De l’histoire locale à la micro-histoire
La Fabrique de l’Histoire, France
Culture, le 26 novembre 2012
Pour réécouter l'émission, si elle est toujours en ligne...
http:/‘www.franceculture.fr/emission-la-fabrique-de-l-histoire-de-l-histoire-locale-a-la-micro-histoire-14-2012-11-26
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Couloir pour rejoindre le studio d'enregistrement.
La tour centrale de la Maison de la Radio,
vue du studio d'enregistrement.
Montreuil-Bellay le 3 octobre 2012,
Perrine Kervran, de France Culture, sur le site du camp...
"vachement" menacé.
Les pages ci-dessous sont la transcription mot à mot d'une conversation à "bâtons rompus" entre deux puis trois personnes sans que les questions eussent été préparées, et non pas un texte rédigé pour être publié, d'où des répétitions, des hésitations, des phrases "maladroites" ; mais aussi des digressions qui ne sont pas développées. Mais c'est parce ces dernières me semblaient importantes, comme celle sur la guerre de Vendée dans ma petite ville en 1793. Je voulais dire tant de choses pour résumer plus de trente années de recherches et d'écriture, et cette heure de liberté à France Culture était trop belle pour ne pas en "profiter"...
[Entre crochets, des explications apportées au texte ou des corrections de dates.]
Présentation par Emmanuel Laurentin, journaliste :
Premier temps d’une nouvelle
semaine de la Fabrique de l’Histoire titrée De l’Histoire locale à la
micro-Histoire, pendant
laquelle nous nous demanderons comment la catégorie ancienne et parfois
méprisée de l’historien local a évolué jusqu’à aujourd’hui, jusqu’à nourrir
parfois celle plus prestigieuse dans les milieux historiques de la
micro-Histoire.
[…]
Aujourd’hui, eh bien j’ai le
plaisir de recevoir Jacques Sigot dont vous avez peut-être pu entendre le
témoignage dans le documentaire récent dans La Fabrique, qui a été conçu
par Perrine Kervran sur la question des Tsiganes et du carnet de circulation.
Jacques Sigot, instituteur, devenu après un long périple
historien de sa ville du Maine-et-Loire, Montreuil-Bellay. Mais il ne s’est pas
intéressé qu’aux périodes fastes de sa ville, à la Seigneurie médiévale, aux
églises de sa cité, comme souvent c’est le cas, il a étudié de près des
périodes difficiles comme la Révolution Française, ou encore la Seconde Guerre
mondiale, et a mis au jour l’histoire du camp de nomades dans lequel furent
enfermés justement les Tsiganes pendant ce conflit, une histoire qu’il ne
plaisait pas à tous de voir racontée.
Jacques Sigot va donc nous
raconter jusqu’à dix heures son itinéraire d’historien local, puis il sera
rejoint, à 9 h 30, comme chaque lundi, par son invité.
[Pour ouvrir l’émission,
entretien avec un second invité pour présenter une nouvelle émission sur France
Culture Plus]
(Photo Yves Lefranc)
Jacques Sigot, vous, vous n’êtes pas agrégé de
l’Université, vous n’avez pas fait de thèse, et pourtant vous êtes un
historien, qu’est-ce que vous vous pensez de ce type de rapport au savoir,
c’est-à-dire passer comme ça des longues années sous la direction d’un maître
de thèse, et non pas comme vous, d’être comme vous, votre propre maître de
thèse pour aboutir à un résultat de recherches.
Jacques Sigot – On
m’a souvent dit que vu mon travail, j’aurais dû présenter une thèse. Je ne sais
pas, à l’époque, si quelqu’un qui n’avait pas le bac pouvait présenter des
thèses, je ne sais pas. J’ai fait un travail sur plus de trente ans,
toujours le même travail, fouillé. Bon, j’étais complètement libre dans mon
travail puisque je n’ai pas eu de maître…
E L – Tutelle ? Vous
n’avez pas eu de tutelle ?
J S – Pas de tutelle, j’ai fait ce que j’ai voulu,
je l’ai édité moi-même, avec beaucoup de mal, [parce] que c’était un travail
que personne n’avait fait, c’était un travail spécial.
Alors vous dîtes pourquoi on
choisit un sujet ? Moi, c’est très simple, les sujets, c’est ma ville, cela a toujours été mon problème, c’est la
ville où je vivais.
E L – Pourquoi votre
problème ? votre chance, votre problème ou chance ?
J S – Mon problème, parce
que j’ai toujours nomadisé, j’ai changé beaucoup de vies au cours de toutes ces
années, souvent obligé, c’est-à-dire quand j’ai été mis à la porte de l’école
normale. Je suis passé d’Orléans à Beauvais, c’est quand même toujours des
chocs quand on a dix-huit, dix-neuf ans. Et ce que j’ai compris, c’est que,
tout de suite j’essayais de m’approprier le lieu où j’étais. Et je continue, et
là, je suis à Montreuil-Bellay, dans le Maine-et-Loire, et ça fait
quarante-deux ans que j’y habite, cela fait quarante-deux ans que je fouille
cette ville pour la connaître, parce qu’elle m’a accueilli, et pour être
accueilli en même temps.
E L - Parce que vous
n’étiez pas originaire de cette ville ?
J S - Pas du tout, pas du
tout, moi je suis Beauceron, je suis un bon Beauceron. Après, je suis allé en
Picardie ; après, je suis allé au Maroc, et maintenant je suis dans le
Maine-et-Loire. Pourquoi ? C’est la Loire, ça il faut dire, moi c’est le
fleuve, la Loire, qui m’a toujours servi de repère.
E L – Alors, vous disiez, Moi,
je n’ai pas eu de maître, d’une certaine façon, ça vous a manqué ? Il
y a presque dans votre voix le regret de ne pas en avoir eu ; quelqu’un,
d’une certaine façon, qui aurait pu guider vos recherches, alors que vous vous
lanciez dans ces premières recherches ?
J S – Je ne sais pas si
j’aurais accepté un maître. [Rires]
E L – L’historien sans
maître.
J S – Ca, il faut dire, ni
dieu ni maître, mais toi, mais vous, sans dieu, sans maître. Le problème, je ne
sais jamais où je vais, je n’ai pas de but ; c’est de connaître. C’est
pour cela que je suis autodidacte. Pourtant je suis passé par l’école normale,
dans les écoles normales primaires qui étaient des bouillons de culture, qui
étaient des endroits fabuleux. C’est bizarre qu’on les ait supprimées
d’ailleurs, parce qu’on avait des professeurs, j’ai eu des professeurs
extraordinaires qui m’ont fait aimer l’histoire, parce qu’il y a toujours
quelque chose en amont.
E L – Oui, parce que vous
auriez pu faire autre chose que de l’histoire, cette passion qui est devenue
primordiale chez vous.
J S – Non, non, il
y a aussi le fait que je suis orphelin, presque depuis la naissance, et je n’ai
pas de passé. Moi, mes frères et mes sœurs ne m’ont jamais parlé du passé de
notre mère, ou autres, et j’ai toujours, dans mes recherches, je m’en aperçois,
je fouille le passé des gens, je suis très heureux de les faire sortir
d’eux-mêmes. Je reconstitue des histoires, surtout dans le domaine dans lequel
je travaille, des gens qui n’ont jamais parlé de leur histoire qui était
honteuse, c’est l’histoire de l’internement des Tsiganes. Ils n’en ont jamais
parlé, donc les enfants, les petits-enfants ne sont au courant de rien, et ils
apprennent leur histoire par moi. Et c’est une jouissance, je dis le mot, de
donner aux gens leur histoire, alors que moi, je n’en ai pas, je n’ai pas
d’histoire, à part un passé beauceron. Je suis devenu un intellectuel grâce à
l’instituteur qui m’a envoyé à l’école normale. Parce que c’était cela dans le
temps, les instituteurs qui choisissaient, qui donnaient des chances à des
enfants qui, autrement, allaient à la batteuse, allaient travailler dans les
fermes.
