19 févr. 2014

Les lycéennes montreuillaises sur le site du camp

 .
Mercredi 19 février, nous accueillons des lycéennes du Lycée agricole Edgard Pisani de Montreuil-Bellay.
C'est d'abord l'installation de la maquette du camp près de la stèle commémorative érigée en janvier 1988, et devant la cave d'une ferme qui a disparu en 1908, cave qui devient prison souterraine (le gnouf) pendant toute la durée du camp, de juin 1940 à novembre 1945.

Cliquer sur les photos pour les agrandir.

 Willy Jousselin, Jean Richard et Véronique (Madame Willy), 
de L'AMCT - les Amis de la Mémoire du Camp Tsigane.

Puis c'est, devant la maquette, le rappel de l'historique du camp aux lycéennes :
   - La construction, dès janvier 1940, d'une poudrerie par une quinzaine d'entreprises sous la responsabilité de la GTM (Société des Grands Travaux de Marseille). Sont embrigadés quelque 350 Républicains espagnols réfugiés en France après leur défaite devant Franco, condamnés à ce qu'il faut bien appeler des travaux forcés.

- L'internement par les Allemands, en juin, des soldats français et alliés qui fuient devant l'avancée ennemie, ainsi que quelques civils, dans le principal lotissement de baraquements où devraient être hébergés les employés de la poudrerie jamais achevée.
Ce camp est alors un stalag, seule période pendant laquelle il est administré par les nazis. C'est également pendant cette période, en septembre 1940, que le site est entouré par des Annamites d'une double rangée de barbelés électrifiés. Deux miradors, un à chaque extrémité, complètent l'enfermement.
Le camp forme un quadrilatère d'un kilomètre de long sur environ une cinquantaine de mètres de large,  coincé entre la grand route Angers/Poitiers et une voie ferrée qui relie également ces deux préfectures.

 Le site de l'ancien camp photographié en 1981.

   - Le site est abandonné au printemps 1941, après la déportation des soldats français outre-Rhin. Les ressortissants célibataires du Commonwealth ont été transférés dans un camp installé à Saint-Denis, dans la banlieue nord de Paris, pendant que les couples étaient envoyés en résidence surveillée dans des hôtels de Vittel (Vosges).
   - Le 8 novembre 1941, le site "accueille" ses premiers Tsiganes, appelés "nomades" depuis la loi du 16 juillet 1912, ainsi que des clochards raflés dans les rues de Nantes au cours du printemps. Vichy a décidé de fermer certains petits camps que la 4ème République finissante avait ouverts à la suite du décret signé le 6 avril 1940 par son dernier président, Albert Lebrun. Ces 258 premiers internés viennent du camp de La Morellerie, commune d'Avrillé-les-Ponceaux (Indre-et-Loire).
Au cours des mois et des années qui suivent, il en arrive d'autres camps, et Montreuil-Bellay devient le plus grand pour nomades de tout le territoire national. L'effectif maximum est atteint en août 1942 : ils sont alors 1086 à être parqués derrières les barbelés angevins.

 Le camp en 19454, photographié d'un mirador.
Archives J. Sigot, J.-C. Leblé.

Les internés sont au début surveillés par des gendarmes, secondés en janvier 1943 par des gardes civils qui échappent ainsi au départ pour l'Allemagne qu'a imposé la Relève forcée en septembre1942. A partir du printemps suivant, d'autres gardes civils se font embaucher par la sous-préfecture, cette fois pour se soustraire au STO en Allemagne (Service du Travail Obligatoire, institué en mars 1943).

Le site est un lieu de promenade dominicale pour des Montreuillais frustrés de distractions pendant ces années d'occupation.

 Les internés nomades interpellent les Montreuillais en promenade.
Archives J. Sigot, fmm.
 
   - Le camp est bombardé et mitraillé à plusieurs reprises pendant l'été 1944 et, en juillet, les nomades sont transférés dans un autre lotissement de l'ancienne poudrerie. Les clochards sont quasiment tous morts pendant l'hiver 1942/1943. Pour éviter les évasions, puisqu'il n'y a pas ici de clôture, on enferme le soir un enfant de chaque famille dans les cellules d'une prison en béton armé construite par et pour les Républicains espagnols au printemps 1940. On sait bien qu'aucun adulte n'abandonnerait son enfant !

 La prison du second lotissement de la poudrerie,
elle aussi bombardée par les alliés été 1944.

Montreuil-Bellay est libre fin août 1944, les derniers Allemands ayant fui devant l'avancée des troupes américaines. Quelques jours plus tard, des FFI entrent dans le camp pour y chercher des armes ; ils n'en trouvent pas et repartent, mais "oublient" de libérer les nomades pour qui la guerre continue quand la ville proche tond ses femmes en expiation...

