais on oublie que le 14 mai 1940, déjà, le préfet de la Gironde, il interne toute la famille Winterstein, les neuf enfants, le concubin, la concubine, et que déjà en janvier 40, moi, j’avais vu des internements [dans les archives !… pas de visu, je suis né en janvier 1940 !]. Les internements, c’est le décret du 6 avril 1940 qui va [les] déterminer. Il sera toujours cité pendant toute la guerre. Les Allemands vont s’en [désintéresser]. C’est vrai que les Allemands se sont occupé très peu des Tsiganes en France, parce qu’ils étaient très contents que Vichy s’en occupe.

E L – Denis Peschanski ?

D P – Oui, enfin, le décret du 6 avril 40… voilà, il imposait l’assignation à résidence. Mais c’est très intéressant, c’est de chercher la signification qui était donnée par les autorités. C’est pas parce qu’ils considéraient qu’il fallait protéger ces populations, non, c’est parce que si jamais on leur appliquait les mesures d’internement administratif qui étaient déjà en cours, c’est-à-dire prévues par la loi, et qui permettaient d’enfermer des gens, non pas pour des crimes ou des délits qu’ils auraient commis, mais pour le danger potentiel qu’ils représentaient pour la société ; et donc, on a des textes qui montrent que finalement ils décident, Non, on ne va pas les interner, on va plutôt viser l’assignation à résidence, parce que si on les interne, ça va peut-être, on va reconstituer les bandes, et donc aller à l’encontre de nos objectifs sécuritaires ; donc on va les assigner à résidence, et à la Libération…

E L – C’est formidable, pour comprendre la logique administrative, c’est formidable.

D P – Je peux vous dire, puisque après, comme ils sont internés à la demande des Allemands, cette décision du 4 octobre 40, à la Libération, on est bien embêtés, parce qu’on se retrouve toujours avec des Tsiganes dans les camps. Et quand même, dans un des camps, on a le chef de camp qui s’adresse au préfet, qui s’adresse au ministre, qui disent Alors voilà, on est bien embêtés, on a des Tsiganes dans le camp, qu’est-ce qu’on en fait alors que c’est par une décision allemande. Réponse du ministre : Vous n’avez qu’à dire qu’ils sont assignés à résidence dans le camp.

J S – C’est extraordinaire.

E L – Jacques Sigot, vous avez d’autres sujets que vous avez mis en route, ou vous êtes resté sur ce sujet sur lequel vous travaillez depuis si longtemps ?

J S – Non, non, non, non, c’est l'un des sujets, je vous dis ; je travaille beaucoup sur les ponts à transbordeur.

E L – Les ponts à transbordeur ?

J S – Oui, car on veut en reconstruire un à Nantes.

E L – Et à Marseille ?

J S – Oui, j’ai étudié tous ces camps-là, tous ces camps, pardon, tous ces ponts à transbordeur, je suis le spécialiste presque mondial des ponts à transbordeur. Je suis allé les rechercher partout, jusqu’en Allemagne,
 
 L’un de mes ouvrages sur les ponts à transbordeur.


E L – Alors là, il n’y a pas de rapport avec…

J S – Mais non. Au départ, ce sont des œuvres de commandes. On me commande, on me l’a demandé. J’ai fait un livre sur Petiot, j’ai fait des livres de commandes, j’ai des livres sur les maisons closes de Nantes,… Je suis autodidacte. J’ai fait, par exemple, toutes les rivières dans ma région, j’ai fait des brochures, des livres sur les rivières. Je recherche. J’ai pas de sujet de prédilection.

E L – Et il y en a un qui vous titille, ces temps-ci ?

J S – Oui, on m’a donné un beau sujet, on m’a demandé de travailler sur le Layon,.

E L – Le Layon, donc la rivière ?

J S – Voilà. Je sais que ma mère, la pauvre, elle aimait beaucoup le layon. Mon père lui livrait du layon au fond [du Loiret], et là, j’habite tout à côté du Layon, une rivière magnifique. Elle a été canalisée, c’est le canal de Monsieur, pour exploiter le charbon dans la région de Doué-la-Fontaine, et il n’existe rien sur cette rivière. Ca y est, on me demande de travailler dessus. J’ai fait la Dive, j’ai fait le Thouet.

E L – Vous auriez pu rapporter une petite bouteille de Coteaux pour qu’on la partage tous ensemble.

J S – Oui, c’est vrai, vous dites ça, mais quand j’ai fait une conférence, on m’a donné du muscadet, je suis allé à Chablis…

[Musique du générique de fin]

E L – Merci à vous, Jacques Sigot, d’avoir ouvert cette semaine, et merci à vous, Denis Peschanski d’être venu également. Je rappelle donc que Les années noires, ça vient de sortir chez Hermann, et cette petite collection, elle est où ?, parce qu’elle m’intéresse beaucoup, cette petite collection avec Boris Cyrulnik.

D P – A juste titre,  Ina Editions.


Montreuil-Bellay le 3 octobre 2012, 
Perrine Kervran, de France Culture, sur le site du camp...
"vachement" menacé.

2 commentaires:

  1. HARKIS LES CAMPS DE LA HONTE :



    lien vers http://www.dailymotion.com/video/xl0lyn_hocine-le-combat-d-une-vie_news

    En 1975, quatre hommes cagoulés et armés pénètrent dans la mairie de Saint Laurent des arbres, dans le département du Gard. Sous la menace de tout faire sauter à la dynamite, ils obtiennent après 24 heures de négociations la dissolution du camp de harkis proche du village. A l'époque, depuis 13 ans, ce camp de Saint Maurice l'Ardoise, ceinturé de barbelés et de miradors, accueillait 1200 harkis et leurs familles. Une discipline militaire, des conditions hygiéniques minimales, violence et répression, 40 malades mentaux qui errent désoeuvrés et l' isolement total de la société française. Sur les quatre membres du commando anonyme des cagoulés, un seul aujourd'hui se décide à parler.

    35 ans après Hocine raconte comment il a risqué sa vie pour faire raser le camp de la honte. Nous sommes retournés avec lui sur les lieux, ce 14 juillet 2011. Anne Gromaire, Jean-Claude Honnorat.


    Sur radio-alpes.net - Audio -France-Algérie : Le combat de ma vie (2012-03-26 17:55:13) - Ecoutez: Hocine Louanchi joint au téléphone...émotions et voile de censure levé ! Les Accords d'Evian n'effacent pas le passé, mais l'avenir pourra apaiser les blessures. (H.Louanchi)

    Interview du 26 mars 2012 sur radio-alpes.net

    RépondreSupprimer
  2. Cher Monsieur,
    C'est avec beaucoup de retard que je découvre votre commentaire... je viens de le visionner et le transfère à mes amis. L'histoire de France bégaie... l'émouvant témoignage de "Françoise", la "renommée", des instituteurs... Il y eut aussi des instituteurs dans le camp de Montreuil ; je fus instituteur de campagne... Tant à dire... Merci pour votre envoi sur une histoire que je connais bien puisqu'elle a influencé toute ma vie.
    Merci.

    Jacques Sigot

    RépondreSupprimer