25 mai 2014

Montreuil-Bellay, un camp de concentration, pas d'extermination



Dans le Maine-et-Loire, 

le camp tsigane oublié de Montreuil-Bellay

Mis à jour le 24/07/2013 à 13:00

 Jacques Sigot, historien, 
devant les derniers vestiges du camp de concentration tsigane de Montreuil-Bellay. 
(Damien Meyer/AFP Crédits photo : Damien Meyer/AFP)

Pendant la Seconde Guerre mondiale, cette commune située à une soixantaine de kilomètres de Cholet a accueilli un des plus grands camps de concentration pour Tsiganes de France.
«Comme quoi Hitler n'en a peut-être pas tué assez». Les propos tenus par Gilles Bourdouleix, député-maire de Cholet (Maine-et-Loire), sur des gens du voyage qui s'étaient illégalement installés sur un terrain de sa commune ont rapidement été condamnés par l'ensemble de la classe politique française. Le préfet du Maine-et-Loire a saisi ce mardi le procureur pour «apologie de crime contre l'Humanité».
Ces mots qui choquent mettent également en lumière le passé tsigane du département comme le rappelait "notre" première dame, Valérie Trierweiler, puisque en partie Montreuillaise, dans un tweet posté mardi matin

Propos de Bourdouleix intolérables, le plus grand camp d'internement de tsiganes pendant la 2e Guerre situé en Anjou, à Montreuil-Bellay@awajdzik

Car pendant la Seconde Guerre mondiale, l'histoire du Maine-et-Loire a été fortement liée à celle des Tsiganes français. Montreuil-Bellay, une petite ville de 4000 habitants située à une soixantaine de kilomètres de Cholet, a accueilli, de 1941 à 1946, un des trente camps (1) de concentration français pour «individus sans domicile fixe, nomades et forains, ayant le type romani». Autrement dit pour Roms, Tsiganes, Manouches ou Gitans. De ce camp, il ne reste que des marches de pierre. Un dur passé que la population semble vouloir oublier malgré la pose d'une stèle commémorative en 1988.
Ce camp d'internement en effet été occulté de la mémoire collective, tant par les habitants de Montreuil-Bellay que par ceux internés dans ces camps. «Pour eux, ça sent la mort», confie Alexandre Fronty, réalisateur du documentaire Montreuil-Bellay, un camp tsigane oublié, dans un entretien sur «Mémoires vives», l'émission de la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Jacques Sigot, un ancien instituteur devenu historien spécialiste des Tsiganes, tente cependant depuis 35 ans de faire revivre ce passé. Grâce à son combat, les vestiges de l'ancien camp, longtemps laissés à l'abandon, ont pu être conservés et inscrits aux monuments historiques en 2010. Si les propos du maire de Cholet le choquent vivement, l'historien note surtout que ce sont de nouveau les Allemands qui sont pointés du doigt. Alors que dans le cas de Montreuil-Bellay, le gouvernement français aurait joué un rôle important.

Témoignage de Jacques Sigot sur le camp de Montreuil-Bellay :

Un camp de concentration, 

pas d'extermination

Le camp de concentration de Montreuil-Bellay a en effet été ouvert suite au décret de loi du 6 avril 1940 signé par Albert Lebrun, dernier président de la IIIe République. Ce décret stipulait que ces nomades devaient être rassemblés dans des lieux déterminés sous surveillance de la police. Mais, surtout, les derniers Tsiganes n'ont été libérés qu'en juin 1946, soit deux ans après la Libération. «Ils sont assignés à résidence dans un camp», aurait alors déclaré un préfet, selon l'historien Denis Peschanski.
Le camp de Montreuil-Bellay n'était pas un camp d'extermination. Les milliers de Tsiganes internés là-bas, environ 1500 (2) au plus fort de l'occupation du camp, n'ont pas été déportés par la suite dans les camps de la mort allemands. Mais les conditions de vie y étaient déplorables. Confinés dans des baraques en bois, les nomades n'avaient aucune activité. Les poux, les maladies faisaient partie du quotidien. Certains sont sortis avec les mêmes vêtements que ceux avec lesquels ils étaient entrés, confie Alexandre Fronty, et des femmes se sont même confectionné des robes à partir de matelas.
«Mais l'horreur c'est qu'on les lâche dans la nature sans aide, sans nourriture» lors de leur libération, ajoute Alexandre Fronty. Sans leurs chevaux et roulottes qui leur avaient été confisqués à leur entrée dans le camp.

A propos de cette video

Sur ordre des autorités françaises, plusieurs milliers de Tsiganes (que l’on appelait à l’époque des Nomades) ainsi que quelques dizaines de clochards ont été internés entre 1941 et 1945 dans des baraquements entourés de barbelés, sur une plaine battue par les vents dans le Maine-et-Loire, près de Montreuil-Bellay.
Surveillés par des gendarmes, les Tsiganes vivaient dans des conditions sanitaires déplorables. Plus d’une centaine de détenus ont trouvé la mort dans ce camp de concentration géré par les autorités de Vichy. En raison de la mauvaise conscience des autorités françaises et de l’amnésie des habitants de Montreuil-Bellay, le camp est tombé peu à peu dans l’oubli.

Notes :
(1) Il y en a eu plus de 30, bien que leur nombre exact ne soit pas connu. Plusieurs communes ont complètement oublié qu'il en eut un sur leur territoire, comme je l'ai remarqué quand j'allais leur signaler que j'en avais découvert un qui avait envoyé ses internés dans celui de Montreuil-Bellay, ma commune d'adoption.

(2) En réalité 1096, début août 1942, après l'arrivée de 714 nomades et clochards qui venaient du camp de Mulsanne, dans la Sarthe.

A propos d'un commentaire sur ce sujet :
Un commentaire évoque la centaine de nomades de Poitiers qui auraient été déportés en Allemagne pour y être exterminés. En réalité, ils sont partis en janvier et juin 1943 dans le cadre de la Relève Forcée (instituée en septembre 1942) et le STO (de mars 1943) pour aller travailler en Allemagne, et non pas pour y être exterminés. Si certains sont en effet morts Outre-Rhin, la plupart sont revenus en France à partir de mai 1945.
Quant aux 145 nomades français déportés à Auschwitz à partir de la Belgique, ils avaient été interceptés dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais qui n'étaient plus français, mais qui étaient rattachés au Gouvernement militaire belge sous régime nazi.

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