E L – Comment êtes-vous
venu à votre premier travail historique, Jacques Sigot ?
J S – Alors, c’était en 1959, ça date.
E L – Ca commence à
remonter, juste avant ma naissance.
J S – J’étais à l’école normale de Beauvais.
Bon, c’était en fin de cycle puisque je n’avais pas le bac, j’étais obligé de
partir, et j’ai fait une colonie de vacances à Cayeux avec des enfants
picards. Et à Cayeux, je ne sais pas si vous connaissez cette ville, c’est pas
des plages de la Vendée où j’habite, ce sont des galets, et je me suis aperçu
que, j’ai appris que l’on faisait de la poudre de riz à partir des galets. Vous
vous rendez compte, on concasse les galets – on n’a pas le droit de voler des
galets sur la plage de Cayeux – et, en les concassant, on fabrique de la poudre
de riz, c’est abrasif. Avec mes colons, j‘avais dix-neuf ans, avec mes
colons, j’ai étudié comment on passe des galets de Cayeux, Cayeux des cailloux,
à la poudre de riz. C’est quelque chose de fantastique. Ca a été mon premier
travail. Une étude : alors on va voir les gens qui concassent, les concasseurs,
on va voir les gens qui travaillent ; toutes les maladies, la silicose,
tout ce que l’on peut imaginer, et j’ai fait une étude. Ca a été la première
étude que j’ai faite, et j’ai toujours continué pareil.
E L – Alors les sujets
viennent comment, parce que d’une certaine façon vous nous dites J’aime
l’histoire, j’ai été passionné par
l’histoire dès la petite enfance d’une certaine façon, mais je n’ai pas eu de maître ? Donc
les sujets vous arrivent librement ? c’est une curiosité ?
vous attachez-vous à un thème, Jacques Sigot ? Quand vous continuez, après
cette histoire de cailloux ?
J S – Oui, je vais Maroc,
je suis envoyé au Maroc. Bon, un peu obligé, pour ne pas aller en Algérie, pour
ne pas faire la guerre en Algérie, j’ai fait des itinéraires un peu spéciaux,
je me retrouve au Maroc.
E L – Professeur ?
J S – Oui, j’étais
remplaçant instituteur. Mais là-bas, on apprenait le français à des enfants
dans un collège, c’étaient des cours un peu spéciaux. Et j’arrive dans un pays
complètement différent de ma Beauce et de ma Picardie ; une religion
différente, un pays différent, et j’ai voulu savoir où j’étais. Et j’appris
donc l’arabe dialectal, je n’ai pas appris l’arabe classique, pour parler avec
des gens, et j’ai étudié l’histoire du Maroc, d’où elle venait. Et en étudiant
l’histoire du Maroc, j’ai lu un type extraordinaire qui s’appelle Ibn Khaldoun.
E L – Ah ben oui, alors
là, parlez-nous d’Ibn Khladoun, parce que c’est l’une de mes passions
personnelles.
J S – Ibn Khladoun,
c’est l'un des grands historiens du Moyen Age, du XIVème siècle [né en
1332 à Tunis ; décédé en 1406 au
Caire], et il étudie ce qui s’est passé dans ces pays-là, les dynasties, les
Almoravides, les Almohades, les Mérénides. Tous ces gens-là, ils durent un
certain temps, et ils sont remplacés par d’autres. Une civilisation, ça ne dure
pas. Alors il explique : il y a trois générations pour faire quelque chose
E L – Il a une théorie du
pouvoir, en fait.
J S – Oui, une
théorie que j’ai beaucoup aimée. Il y a celui qui va former sa société, son
empire : le conquérant. Le conquérant a un fils qui voit travailler son père.
Donc, il va savoir ce que c’est que de construire un empire, de créer quelque
chose. Donc, il va continuer l’œuvre du père. Et le petit-fils qui va naître,
lui, n’a pas vu son grand-père travailler, il n’a pas vu le mal qu’il s’est donné, il a un héritage énorme,
il va en profiter, il va le dilapider. Les Almohades sont chassés par les
Mérénides, ainsi de suite [Les Almoravides (1055-1144) ; les Almohades
(1130-1269) ; les Mérénides (1269-1465)], et ce sont toujours des gens qui
viennent du désert, c’est-à-dire des gens qui n’ont rien, qui n’ont que le
courage, l’ambition, tandis que le petit-fils n’a pas d’ambition puisqu’il a
tout.
E L – Donc ça, c’est la
théorie qu’il développe au XIVème siècle dans la Muqaddima, Les
Prolégomènes. Je pense que le deuxième tome vient d’ailleurs de paraître
cette semaine en Pléiade, justement, donc.
J S – J’ai lu cela au
Maroc il y a cinquante ans.
E L – Voilà, et dans la Muqaddima
il explique cela, mais il y a aussi une théorie des climats, une théorie,
effectivement, des confins, pourrait-on dire, de ces empires arabes de
l’époque, etc., il travaille sur l’effondrement des empires, mais il travaille
aussi sur la façon dont les populations se répartissent selon les climats en
particulier, c’est assez intéressant. Alors c’est là où vous découvrez
justement un autre type de récit d’histoire, Monsieur Sigot.
J S – Oui, pour moi, il y
a les gens qui font quelque chose, et il y a les gens qui profitent de quelque
chose, et souvent ils le dénaturent, ils le critiquent, et tout se détruit
comme ça. Il y a ceux qui travaillent,
ceux qui font travailler les autres. Tout ça, j’ai tout emmêlé. Je suis autodidacte,
je n’ai pas la structure d’un historien qui a un schéma qu’il va suivre pour
arriver à quelque chose ; moi, je ne sais pas où je vais, et j’y vais, j’y
vais, c’est les gens qui m’ont… Le camp de Montreuil-Bellay, au départ,
qu’est-ce qu’il y a ? Moi, j’habite une ville depuis dix ans, je vois des
marches depuis longtemps, personne ne me parle de ça, et on me dit que ces
marches, c’est un ancien camp de concentration pendant la guerre. Bon,
apprendre ça au bout de dix ans alors que j’avais fait déjà un ouvrage sur les Guerres de Vendée, parce que les guerres de Vendée aussi on pourrait en parler,
hein ? N’importe quoi, puisque ça va de 20 morts à 4.000 selon les
auteurs ; les Républicains, ils vont faire des livres, les Vendéens
font des livres, c’est jamais les mêmes.
Bon, c’est ça donc qui m’a formé. Donc le sujet qui m’est imposé, et surtout, les mensonges qui sont écrits.
Les Guerres de Vendée à Montreuil-Bellay.
Bon, c’est ça donc qui m’a formé. Donc le sujet qui m’est imposé, et surtout, les mensonges qui sont écrits.
E L – Mais comment se
fait-on une idée justement sur ce qui est la vérité et ce qui est le
mensonge ? Si on va à l’Université, on a des maîtres, justement comme on
vous l’a expliqué, Jacques Sigot, qui vous disent, ça ce sont des livres de
références, ça ce sont de mauvais livres, comment faites-vous votre miel en
tant qu’historien local, donc de votre région, en particulier de
Montreuil-Bellay, dans tout ce que vous pouvez lire ? Qu’est-ce qui vous
dit, ça c’est bien, ça c’est pas bien ; c’est votre intuition ?
Comment procédez-vous ?
