9 mai 2012

Une curiosité montreuillaise : une locomobile


La belle locomobile de Fernand Reclu

Après avoir passé le pont, vous escaladez la rampe pour aller vers Doué-la-Fontaine ou Angers ; sur votre droite, au numéro 154, une curieuse scène au-dessus de la porte.

En 1901, l’immeuble appartient à Fernand Reclu qui demande à un certain Lecocq de lui sculpter cette étrange machine
Intrigué, j’allai interroger son fils Albert, en février 1987. Ce pourrait être à première vue un tracteur tirant une charrue, mais c’est plutôt une locomobile utilisée pour arracher les ceps de vigne que l’on veut supprimer. Plus exactement une défonceuse, les roues arrière de la locomobile n’étant pas motrices, comme ici.
Nous sommes à la fin du XIXème siècle, et plus de la moitié du vignoble français a été dévasté par le phylloxéra, minuscule puceron que les Américains nous en envoyé vers 1860, comme ils nous avaient déjà offert l’oïdium dix ans auparavant. En 1884, quelque 67 départements sont atteints : 1.300.000 hectares de vignes détruits. Un déficit annuel évalué à 400 millions de francs-or. Quand on s’aperçoit que, greffé sur des plants américains immunisés, le cépage indigène résiste, on commence à reconstituer tout le vignoble national.
Pour reconstituer le sien, Georges Millin de Grandmaison (1893-1940) crée en 1894 deux champs d’expérience, l’un sur le calcaire dur de la Champagne de Montreuil-Bellay, l’autre sur les conglomérats d’argile rouge dans la forêt de Brossay. En 1905, il reçoit une médaille pour ses vins rouges à l’Exposition de Liège.

La photo qui a servi de modèle au sculpteur.

C’est alors que Fernand Reclu achète son énorme machine en Angleterre. Il me la décrit : Elle se compose de trois parties : la machine à vapeur propre-ment dite, avec sous le ventre une poulie autour de laquelle s’enroule un gros filin d’acier, est stationnée en travers à l’extrémité du champ ; un fourgon, avec une autre poulie, reste à l’autre extrémité du champ ; entre les deux, tirée par un câble, une puissante charrue creuse le sol jusqu’à 80 centimètres de profondeur ; la charrue, rappelée par le câble, retourne au fourgon sans travailler ; puis l’on recommence. Sur la route, le fourgon sert à transporter les briquettes de charbon et l’huile.
A Montreuil, il y a les trois frères Reclu, et à Brossay, les cinq frères Falloux. Cela avait du bon et du mauvais, m’explique Roger Falloux, le fils de Jules. Creuser aussi profond arrachait toutes le vieilles racines, mais en même temps, tous les cailloux et l’argile remontait à la surface. Aujourd’hui, on va beaucoup moins creux. Les Falloux défonçaient le terrain et replantaient, travaillant au forfait avec garantie de reprise. Pour se payer, ils se réservaient parfois les six premières années de récolte. En réalité trois, parce que la vigne ne produit que la quatrième année.
La défonceuse de Fernand Reclu est toujours là, figée dans le tuffeau, plus d’un siècle après…

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Coucou Ami Jacques. Ce serait-y pas fin XIXe plutôt que fin XVIIIe ? À moins que James Watt lui-même ait prédisé aux destinées de la machine de Maitre Reclu ? :)))

Jacques Sigot a dit…

Merci Ami anonyme, et voici corrigée cette malheureuse coquille.
Jacques