3 déc. 2014

Visite épiscopale sur l'ancien camp de Montreuil-Bellay





Monseigneur Emmanuel Delmas, évêque d'Angers



Mardi 2 décembre 2014 à Montreuil-Bellay




Les bons paroissiens de ma bonne ville m'avaient demandé de guider l'évêque d'Angers toute une partie de ce mardi de décembre 2014 sur différents sites de Montreuil-Bellay.
Un vrai laïc ne pouvait refuser, surtout s'il avait vécu pendant sept années en terre d'Islam à travailler sa religion et à essayer de parler sa lange ; s'il avait accepté que son épouse  se marie - mais quand même sans sa propre participation - dans la cathédrale catholique de Rabat, au Maroc ; s'il avait accompagné sa fille jusqu'à son futur gendre devant l'autel d'une église protestante de Zürich, en Suisse.

Monseigneur Emmanuel Delmas, évêque d'Angers, a donc visité le site de l'ancien camp de concentration de la route de Loudun, avant de se rendre à Méron, autrefois commune, aujourd'hui rattaché à Montreuil-Bellay.

Son prédécesseur était déjà venu, en 2007... pour célébrer une messe sous chapiteau à proximité de l’enceinte de barbelés du camp de concentration, lors de la cérémonie du dernier samedi d'avril, cérémonie nationale et annuelle instituée en 1990 par la Présidence de la République.

 Monseigneur Soubrier, présent sur le site 
de l'ancien camp le samedi 28 avril 2007.

Cette fois, Emmanuel Delmas avait programmé cette visite avec ses hôtes de la paroisse montreuillaise.
Quand je lui demandai le pourquoi de ce choix, il m’a répondu que le nom de Montreuil-Bellay était à Angers associé à ces tragiques événements de la Seconde Guerre mondiale ; aussi  désirait-il savoir ce qui s’était exactement passé. 
D’où cette demande que l’on m’a faite de le guider.

Mânouches, Gitans et Roms

Ce fut d’abord un lent cheminement pour découvrir les ruines de l’ancien camp dans lequel furent surtout internés des Tsiganes. On les appelait alors « nomades », depuis le 16 juillet 1912. Nous les connaissons maintenant sous le nom de « Gens du Voyage », bizarre expression qui n’a ni singulier ni féminin. Il serait plus normal de dire "Tsiganes", du grec Atsinganos, nom que les Européens leur donnèrent vers le XIVème, quand ils les virent arriver de l‘Inde d’où ils étaient originaires.
Autres noms plus précis :
Roms qui, après plusieurs siècles d'esclavage en Europe de l'Est [actuelles Russie, Roumanie, Hongrie, Bulgarie...], ont repris la route, les premiers entrant en France dans les années 1870. Pendant la guerre, dans le camp, on les appelait plutôt "les Z’hongrois".
Gitans, restés sédentarisés en Espagne et dans le sud-ouest de la France, après leur migration médiévale.
Mânouches, les seuls restés nomades, arrivés chez nous la première fois en 1419, la plupart ayant longtemps transité par ce qui allait devenir l’Allemagne en 1871. Les Mânouches portent d’ailleurs souvent des noms germaniques : les Bauer, les Scheid, les Winterstein, les Weiss, les Ziegler… et Reinhardt.  Un parent de Django Reinhardt, interné dans le camp de Montreuil-Bellay, est mort à l'hôpital de Saumur où, malade, il avait été transféré. 

La destruction, jamais oubliée, de l’église de Méron
La conférence donnée en fin d’après-midi au presbytère voulait préciser cette diversité dont la presse ne rend pas toujours compte : pour elle, ce sont généralement "des Gitans" et, maintenant, surtout "des Roms".

 L'évêque suit les explications sur la maquette du camp.
(Photo Jean Richard)

 Dans la prison, seul vestige intact.
Cave d'une ferme qui a brûlé en 1908.
(Photo Karim Fikri)

Photo traditionnelle sur les marches d'un ancien bâtiment du camp.
(Photo Willy Jousselin)

Après les explications données sur les principales ruines du camp, ce fut un passage rapide dans la zone industrielle, ancien camp américain que l’on appelait aussi "Camp de Méron", comme l'autre ; ce qui a favorisé l’oubli du premier par les Montreuillais. On choisit son passé…
Ce fut ensuite une halte au clocher de Méron, cette blessure difficilement cicatrisable depuis que fut prise la  décision de détruire entièrement l’église et la grotte de Lourdes, et ce, comme par hasard, le dernier jour de juillet 1983, "à la sauvette", quand les paroissiens concernés étaient partis en vacances.
L'église de Méron avant sa destruction.
La construction moderne qui devait remplacer le lieu du culte condamné ne fut jamais consacrée ; elle est devenue une maison d’habitation.

 Le clocher roman avec un ajout de deux étages au XIXème siècle,
tout ce qui reste à ce jour.

Au pied du clocher roman, le seul vestige conservé, fut évoquée la belle et pittoresque figure de l’abbé Jollec, ce curé breton des ardoisières de Trélazé que l’on exila au fond de l’Anjou pour avoir défilé en 1936 avec le Front Populaire. Le 3 janvier 1945, voulant sauver des enfants qui avaient sauté sur une mine allemande au pont de Baffou, il subit lui-même le même sort, et fut en décembre amputé d'une jambe gangrenée. François Jollec quitta définitivement Méron courant 1946, et mourut le 24 mai 1950 dans la Maison du Clergé de Beaupréau.

 L'abbé Jollec recevant son évêque dans sa paroisse de Méron dans les années 1930.

L’évêque angevin, lors de son séjour à Montreuil-Bellay, ne découvrit pas que les heures sombres de la Seconde Guerre mondiale, ses hôtes lui ayant programmé d’autres visites moins douloureuses.

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