J S – Alors là vous avez
un mot superbe, tout ce que vous pouvez lire. Alors là, c’est très
simple, il n’y avait rien d’écrit.
E L – Ah ! bon,
d’accord.
J S – Rien. Il y a
seulement Christian Bernadac qui a écrit un livre qui s’appelle Holocauste
oublié, dedans, rien. Il en a fait des antichambres de la mort, il a
recopié trois ou quatre rapports que des étudiants ont faits [recherchés] pour
lui. Il dit qu’il y a eu une centaine de morts en quelques mois ; et
alors je n’ai qu’à extrapoler sur cinq ans de guerre, imaginez les horreurs, et
tout est faux. Ce ne sont pas des Tsiganes qui sont morts dans le camp de
Montreuil-Bellay, ce sont des clochards ; ils n’ont jamais été déportés
dans les camps de la mort, ils sont restés tranquillement dans le camp de
Montreuil-Bellay pendant cinq ans. Donc, le peu de choses que j’ai lues,
c’était faux. Alors, qu’est-ce que j’ai fait ? Eh bien, J’ai recherché les
survivants, et il y a trente ans.
E L – Donc, vous avez
commencé par faire de l’histoire dont on dit qu’elle est orale, de l’histoire
orale ?
J S – De l’oral, mais j’ai
aussi retrouvé des textes. Par exemple, j’ai retrouvé des Républicains
espagnols, parce que ce sont eux qui ont été condamnés à des travaux forcés
pour construire non pas le camp, mais la poudrerie [à l'origine, construction d'une usine de guerre, transformée en camp à la suite de la défaite de juin 1940]. Ils ont noté, ils ont
écrit. Moi, j’ai vu des gens, c’étaient des intellectuels. Il y avait un homme
qui étudiait l’histoire cistercienne. Il avait tout noté ce qu’il avait fait
pendant quatre mois à Montreuil-Bellay. Il m’a donné tous ses documents ;
j’ai les curés qui m’ont donné les registres paroissiaux ; j’ai la
sage-femme qui m’a donné tous les accouchements, comment ils se sont passés
dans le camp ; j’ai trouvé des écrits. J’ai trouvé des instituteurs, j’ai
retrouvé tout le monde. Il y a trente ans, tout le monde était vivant, et j’ai
fait l’amalgame, j’ai essayé de faire un récit à partir de ça.
E L – Alors, est-ce que
c’était plus facile, ou est-ce que c’était moins facile de travailler sur la
région, et en particulier la ville dans laquelle vous vivez ?
Montreuil-Bellay, donc, dans le Maine-et-Loire, 4.000 habitants, est-ce que
c’était simple ou est-ce que c’était compliqué, Jacques Sigot, de s’intéresser
? Alors on voit bien l’enracinement, la volonté d’enracinement, comme vous
l’avez raconté ; vous n’étiez pas de là, vous arrivez sur place, et à
partir de ce moment-là, vous décidez de travailler sur cette ville. Alors,
est-ce que c’est plus simple, parce que l’on est dedans, ou est-ce plus
compliqué parce qu’on va commencer à brasser des histoires qui ne sont pas
forcément agréables à entendre.
J S – Alors moi, cela m’était égal, les histoires.
E L – On a bien compris que cela vous était égal, mais
peut-être pas égal à ceux à qui vous allez en parler.
J S – Ce qui m’a choqué, ce sont les mensonges en
Histoire. C’est ça, parce qu’il y a chez moi une volonté de savoir ce qui
s’est passé. C’est mon obsession : qu’est-ce qu’il s’est passé
réellement ? Qu’est-ce qu’on raconte et qu’est-ce qu’il s’est passé ?
Le plus gros sujet dont on pourrait parler facilement, c’est la Résistance dans
une petite ville en 1944 ; 43/44. J’ai fait un énorme travail… attention,
mon travail ne se passe pas sur un an, deux ans, trois ans. Je vois le camp, il
y a eu quatre éditions, entre 1983 et 2011, c’est inouï la différence entre le
premier [ouvrage] et le dernier. Le réseau Buckmaster à Montreuil-Bellay, j’ai sorti un
livre en [19]83, pour les quarante ans de cette histoire, et je l’ai ressorti
dix ans après.
La 4ème édition,
comme les trois autres, publiée par Wallâda.
E L – Un livre renouvelé.
J S – Le même livre, mais avec tout ce que m’a apporté
le premier livre, parce que les gens me contactent. Ce sont les gens qui me
contactent, qui font progresser l’Histoire. Moi, ce qui m’intéresse aussi,
c’est d’être critiqué, par exemple de me dire : Non ce n’est pas vrai, ce n’est
pas comme ça. Je suis ce que l’on appelle en anglais – je ne sais pas si vous avez vu le film de
Losey qui s’appelle Le Messager, The Go-beetween – je suis un
intermédiaire entre celui qui a vécu l’événement et celui qui va essayer de
savoir ce qui s’est passé. Moi, je suis entre les deux. Je suis très malléable,
mais en même temps, très exigeant.
(Photo Yves Lefranc)
E L – Alors vous dites : J’aime bien être critiqué ;
vous avez été servi, et en particulier par les autorités de votre ville qui,
généralement, lorsque vous avez commencé à parler, à raconter ce qui s’était
passé, alors que ce soit pour la Résistance ou que ce soit pour ce camp donc de
nomades de Montreuil-Bellay, n’étaient pas très heureuses, ces autorités, de
voir sortir ces nouvelles dans les journaux en particulier.
J S – Bon, je
pense… je suis instituteur, on va donner un exemple concret, comment
l’Histoire se construit. Je prends la libération de Montreuil-Bellay le 1er
septembre 1944. Quand vous lisez l’Histoire, quand vous lisez ce qui s’est
écrit depuis le 1er septembre 1944, il y a une cérémonie à
Montreuil-Bellay. Le maire va au Monument aux morts, il y a la musique,
il y a des gens avec des décorations, c’est la fête à Montreuil-Bellay, on a
libéré Montreuil-Bellay le 1er septembre 1944. Et le maire va écrire
dans le journal qu’on ne voit jamais Sigot au Monument aux morts ce jour-là.
Moi, j’ai voulu savoir ce qui s’était passé le 1er septembre 1944.
Vous allez voir ce que j’ai trouvé. Je l’ai trouvé chez les gens, chez les
victimes. C‘est que j’ai sans doute une mauvaise tendance, c’est de me mettre
du côté des victimes. Moi-même, j’ai été victime de l’Histoire [sacrifier les études pour ne pas aller en Algérie], donc c’est une
espèce de raison personnelle.
Alors, ce qui s’est passé. C’est qu’il y a un réseau de
F.F.I [Forces Françaises de l’Intérieur] qui est arrivé à Montreuil-Bellay au
mois de juin 1944 [en réalité le 5 août ; confusion avec le débarquement
allié en Normandie et le drame d’Oradour sur lequel j’ai par
ailleurs travaillé] pour libérer la ville. Ils ont tué deux jeunes Allemands sur le pont,
qui gardaient le pont. Les autorités allemandes – Montreuil était occupé – ils
ont fait savoir qu’il allait y avoir des répressions, des représailles, et le
docteur de Montreuil-Bellay, Jacques Durand, qui parlait allemand, est allé
parler avec eux. Il a dit : Vous savez, il faut voir ce qui s’est
passé ; on va demander à ces gens-là de partir, et Montreuil est une ville
calme, il ne va rien se passer. Donc ce groupe va aller à une quarantaine
de kilomètres, dans une forêt, se cacher, et Montreuil va retrouver sa
tranquillité. Le 29 août, les Allemands se retirent. Il n’y a pas eu de libération,
il n’y a pas eu de bataille à la Libération. Les Allemands se sauvent parce que
les Américains arrivent.
