28 avr. 2013

Vérités du camp de Montreuil-Bellay



Pour répondre à certaines questions posées par des correspondants qu'interpellent quelques contradictions relevées dans différents discours entendus, ou dans certains articles lus.
Si une quelconque de mes réponses était inexacte, je serais heureux de la corriger, preuves à l'appui, l'idéal étant d'approcher le plus possible la Vérité en Histoire.

Non, contrairement à ce qui est généralement dit et écrit, le camp de Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire) n'était pas un camp d'internement.

 Intitulé de la première plaque qui a été profanée puis remplacée.
"Détention arbitraire" : tout est reconnu, 
mais on ne dit pas qui en fut responsable !

Oui, ce camp fut bien de concentration, dans le sens premier du mot, puisque des nomades/Tsiganes y furent concentrés.

 (Archives particulières de Gisèle Guilbaud)

Quant à eux, les camps d’internement "internèrent" des soldats ou des ressortissants ennemis après la fin d’un conflit.
Ce n’est qu’une question de vocabulaire, direz-vous ; c’est justement cela qu’il faut reconnaître, paroles d'un ancien instituteur.
Ainsi, Montreuil-Bellay fut bien aussi un camp d’internement, mais seulement à partir de janvier 1945 quand, à partir du 20 janvier, furent parqués derrière ses barbelés 794 civils allemands - dont 103 hommes, 620 femmes et 71 enfants - que l’armée de Leclerc avait interceptés en Alsace et en Moselle reconquises, avant que ne les rejoignent 243 autres civils venus du camp de Langueux (alors dans les Côtes-du-Nord), ainsi que des soldats vaincus après la reddition de la Poche de Saint-Nazaire le 11 mai 1945. Il y eut même, au cours de l'été, l'arrivée de femmes hollandaises qui avaient eu la mauvaise idée d'épouser des nazis !

Non, ce n’était pas un camp allemand. Il le fut, sous le nom de stalag, mais de juin 1940 à mars 1941, quand l’ennemi vainqueur y interna des soldats français qui fuyaient devant l'avancée ennemie, et des civils du Commonwealth pendant la Bataille d’Angleterre.
Puis ce fut un camp français à la suite du décret républicain du 6 avril 1940. Si les Allemands, en octobre 1940, sous Vichy, demandèrent que l’on internât des nomades/Tsiganes, la mesure visait ceux qui circulaient sur les routes et dans des zones interdites, comme la zone côtière. Mais était alors rappelé le décret d’avril 1940. Et, quand fut publié le décret allemand en octobre, de nombreux nomades/Tsiganes piétinaient déjà derrière des barbelés français.

Une famille arrêtée et internée dès le 14 mai 1940, avant Vichy.
(Extrait d'une archive privée)

De plus, quand les Allemands firent à leur tour leur retraite, fin août 1944, les Français, de nouveau libres, n’ouvrirent pas les portes du camp, les derniers nomades ne quittant des barbelés – en l’occurrence ceux du camp d’Angoulême – que début juin… 1946 !

Non, aucun nomade/Tsigane interné à Montreuil-Bellay ne fut déporté dans les camps nazis pour y être exterminé. Si certains nomades/Tsiganes internés partirent pour l’Allemagne, ce fut, comme de Poitiers en janvier 1943, dans le cadre de la Relève forcée, et en juin suivant, dans celui du STO (Service du Travail Obligatoire), afin de travailler outre-Rhin, la municipalité poitevine ayant d'abord préféré « piocher » dans le camp de la route de Limoges pour répondre aux demandes du Reich ; c'étaient autant de sédentaires épargnés.

Non, Montreuil-Bellay ne fut pas un camp de la mort pour les nomades/Tsiganes. Sur une population d’environ 2.000 internés, vingt-neuf y décédèrent pendant les trois années et deux mois de leur internement en terre angevine : essentiellement des vieillards, des nouveaux-nés de mères sous-alimentées, et une victime du bombardement allié du 6 juillet 1944, une enfant de 9 ans.

Oui, il y eut de nombreux décès dans le camp, parfois deux ou trois par jour comme c'est parfois précisé, mais ce furent des clochards raflés dans les rues de Nantes au printemps 1942, venus mourir dans le camp de Montreuil après avoir transité par ceux de Coudrecieux et de Mulsanne dans la Sarthe.
Mais les victimes furent aussi, pendant l’hiver 1945, de nombreux civils allemands, précédemment internés dans le camp vosgien du Struthof qui, après avoir vécu la guerre « du bon côté », ne supportèrent pas l’hiver dans des baraquements à moitié ruinés et non chauffés. Quelques naissances - à la suite du viol de jeunes femmes dans le camp du Struthof - ne réussirent pourtant pas à compenser les pertes...

Jeune Allemande morte à 27 ans le 14 février 1945
dans le camp de Montreuil.

Le drame, pour cette population pour qui la vie avait été depuis des siècles celle de la libre circulation sur les routes de France, fut d’être clouée sur place, par familles entières, par leurs compatriotes sans n’avoir jamais su pourquoi, et dans des conditions de vie et d’hygiène lamentables, mal nourris, habillés des seuls vêtements avec lesquels ils étaient arrivés.

 Enfants en loques attendant devant la chapelle du camp.
(Dessinés par une religieuse franciscaine missionnaire de Marie,
internée volontaire avec trois autres compagnes pour venir en aide aux plus petits.)

Internés seulement parce qu’ils étaient nomades/Tsiganes.
Le drame fut aussi de ne pas avoir été libérés en même temps que leurs compatriotes, été 1944. Les maquisards de ce dernier été de guerre qui "libérèrent" la ville trois jours après le départ des Allemands, essentiellement pour y tondre les femmes coupables - ou dites coupables - de collaboration horizontale, sont bien entrés dans le camp pour y chercher des armes - qui ne s'y trouvaient pas - mais ils ont "oublié" d'en ouvrir le portail pour libérer les internés...
Un drame qui n’a jamais été vraiment officiellement reconnu, et dont on a entendu parler seulement au début des années 1980… parce que le plus grand camp qui fût en France pour cette population mal aimée avait sévi dans la petite ville où vivait un instituteur qui avait eu lui-même, quelques décennies plus tard, des problèmes avec son pays en guerre…

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