   - Début septembre, arrivent 145 soldats du Reich interceptés par les alliés, dont 107 Russes "blancs" qui, avec les Allemands, combattaient leurs compatriotes communistes. Ils ne restent qu'une quinzaine de jours à Montreuil-Bellay, la sous-préfecture de Saumur les réclamant pour divers travaux de déminage et de nettoyage.
Toujours début septembre, sont également internés quelques collaborateurs locaux, vite expédiés dans le camp de Châteaubriant pour éviter qu'ils ne soient "molestés", voire fusillés, par des libérateurs en mal de vengeance.

   - Les internés nomades réintègrent le camp principal aux premiers jours d'octobre 1944... pour la rentrée des classes ; en effet, une école existe derrière les barbelés depuis novembre 1941.
   - Ils quittent tous Montreuil-Bellay le 16 janvier 1945, mais sans être libérés pour autant : le plus grand nombre est envoyé dans les camps de Jargeau (Loiret) et d'Angoulême (Charente). Les derniers ne retrouveront la route que début juin... 1946 !
  
   - C'est que le Gouvernement Provisoire de la République a besoin du site de Montreuil-Bellay pour y transférer des civils allemands interceptés par les libérateurs en Alsace et en Moselle, et regroupés en attendant dans le camp du Struthof que la France fait désormais sien.
Le soir du 20 janvier 1945, après deux jours de voyage en wagons à bestiaux, ils sont 796 à franchir les barbelés de la route de Loudun : 620 femmes, 105 hommes et 71 enfants.
   - Les rejoignent en mai des soldats allemands après la fin de la poche de Saint-Nazaire. En juillet, c'est l'arrivée de néerlandaises qui avaient épousé des nazis. Des femmes, violées par leurs vainqueurs peu après leur arrivée dans le camp du Struthof, mettent des enfants au monde en octobre dans le camp de Montreuil-Bellay.

   - Les survivants - parce qu'il y a eu de nombreux décès dans cette population peu préparée à de telles conditions de vie dans des baraquements le plus souvent délabrés - quittent l'Anjou le 20 novembre 1945, transférés dans le camp de Pithiviers (Loiret).

   - Au printemps 1946, le site, dorénavant "ouvert", reçoit des soldats français "indigènes" pour des manœuvres, les casernes de la région ne pouvant les recevoir. Ils font des manœuvres le jour et dansent le soir en ville. L'un d'eux, ayant épousé une Montreuillaise, ne retournera pas en Afrique.

   - Le 22 octobre 1946, tous les baraquements en dur du camp sont vendus aux enchères par les Domaines. J'en retrouverai un à Verrue (Vienne), acheté par un boulanger ; un autre à Mauzé-Thouarsais (Deux-Sèvres) ; tous deux sont aménagés en salles des fêtes !!! Un boulanger de Vihiers (Maine-et-Loire) en acquiert un pour s'agrandir.

Le baraquement remonté aux Chauleries, commune de Verrue.

Quelques décennies plus tard, l'épousée me donne
sa photo de mariage devant 'Le moulin de la Galette".
.
   - L'ancien camp de concentration de Montreuil-Bellay peut maintenant sombrer dans l'oubli... jusqu'à son "invention" fortuite en 1980 par un instituteur passionné d'histoire locale...

Pour les lycéennes, c'est maintenant la visite des ruines : l'ensemble magasin-cuisines-réfectoire ; une feuillée (latrines collectives) ; les vestiges d'un ancien baraquement en dur dont il ne reste qu'un pilier central qui soutenait le plancher en hauteur, le terrain n'étant pas plat, et surtout les marches à chaque extrémité ; des trous au sol dans lesquels étaient plantés les poteaux de la clôture de barbelés ; les excavations creusées par deux bombes larguées par les alliés pendant l'été 1944, et qui n'ont pas explosé.
La visite s'achève par la descente dans la cave-prison où les lycéennes découvrent des graffitis gravés dans le plafond par des internés..

Le cinéaste Alexandre Fronty filme deux anciens internés 
sur les ruines de l'ensemble magasin-cuisines-réfectoire. 


Double rangée de trous dans lesquels étaient plantés
les poteaux de la double clôture de barbelés.
2,50 m entre les rangées ;
16 m entre deux poteaux d'une même rangée.

La photo rituelle des visiteuses sur les marches d'un ancien baraquement en dur.

Les marches photographiées au début des années 1980
après que j'ai appris ce qu'elles avaient été.

Noms d'anciens internés gravés dans l'ardoise de la stèle.
Les autorités ont préféré "camp d'internement" 
à "camp de concentration", 
appellation retrouvée dans tous les documents de l'époque.


1 commentaire:

louanchi a dit…

HARKIS, Les Camps de la Honte ! (Hocine, le ... - Vimeo
Vidéo pour "harkis les camps de la honte hocine"► 33:26► 33:26
vimeo.com/28820197
9 sept. 2011
En 1975, quatre hommes cagoulés et armés pénètrent dans la mairie de Saint Laurent des arbres, dans le ..