Il reste deux vieux Allemands ; ils font sauter le pont. Personne ne les empêche de faire sauter le pont sur le
Thouet, et ils partent à bicyclette sur la route de Loudun. La guerre est finie
à Montreuil-Bellay. Nous sommes le 29 août. Le 1er septembre, les
gens qui étaient là au mois de juin [en août], les FFI, reviennent à
Montreuil-Bellay ; ils réinstallent le maire à son poste, parce qu’il
avait été remplacé par Pétain par une délégation spéciale, et qu’est-ce qu'il se
passe ? On tond les femmes dans l’ancienne gendarmerie. On tond les
femmes, c’est la grande fête populaire ; on tond les femmes qui ont
collaboré, qui ont couché, sauf celles qui ont donné des cigarettes ou qui ont
été copines, on tond les femmes. Montreuil est libéré le 1er
septembre, on célèbre le 1er septembre à Montreuil. Moi, je ne suis
pas d’accord : le 1er septembre, ce n’est pas la libération de
Montreuil, c’est la tonte des femmes. Voyez comment moi, je vois
l’Histoire.
Alors les Montreuillais, ce qui se passe, les Montreuillais
sont d’accord avec moi. J’ai le nom de toutes les femmes [tondues].
E L – Tous les Montreuillais ne doivent être d’accord avec
vous, peut-être ?
J S – Si, parce que je leur apprends leur histoire, mais les
autorités ne sont pas contentes.
E L – Et qu’est-ce qu’elles disent les autorités de
vous alors justement ? Que vous êtes un empêcheur de tourner en
rond ? Vous êtes quoi ?
J S – Bon, elles disent que je suis un soi-disant historien,
que pour être historien, il faut avoir des diplômes…
E L – Alors on en revient à la question du départ ?
J S – Oui. J’aime beaucoup l’expression « soi-disant
historien », comme si on disait "ce soi-disant mort". Le mort, il dit, moi
je suis mort ! Je n’ai jamais dit que j’étais historien, j’ai dit que
j’étais un instituteur qui étudie l’histoire, toujours.
E L – Comment vous vous qualifiez ? Historien local,
vous ne dites pas ?
J S – Si, mais rappelez-vous, autrefois… moi je suis un
instituteur d’autrefois, on apprend l’Histoire aux enfants en partant de ce
qu’ils connaissent.
E L – Bien sûr, les petites Patries.
J S – Dans le temps, on faisait des monographies, on
étudiait… J’ai lu Goubert, j’ai lu Samson, dans l’Oise, qui ont écrit leur Histoire, une Histoire très différente de celle que l’on voit dans les livres.
E L – Et ça c’est bien, justement. Partir de l’exemple
local.
J S – Parce que les gens, ils participent à l’Histoire,
c’est eux qui la font, ce sont les gens qui m’ont aidé à écrire leur histoire.
Cette Histoire pendant la guerre, c’est eux qui l’ont vécue, qui me la disent.
E L – Alors quand vous dites, j’ai bien été accueilli par
les Montreuillais, les Montreuillais m’accueillent bien, ça veut
dire que vous leur révélez des secrets que certains connaissent…
J S – Et je leur apprends à aimer leur ville, aussi.
E L – Parce qu’il faut l’aimer dans ce qu’elle a de bien et
aussi de noir.
J S – Oui, je suis complètement d’accord. Oui, par exemple,
pourquoi je dis que les Montreuillais m’aiment bien ? c’est parce que je
vends mes livres. J’ai fait mon premier livre sur les guerres de Vendée, à
mille exemplaires, il s’est vendu en quelques semaines. C’est pour cela que
j’en ai fait d’autres.
E L – Eh bien dites donc, il y a beaucoup d’historiens
universitaires qui voudraient vendre en quelques semaines un miller
d’exemplaires.
J S – Ils n’achètent pas du Sigot, ils achètent le sujet. Le
réseau Buckmaster, par exemple, personne n’a jamais parlé du réseau Buckmaster.
Pourquoi ? Mais parce que c’est de Gaulle qui était contre, c’étaient des
réseaux anglais, et parce qu’ils ont tous été massacrés. Ils ont perdu la
guerre en [19]43. Qu’est-ce que c’était qu’un réseau Buckmaster ? Ce sont
des adultes, des notables – il y avait l’ancien maire de Montreuil-Bellay,
qui avait soixante ans – qui recueillent des armes parachutées par les Anglais,
qui les cachent en attendant le grand soir. Le grand jour, pardon, je confonds.
[Rires].
E L – Ce n’est pas la même chose.
J S – Des volontaires. Et alors, ils les cachent dans des
caves, parce que chez nous, il y a des caves partout [Caves troglodytiques pour
la culture des champignons], et voilà ce qui se passe. Alors, le 17 septembre,
18 septembre, ils sont tous arrêtés [en réalité une seconde vague
d’arrestations début octobre], tous déportés en Allemagne dans les camps de la
mort où ils meurent tous, sauf un survivant [quelques rares rentrent, très diminués, pour
mourir presque aussitôt après]. Voilà l’histoire. Alors, qu’est-ce qu’on dit à
Montreuil-Bellay, qu’est-ce qu’on dit ailleurs ?
Ces gens-là, ils allaient dans des cafés, ils étaient
ivres et ils disaient : Nous, on n’a pas peur des Allemands, on a
ce qu’il faut dans les caves, on va les attaquer, on va se venger. Et voilà. Donc, pour les Monteuillais, pour
tout le monde, s’ils ont été arrêtés, c’est de leur faute. Alors moi, j’ai
fouillé l’histoire, j’ai cherché ce qui s’était passé, et j’ai découvert des
choses terribles. C’est que, à Saumur, il y avait un jeune Allemand francophile
qui parlait français, qui était secrétaire [et interprète]. Et il apprend que
la Gestapo va descendre à Montreuil-Bellay et à Saumur, dans les huit jours,
pour arrêter des gens. Le capitaine de gendarmerie, qui était chef du réseau
[Buckmaster] était au courant [fut mis au courant par le jeune interprète],
mais il n’a pas daigné prévenir ses hommes. Bon, ces réseaux, moi, ce qui
m’avait impressionné, c’est que si on écoute la rumeur, les Allemands
apprennent ce qui s’est passé à Montreuil-Bellay, ils vont arrêter à Montreuil.
Mais on oublie une chose, c’est que ça s’est passé dans tout l’ouest de la
France, tous les réseaux Buckmaster sont tombés le même jour. Donc, ce ne sont pas
des Montreuillais qui ont fait sortir ça. Donc moi, je suis parti de là. Il y a
quelque chose qui ne va pas. Bon, mes recherches, mes recherches, j’ai eu la
chance – j’ai beaucoup de chance, les gens me donnent – j’ai trouvé un
chercheur comme moi, Allemand, qui a eu les archives de la Gestapo à
Heidelberg. Il a trouvé l’interrogatoire du capitaine.
E L – Et alors ?
J S – C’est le capitaine… alors, ce qui s’est passé, c’est
très compliqué, mais moi, j’ai réussi à remonter. C’est que le chef du réseau
Buckmaster de Montreuil-Bellay [le capitaine, le chef du
réseau de tout le Saumurois, était son supérieur, ], c’était le sous-directeur du camp de
concentration de Montreuil-Bellay.
E L – Ah ! bon ?
J S – Oui, il a été arrêté… Alors lui, le chef, dénonce le
sous-chef ; le sous-chef est torturé à mort, il livre ses hommes.
E L – D’accord.
J S – Donc on n’est pas monté [du sous-chef au chef], on est
descendu du grand chef jusqu’aux petits.
E L – Ce qui change effectivement la perspective.
J S – Ca change tout. Alors écoutez ce qui se passe. C’était
le capitaine de gendarmerie [de Saumur]. Dans le journal, ils mettent que le capitaine de
gendarmerie est arrêté à trois heures du matin, le 18, alors que le
sous-directeur du camp de Montreuil-Bellay est arrêté la veille à onze heures du
soir. Et en réalité…
E L – C’est le contraire.
J S – C’était le contraire.
E L – A partir de ce moment-là…
J S – Donc, la gendarmerie se défaussait…
E L – C’est un peu une enquête policière, Monsieur Sigot.
J S – C’est une enquête policière, et j’essaie qu’il n’y ait
pas de hiatus, il faut que tout s’enchaîne. C’est un jeu de construction à
l’envers.
Troisième édition en 2002
E L – Alors, tout de même, quand on est historien local,
travaillant sur un espace local, généralement, on ne sait pasn quand on est
lecteur, faire la différence entre le bon historien, le mauvais historien,
celui qui travaille bien, qui fait un bon travail, qui va jusqu’au bout de son
travail de recherches, pourrait-on dire, et celui qui va juste publier deux ou
trois documents, les mettre ensemble, sans vraiment leur donner de sens, d’une
certaine façon. Comment êtes-vous
reconnu dans ces années 80, quand vous commencez à être publié, par d’autres.
Comment dit-on : Bien Jacques Sigot, c’est quand même sérieux comme
boulot, ce n’est pas n’importe quoi.
J S – C’est pare qu'on ne m’a jamais critiqué, on ne
m’a jamais apporté des preuves que je mentais. Moi je dis : Si vous
dites que je raconte des bêtises, apportez-moi les preuves que je me trompe.
Jamais ! Ca, je ne sais pas si j’ai de la chance ou si les gens sont trop
ignorants pour voir mes fautes, mais je n’ai jamais été critiqué. Donc, ça me
donne une confiance.
E L – A part les institutions de la ville dans laquelle vous
vivez.
J S – Oui, mais eux, ce n’est pas pareil, c’est politique.
Ils ne sont pas contents que l’on dise qu’il y a eu un camp de concentration à
Montreuil-Bellay. Pourquoi ? Parce que si… On a fait mettre une stèle sur
le camp, on a payé nous-mêmes, personne n’a voulu payer. C’est nous qui avons payé. Parce que si c’est reconnu qu’il a été classé monument historique…
E L – Il y a deux ans.
J S – Oui, mais qu’est-ce qu’il va se passer : tous les
Mânouches de France vont venir à Montreuil-Bellay et voler nos poules.
E L – Donc, c’est la crainte.
J S – C‘est la crainte. On ne veut pas de ces gens-là ;
on ne va pas reconnaître que Monsieur Sigot raconte des choses qui sont vraies.
On essaie d’effacer les traces, on met des vaches sur le camp, des traces
disparaissent. On fait disparaître un bâtiment. On essaie sur le côté, pas face
à face. Il ne faut pas que l’on dise que les Français ont fait des camps, que
les Montreuillais allaient se promener le dimanche pour voir ça, que c’était la
sortie du dimanche. On ne veut pas, et pourtant, c’est vrai.
E L – Vous le savez, Jacques Sigot, dans cette émission, et
vous êtes au courant puisque vous avez demandé à quelqu’un de venir, vous avez un invité qui va entrer
dans le studio. Je vais le découvrir en même temps que nos auditeurs… [rire]
Bon, c’est un peu trop facile. Bonjour, bonjour Denis. Denis Peschanski entre
dans la salle. Alors voilà un historien universitaire, chercheur, un vrai
donc, qui va dialoguer avec un historien local, un amateur, un amateur dans
tous les sens du terme.
Bonjour, donc il faut peut-être vous présenter, Denis
Peschanski, donc présentez-le, vous. Pour une fois, cela ne va pas être moi qui
vais présenter l’invité, Jacques Sigot.
J S – Bon, c’est délicat, j’aime trop Denis pour bien le
présenter. Je le connais depuis très très longtemps. Ca fait combien ?
Denis Peschanski (Photo Yves Lefranc)
E L – Alors une
petite trentaine d’années, peut-être ? Si, peut-être, quelque chose comme
ça ? Parce qu’il faut dire, pour nos auditeurs, qu’il a travaillé sur les
camps, l’internement pendant la Seconde Guerre mondiale en France. Il est
l’auteur d’un grand livre sur La France des camps, justement.
J S – Et avant, il
l’avait fait sur les Tsiganes, en 1994.
E L – Et donc, vous vous êtes rencontrés à ce
moment-là ?
J S – Non, avant.
E L – Denis Peschanski, comment cela s’est passé ?
D P – Simplement, tu as pris contact avec moi à
l’Institut du Temps Présent. Les premiers travaux sur les Tsiganes, tout à
fait.
Je vous ai entendu tout à l’heure parler de ce que pouvait
être un historien, un historien, un historien local. L’historien, il ne se
définit pas par des diplômes, il se définit par des méthodes.
E L – Il est souvent défini par des diplômes ? Par les
autres, en tous les cas.
D P – Et en
tous cas, pas par moi. Et donc à partir du moment où l’on définit un historien
par des méthodes, et si ces méthodes sont considérées comme reconnues parce que
répondant à un certain nombre de critères de scientificité, je ne vois pas
pourquoi ça viendrait interférer.
E L – Oui, mais souvent, ça interfère, tout de même, Denis
Peschanski, souvent on entend dans le milieu universitaire : Oh ! ce
n’est qu’un historien local, ou, Ce n’est qu’un historien qui
travaille sur son petit village. Ca peut servir souvent, on dit souvent :
c’est une matière primaire que l’historien va édulcorer pour en faire un
véritable travail de synthèse ; c’est souvent ce que l’on entend. Vous qui avez
travaillé sur tous les camps qui étaient répartis sur tout le territoire
français, vous avez dû l’entendre souvent tout de même, Denis Peschanski ?
(Photo Yves Lefranc)
D P – Oui, ça
me rappelle aussi le profil du Père Desbois, Patrick Desbois, qui travaille sur
la Shoah par balles, donc sur l’extermination de proximité sur le front de
l’Est, qui, par son travail quotidien, parce qu’il est sur place,
régulièrement, vous connaissez bien, avec Yahad-In Unum,
son association, fait un travail absolument exceptionnel qui marque aussi un
tournant dans l’appréhension qu’on a de ce que pouvait être la Solution finale.
C’est le même profil, il n’est pas historien de formation, et pourtant, il
utilise des méthodes qui sont des méthodes reconnues par l’Histoire.
E L – Alors, comment on les qualifie ces méthodes, justement,
qui permettraient aux uns et aux autres de se retrouver autour d’objets
historiques, d’objets du passé, Denis Peschanski ?
D P – Il y a
une démarche de base, c’est-à-dire le travail de l’historien, c’est un aller
retour entre les hypothèses de travail et les sources qui lui permettent de
nourrir ces hypothèses, éventuellement de les transformer complètement,
éventuellement de les nuancer ; puis de retourner vers les sources, et
c’est au bout de cet aller retour qu’on aboutit à un produit qui n’est pas un
produit définitif, puisque par définition on pose des questions, et donc on a
des réponses aux questions qu’on pose. Il n’y a pas la vérité en Histoire, il
n’y a pas plusieurs vérités en Histoire, il y a plusieurs lectures vraies des
traces laissées par des événements. Et évidemment, dans trente ans, dans
quarante ans, d’autres travailleront sur les Tsiganes, et trouveront autre
chose que ce qu’a trouvé Jacques, parce qu’il était pionnier sur le sujet,
j’insiste là-dessus, ou ce que j’ai pu trouver après, parce qu’ils poseront
d’autres questions et ils auront d’autres réponses, et les réponses seront
aussi vraies que les siennes et les miennes.
E L – Vous vous retrouvez dans cette description de cet
aller et retour, justement, de questionnement, Jacques Sigot ?
J S – Je ne fais que cela, il n’y a pas une lecture
définitive. Moi, je m’en aperçois par mes propres livres qui évoluent au fur et
à mesure du temps.
E L – Quand vous
dites qu’il était pionner, Jacques Sigot, Denis Peschanski, qu’est-ce qui
explique que peu de gens se soient intéressé à cette époque-là, dans les années
[19]80, à cette question des camps de Tsiganes en France, comme d’ailleurs à la
question en général des camps en France. Il n’y a pas seulement que ces camps
de Tsiganes, mais ceux-là en particulier.
D P – On a un cumul, en fait, de handicaps. Premièrement, on
a un changement de régime de mémorialité, pour employer une terminologie que
j’aimerais bien voir reprise, c’est-à-dire un rapport à la mémoire qui est
daté. Bon alors, on a, pour aller très très vite, parce que ça a été plus
complexe, un régime de mémorialité dominant à partir de la fin des années
[19]40 jusqu’aux années [19]70, qui était centré sur la figure du héros martyr.
A partir des années 70, et surtout des année 80, c’est autour de la victime,
singulièrement de la victime juive. Donc des travaux, et c’est très intéressant
pour le sujet qui nous occupe, des travaux sur les camps d’internement ont
accompagné très vite ce changement de mémorialité. Les premiers travaux sont du
début des années 1980, en particulier sur le camp de Gurs. Donc, déjà, on a ce
décalage qui explique le retard. Mais en plus, c’est une population qui est une
population en marge de la société. Et donc, de penser l’histoire de cette
population est une difficulté supplémentaire, d’autant plus, troisième étage,
que c’est une population de l’oral, un peuple de l’oral, et pas un peuple de
l’écrit.
E L – Et comment
avez-vous justement noué ces premiers rapports avec ces survivants, avec ces gens qui avaient vécu près ou
dans le camp de Montreuil-Bellay, camp de nomades, donc, ces Tsiganes dont on a
parlé récemment dans un documentaire ?
J S – Il y a deux choses : c’est que j’ai vécu avec des
Berbères au Maroc, donc je connais bien les nomades, leurs manières de vivre ;
et deuxièmement, mon profil. J’ai aussi eu la chance de rencontrer deux Tsiganes qui
m’ont beaucoup, beaucoup aidé. Il y a Poulouche, Jean-Louis Bauer, qui était
dans le camp ; et il y a surtout Jean Richard, Jean-Jean, qui m’a mis en
relation avec sa famille.
Parce qu’il faut dire une chose terrible, c’est que
lui ne savait rien. Sa famille savait, mais jamais ils n’en ont parlé. La honte
d’être enfermés, et Jean-Jean, il a appris l’histoire grâce à moi. Il a
découvert dans les archives que sa grand-mère était veuve de guerre de 14/18.
Il l’a découvert il y a deux mois dans les archives, il ne savait rien. Mais il
m’a mis en rapport avec sa famille ; je suis rentré dans les caravanes,
dans les vardines, comme on dit, j’ai parlé avec eux, et le problème, c’est
qu’ils m’ont parlé, alors qu’ils n’ont jamais parlé à leurs enfants. Je ne sais
pas pourquoi, ma manière d’approcher ? ma manière d’instituteur ?
J’ai eu beaucoup de chance avec Poulouche, avec Jean Richard, et c’est la boule
de neige, chacun m’envoyant à une autre [E L – personne]... famille. J’ai
rencontré beaucoup, beaucoup de survivants, et c’est eux qui parlent, ce n’est
pas moi.
Avec Jean-Jean sur les ruines de l'ancienne prison du camp.
E L – Mais ça, quand vous découvrez les travaux de
Jacques Sigot, Denis Peschanski, alors que vous vous intéressez à ce même
sujet...
... comment, je posais la question juste avant que vous n’entriez tout à l’heure, comment on distingue une bonne Histoire, on lit une Histoire qui est peut-être moins aboutie. Comment avez-vous distingué ce type de travail par rapport à d’autres qui pouvaient raconter quelques faits aussi, mais peut-être moins les mettre en ligne, d’une certaine façon, les mettre en ordre, Denis Peschanski ?
Edité par le CNRS en 1994
... comment, je posais la question juste avant que vous n’entriez tout à l’heure, comment on distingue une bonne Histoire, on lit une Histoire qui est peut-être moins aboutie. Comment avez-vous distingué ce type de travail par rapport à d’autres qui pouvaient raconter quelques faits aussi, mais peut-être moins les mettre en ligne, d’une certaine façon, les mettre en ordre, Denis Peschanski ?
[Rire]
D P – Sauf que l’on avait la catastrophe du livre de
Bernadac, vous connaissez ; donc on avait
effectivement une référence négative. Non mais ça me semble assez
simple. D’abord parce qu’il citait ses sources ; ça permettait de remonter
le fil, en quelque sorte, et de voir comment il travaillait sur les sources en
question. Ensuite, il était capable de construire, de reconstruire un récit. Un
récit avec des fils qui sont bien organisés, avec des grilles d’analyse, des
grilles de compréhension qui permettent d’appréhender le sujet dans sa
complexité. Par ailleurs, comme il était un petit peu provocateur, vous l’avez
compris, [rires] il aime bien, il aime bien aller à l’encontre des idées
reçues, voilà. Donc voilà, ça fait pas de mal, honnêtement ?
E L – Jacques Sigot ?
J S – Oui, j’écoute, j’en suis très heureux [rires], parce
qu’on me le reproche assez, et là, puisqu’on me le reconnaît, c’est agréable.
E L – On vous reproche quoi ? La provocation
ou le travail ?
J S – La provocation, oui, la provocation. C’est de la
provocation pour eux, pas pour moi. Moi, de dire qu’à Montreuil, le jour de la
Libération, on a tondu les femmes, ça provoque, mais c’est vrai. Pourquoi on va
dire autre chose ? Pourquoi on n’a pas reconnu les martyrs de ces
[réseaux] Buckmaster en 1943, des commerçants et autres, et on va chanter la
Résistance de [19]44, pourquoi ? Pour moi, ils méritent plus qu’on parle
d’eux, ceux de 43, qui ont complètement disparu. Les familles… ils ont été
heureux que je parle d’eux, ils m’ont donné les lettres qu’ils ont [qui ont
été] envoyées de la prison de Pré-Pigeon [à Angers], de Fresnes. J’ai toutes
les lettres des gens, qui étaient cachées dans les cols de chemises, j’ai des
documents énormes sur ces réseaux Buckmaster. C’est un très gros livre, et
personne d’autres n’en parle.
Extrait de la dernière lettre envoyée, pour la Noël 1943, de
la prison d’Angers, par Gaston Amy (60 ans), ancien maire de Montreuil-Bellay,
arrêté pour avoir donné 15 litres d’essence pour le camion du camp, lors de la
récupération d’armes parachutées par les Anglais. Déporté en Allemagne avec ses camarades début janvier
1944, il ne devait jamais revenir.
Texte :
Enfin, pour notre bonheur à tous, en plus de la santé,
que cet an 1944 amène dès le printemps la fin de cette maudite guerre, et que
nous soyons tous réunis à Montreuil dès le mois de mars, le jour, comme
l’annonce Pierrette [l’une des filles de Gaston Amy], de mon retour
parmi vous devant être le plus beau jour de ma vie, mes chéris !
E L – Mais ça veut dire qu’il faut attirer la confiance
des gens que vous allez voir, d’ailleurs comme un historien…
J S – Ils la donnent tout de suite, parce que personne ne
s’est jamais occupé d’eux.
E L – Ah ! oui, c’est ça, parce que c’est la
nouveauté.
J S – Personne. Pour eux… il y a des gens qui ont besoin de
parler, mais personne ne les fait parler.
E L – Denis Peschanski ?
D P – Oui, l’empathie est importante dans la démarche
historienne, et effectivement, il fonctionne à l’empathie, et il peut obtenir des
choses que d’autres n’obtiendront jamais, par le regard même qu’il porte sur
cet objet. Mais, ce que je voulais simplement ajouter, c’est qu’on voit bien
qu’il y a une dimension strictement historique pour voir cet objet, la
nécessité de mettre les choses au clair, mais aussi une dimension mémorielle.
Tout le temps est charriée avec cette histoire, tout le temps, une dimension
mémorielle. Comment on gère ces différents événements ? J’entendais parler
des Vendéens, j’entends parler de Buckmaster, et des femmes tondues, et
j’entends parler des Tsiganes. Comment gérer aujourd’hui encore, la question,
la mémoire de l’internement des Tsiganes ? Et en plus, ce qu’il y a
d’extraordinaire, parce qu’il a mis le doigt dessus, à l’encontre de ce que
disait Bernadac sur l’idée qu’il y avait une sorte d’holocauste caché, il a
réussi à raconter une histoire, enfin, de cet internement, tout en montrant
qu’il n’y avait pas de, entre guillemets, de Solution finale de la question
tsigane en France.
J S – Oui, ils ont été protégés dans les camps.
D P – Et que les seuls… Je me souviens, à titre
anecdotique, quand j’ai été sollicité par le ministère des Anciens Combattants.
Serge Barthélémy, qui était directeur [ ?] à l’époque, dans son exposé,
explique qu’il y a cinq, six, sept, sept lieux, qui sont les lieux symboliques
de la déportation de France, et le lieu où on allume une torche, ce jour-là,
pour commémorer…
J S – Le dernier samedi d’avril.
D P – Et c’est, le symbole de la déportation des
Tsiganes de France, Montreuil-Bellay.
J S – Alors qu’il n’y a pas eu de déportations.
D P – Alors j’interviens. Tu sais combien il y a eu
de déportés ? – Je ne sais pas…
J S – Zéro.
D P – Zéro.
Serge Barthélémy – Tu es sûr ?
D P – Ben oui, un peu. Enfin, je peux continuer, il
y a Jacques Sigot qui a travaillé dessus. Il y a des choses quand même à peu
près établies, et on peut continuer à travailler, on va approfondir. Non, on va
préciser, c’est pas zéro ; en fait, il y a eu deux ou trois déportés… qui
faisaient partie de la direction du camp.
J S – C’étaient les cadres, le directeur, le sous-directeur,
et le chauffeur…
D P – et le chauffeur…
J S – Parce que le
camion a servi pour le réseau Buckmaster.
[Voix qui se recouvrent, peu intelligibles]
D P – Voilà, on va dire comme ça.
J S – Ce n’est pas
ce que l’on dit d’habitude.
D P – On va dire comme ça. Et en même temps, il était
clair qu’il n’y avait pas besoin de construire un mythe sur la déportation
systématique des Tsiganes de France pour raconter une histoire dramatique qui
est celle de l’internement de ces Tsiganes.
E L – Bien sûr. Oui, parce que effectivement, il y aurait une
sorte de sacrifice suprême qui serait cette déportation, et puis une sorte de
sacrifice mineur, ou de faute mineure, qui aurait été juste leur internement
dans ce camp de Montreuil-Bellay.
J S – Mais ils n’ont
jamais su pourquoi ils étaient internés, et ils ne sont pas sortis le 1er
septembre, puisqu’il sont sortis en juin [19]46, les derniers, vous vous rendez
compte, du camp d’Angoulême…
D P – Le dernier interné à sortir d’un camp
d’internement administratif était un Tsigane. Donc, la continuité, elle joue
bien.
J S – 46 !
E L – J’étais, il y a deux
semaines, au Mémorial de Caen où on me montrait, Denis Peschanski, combien une
Institution, qui doit justement propager l’Histoire de la seconde Guerre
mondiale en particulier, avait évolué en vingt ans, devait évoluer, avait,
comment en fait, comme devait l’expliquer Jacques Sigot, remettre sur le métier
l’ouvrage, parce que, eh bien, les travaux des historiens, qu’ils soient
d’Histoire locale ou d’Histoire universitaire, avaient fait changer les
interprétations. On avait ajouté la Shoah à l’Est, on avait fait une plus
grande place à l’Histoire de la Shoah qu’auparavant. Ca, c’est quand même
quelque chose qu’il faut rappeler à ceux qui nous écoutent, que l’Histoire est
à la fois dans sa production, mais également dans son exposition, en profond
renouvellement, y compris sur les sujets qu’on croit connaître, Denis
Peschanski ?
D P – Oui, c’est le problème de ces musées. C’est la
contradiction, c’est-à-dire que l’on est normalement dans une exposition qui
s’inscrit dans la durée, et qu’on doit en même temps prendre en compte
l’évolution des connaissances. Et par exemple, une re-hiérarchisation des
évènements représentés. Donc, l’Espace 3 principal du Mémorial de Caen, a
choisi le Comité scientifique, a été complètement reconfiguré en donnant une
place très importante à la Solution finale, et dedans, à l’extermination de
proximité, à la Shoah par balles à l’Est ; et de même, en montrant l’importance
du front Pacifique, du front du Pacifique, et du rôle de la guerre menée,
engagée par le Japon.
E L – Et donc, ce que fait Jacques Sigot sur ses propres
livres, c’est ce que devrait faire tout historien, c’est-à-dire se relire, se
remettre en cause, rajouter des nouvelles interprétations, pour pouvoir
justement, en permanence, renouveler la problématique, Denis Peschanski ?
D P – Oui, enfin, on n’est pas non plus obligé de
rester sur le même sujet jusqu’à…
E L – Vous venez de publier un livre sur les années noires.
Je n’ai pas encore eu le temps de le lire, malheureusement.
D P – Oui, ce n’est pas sérieux. Oui, Les années
noires, publié chez Hermann, puis j’ai publié une série
d’entretiens qui sortent, je crois, demain ou après-demain, avec Boris
Cyrulnik, Mémoire et traumatisme.
E L – Et donc, on n’est pas obligé de travailler toujours
sur le même sujet, mais quand on travaille sur le même sujet, il faudrait à
chaque fois faire des nouvelles éditions, travailler pour qu’on relise
autrement.
D P – Voilà, faut relire autrement, faut réfléchir
autrement, faut poser de nouvelles questions, et essayer, puisque j’entendais
votre jeune collègue évoquer la nouvelle radio…
E L – France Culture plus.
D P – … avec les thésards, essayer de revisiter les
thématiques, ou de visiter des thématiques avec, malgré les années qui
viennent, un état d’esprit de docs, ou de post-docs, de doctorants, ou de
post-doctorants. Ca fait pas de mal, je vous assure.
E L – Jacques Sigot, en quoi vous êtes bousculé par ceux
qui, aujourd’hui, travaillent sur des sujets qui sont proches, alors que vous
étiez un pionnier. Par exemple sur cette question des Tsiganes en France, et de
leur internement pendant la Seconde Guerre mondiale. Est-ce que, d’un seul
coup, vous êtes, vous aussi, bousculé dans vos certitudes que vous avez
commencé à établir il y a déjà plus de trente ans ?
J S – Je ne suis pas bousculé ; comment voulez-vous me
bousculer, je me bouscule moi-même, je ne veux pas être bousculé par les
autres. [Rires] Non, ce qui m’ennuie toujours, c’est que, systématiquement, on
va accuser les Allemands de cette forfaiture. Ca, c’est… on parle toujours du
décret d’octobre [19]40 où les Allemands demandent d’interner les Tsiganes,
mais quand on le lit bien, ils demandent d’interner ceux qui sont sur les
routes, ceux qui sont dans les zones défendues, comme sur les côtes, c’étaient
des zones réservées ; mais on oublie que le 14 mai 1940, déjà, le préfet de la
Gironde, il interne toute la famille Winterstein, les neuf enfants, le
concubin, la concubine, et que déjà en janvier 40, moi, j’avais vu des
internements [dans les archives !… pas de visu, je suis né en janvier
1940 !]. Les internements, c’est le décret du 6 avril 1940 qui va
[les] déterminer. Il sera toujours cité pendant toute la guerre. Les Allemands vont
s’en [désintéresser]. C’est vrai que les Allemands se sont occupé très peu des
Tsiganes en France, parce qu’ils étaient très contents que Vichy s’en occupe.
E L – Denis Peschanski ?
D P – Oui, enfin, le décret du 6 avril 40… voilà, il
imposait l’assignation à résidence. Mais c’est très intéressant, c’est de
chercher la signification qui était donnée par les autorités. C’est pas parce
qu’ils considéraient qu’il fallait protéger ces populations, non, c’est parce
que si jamais on leur appliquait les mesures d’internement administratif qui
étaient déjà en cours, c’est-à-dire prévues par la loi, et qui permettaient
d’enfermer des gens, non pas pour des crimes ou des délits qu’ils auraient
commis, mais pour le danger potentiel qu’ils représentaient pour la
société ; et donc, on a des textes qui montrent que finalement ils
décident, Non, on ne va pas les interner, on va plutôt viser l’assignation à
résidence, parce que si on les interne, ça va peut-être, on va reconstituer les
bandes, et donc aller à l’encontre de nos objectifs sécuritaires ; donc on va
les assigner à résidence, et à la Libération…
E L – C’est formidable, pour comprendre la logique
administrative, c’est formidable.
D P – Je peux vous dire, puisque après, comme ils sont
internés à la demande des Allemands, cette décision du 4 octobre 40, à la Libération, on est bien embêtés,
parce qu’on se retrouve toujours avec des Tsiganes dans les camps. Et quand
même, dans un des camps, on a le chef de camp qui s’adresse au préfet, qui
s’adresse au ministre, qui disent Alors voilà, on est bien embêtés, on a des
Tsiganes dans le camp, qu’est-ce qu’on en fait alors que c’est par une
décision allemande. Réponse du ministre : Vous n’avez qu’à dire
qu’ils sont assignés à résidence dans le camp.
J S – C’est extraordinaire.
E L – Jacques Sigot, vous avez d’autres sujets que vous avez
mis en route, ou vous êtes resté sur ce sujet sur lequel vous travaillez
depuis si longtemps ?
J S – Non, non, non, non, c’est l'un des sujets, je vous dis ;
je travaille beaucoup sur les ponts à transbordeur.
E L – Les ponts à transbordeur ?
J S – Oui, car on veut en reconstruire un à Nantes.
E L – Et à Marseille ?
J S – Oui, j’ai étudié tous ces camps-là, tous ces camps,
pardon, tous ces ponts à transbordeur, je suis le spécialiste presque mondial
des ponts à transbordeur. Je suis allé les rechercher partout, jusqu’en
Allemagne,
L’un de mes ouvrages sur les ponts à transbordeur.
E L – Alors là, il n’y a pas de rapport avec…
J S – Mais non. Au départ, ce sont des œuvres de commandes.
On me commande, on me l’a demandé. J’ai fait un livre sur Petiot, j’ai fait des
livres de commandes, j’ai des livres sur les maisons closes de Nantes,… Je suis
autodidacte. J’ai fait, par exemple, toutes les rivières dans ma région, j’ai
fait des brochures, des livres sur les rivières. Je recherche. J’ai pas de
sujet de prédilection.
E L – Et il y en a un qui vous titille, ces temps-ci ?
J S – Oui, on m’a donné un beau sujet, on m’a demandé de
travailler sur le Layon,.
E L – Le Layon, donc la rivière ?
J S – Voilà. Je sais que ma mère, la pauvre, elle aimait
beaucoup le layon. Mon père lui livrait du layon au fond [du Loiret], et là,
j’habite tout à côté du Layon, une rivière magnifique. Elle a été canalisée,
c’est le canal de Monsieur, pour exploiter le charbon dans la région de
Doué-la-Fontaine, et il n’existe rien sur cette rivière. Ca y est, on me
demande de travailler dessus. J’ai fait la Dive, j’ai fait le Thouet.
E L – Vous auriez pu rapporter une petite bouteille de
Coteaux pour qu’on la partage tous ensemble.
J S – Oui, c’est vrai, vous dites ça, mais quand j’ai fait
une conférence, on m’a donné du muscadet, je suis allé à Chablis…
[Musique du générique de fin]
E L – Merci à vous, Jacques Sigot, d’avoir ouvert cette
semaine, et merci à vous, Denis Peschanski d’être venu également. Je rappelle
donc que Les années noires, ça vient de sortir chez Hermann, et cette
petite collection, elle est où ?, parce qu’elle m’intéresse beaucoup, cette petite
collection avec Boris
Cyrulnik.
D P – A juste titre, Ina Editions.
Perrine Kervran, de France Culture, sur le site du camp...
"vachement" menacé.
HARKIS LES CAMPS DE LA HONTE :
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En 1975, quatre hommes cagoulés et armés pénètrent dans la mairie de Saint Laurent des arbres, dans le département du Gard. Sous la menace de tout faire sauter à la dynamite, ils obtiennent après 24 heures de négociations la dissolution du camp de harkis proche du village. A l'époque, depuis 13 ans, ce camp de Saint Maurice l'Ardoise, ceinturé de barbelés et de miradors, accueillait 1200 harkis et leurs familles. Une discipline militaire, des conditions hygiéniques minimales, violence et répression, 40 malades mentaux qui errent désoeuvrés et l' isolement total de la société française. Sur les quatre membres du commando anonyme des cagoulés, un seul aujourd'hui se décide à parler.
35 ans après Hocine raconte comment il a risqué sa vie pour faire raser le camp de la honte. Nous sommes retournés avec lui sur les lieux, ce 14 juillet 2011. Anne Gromaire, Jean-Claude Honnorat.
Sur radio-alpes.net - Audio -France-Algérie : Le combat de ma vie (2012-03-26 17:55:13) - Ecoutez: Hocine Louanchi joint au téléphone...émotions et voile de censure levé ! Les Accords d'Evian n'effacent pas le passé, mais l'avenir pourra apaiser les blessures. (H.Louanchi)
Interview du 26 mars 2012 sur radio-alpes.net
Cher Monsieur,
RépondreSupprimerC'est avec beaucoup de retard que je découvre votre commentaire... je viens de le visionner et le transfère à mes amis. L'histoire de France bégaie... l'émouvant témoignage de "Françoise", la "renommée", des instituteurs... Il y eut aussi des instituteurs dans le camp de Montreuil ; je fus instituteur de campagne... Tant à dire... Merci pour votre envoi sur une histoire que je connais bien puisqu'elle a influencé toute ma vie.
Merci.
Jacques Sigot