27 janv. 2013

Rapports difficiles avec les édiles de ma commune

Suite à ce qu'il faut bien appeler mon "invention" en 1980 de l'ancien camp de concentration qui a sévi dans ma ville pendant la Seconde Guerre mondiale, et à diverses publications pendant ces trente dernières années, un échange d'amabilités a fait ces jours-ci le bonheur de la presse régionale. Je reprends ici les articles publiés cette première quinzaine de janvier. A vous de vous faire une opinion, qu'elle conforte l'humeur des édiles montreuillais ou qu'elle m'encourage à poursuivre mon travail.


Le Courrier de l'Ouest, le 3 janvier 2011, fait du camp un événement marquant de la défunte 2010. Le soir même, pas un seul mot sur le même sujet au cours des vœux de la maire de la commune à ses administrés.


Le jeudi 6 janvier, Le Courrier de l'Ouest publie le billet d'humeur que je lui avais envoyé :

Le jeudi suivant, la maire répond dans le même quotidien.

Deux amabilités de l'ancien maire parlant de moi, publiées dans la presse régionale (de mémoire avant de retrouver les articles) :
- ... individu qui instrumentalise les Tsiganes pour vendre quelques centimètres de papier.
- ce soi-disant historien. Pour être historien, il faut avoir fait des études et avoir des diplômes.
En sourire si je reprends la seconde. "Soi-disant" signifierait que je me dis historien alors que je suis toujours très heureux de me définir comme instituteur. Que penser alors de ce qu'il aurait pu pareillement dire : ce soi-disant mort... ?

Très heureux de cette polémique, puisqu’il est important, pour moi, qu'on parle de ce site, et de lire dans la réponse de la maire "que le camp doit rester un lieu de mémoire, de recueillement".
Amusant de constater l’identification de ce camp au quelconque individu qu’elle me dit être, à moins qu’elle n’eût voulu écrire individu quelconque ; étonnant de lire que la seule reconnaissance de cet individu remplace la connaissance d’un camp.

Au-delà d’une polémique entre personnes non anonymes, voici quelques rappels :

Anecdote

Bizarre, bizarre, dans les phrases de la nouvelle maire, les "gentillesses" sont du même ton ... que celles déjà lues dans la presse et citées ci-avant [Cet individu qui instrumentalise… ; .ce soi-disant historien…
On m'en voudrait de critiquer les Montreuillais, les disant responsables de ce camp, ce que je n'ai jamais écrit. Dans cet article du Courrier, je me suis même volontairement censuré, omettant d'ajouter que s'ils ont, en 2011, le droit oublier ce camp - la maire écrit même que la page est aujourd'hui tournée – celui-ci était parfois pour certains, pendant la guerre, le but de la promenade dominicale. Une famille m'a même rapporté qu'on attelait la charrette après le repas, qu'on y installait les enfants, et qu'on allait faire un tour route de Loudun pour voir s'il y avait des nouveaux. Et comme le camp se trouvait à douze kilomètres, cela passait l'après-midi. Il est vrai que les distractions étaient rares à l'époque, et il n'y avait pas la sacro-sainte télévision.

Le positif

- La complicité et le précieux compagnonnage des éditions Wallâda :
 http://www.wallada.fr/nouveautes-2009-2010.html qui, les premières alors que le sujetgênait, ont accepté de publier mes travaux sur ce camp. Elles m'ont toujours suivi depuis en rééditant mon ouvrage.

- La reconnaissance officielle de ce camp de Montreuil-Bellay dans laquelle la France a interné - entre autres - des Tsiganes pendant la Seconde Guerre mondiale. L’érection d’une stèle sur le site le 16 janvier 1988. L’organisation sur ce même site, à partir d’avril 1990, d’une cérémonie nationale et annuelle en hommage aux Tsiganes victimes de la Seconde Guerre mondiale.

- Un télégramme de remerciement que m'a adressé Simone Veil le 15 janvier 1988, la veille de l'inauguration de la stèle.

- La découverte et l’étude d’autres camps semblables sur le territoire français, et le relais pris, ces dernières années, par de jeunes historiens.

- L’érection d’autres stèles sur d’autres sites que j’ai rencontrés dans mes travaux (Mérignac, Arc-et-Senans, Poitiers, Avrillé-les-Ponceaux, Saliers, Barenton…), des manifestations pour rappeler d’autres camps (Moisdon-la-Rivière, Plénée-Jugon, Monsireigne…).

- La reconnaissance, pour des Tsiganes, de leur internement et, suite à la constitution de dossiers, plusieurs ont reçu une carte d’interné politique (sic) qui leur permet parfois de toucher une pension d’indemnisation.

- Plusieurs enfants ou petits-enfant d’internés m'ont contacté pour connaître l'histoire de leur famille, et je les aide pour reconstituer des itinéraires.

- En 1983, Jean-Louis Bauer, dit Poulouche, m'a écrit après avoir découvert mon ouvrage sur le camp de Montreuil-Bellay dans lequel il avait été interné avec sa famille. Il a aussi connu avant ceux de Mérignac et Poitiers, et après celui de Jargeau. De 1983 à 2007, année de son décès, nous avons travaillé ensemble. En 2010, la ville de Poitiers a donné son nom à une allée proche de l'ancien camp.

- La création, en 2005, d’une association, L’AMCT (Les Amis de la Mémoire du Camp Tsigane de Montreuil-Bellay).

- Le 8 juillet 2010, en pleine chasse aux Roms et aux Tsiganes par les féaux de l’Elysée, l’inscription du site au patrimoine des Monuments historiques.

Le négatif

- Le refus, par les instances sollicitées, de prendre en charge financièrement les frais de la stèle érigée en janvier 1988 : le support en ardoise a été offert par un couvreur de Montreuil-Bellay ; l’achat de la plaque et la gravure du texte ont été assumés par des personnes privées.

- La disparition, sans nécessité, d’importants vestiges (à la fin des années 1990 du seul bâtiment resté debout sur place ; peu après, des colonnes de l’ancien poste de garde).


Le seul bâtiment resté sur le site après la vente aux enchères par les Domaines en octobre 1946. aujourd'hui disparu.

- D’autres vestiges, aujourd’hui protégés, auraient connu le même sort si l’alerte n’avait pas été donnée quand avait été décidée l’aménagement d’un rond-point au carrefour des deux routes Montreuil/Loudun et Méron/Panreux. Suite à des courriers ciblés, le rond-point a été dévié, puis apparemment déprogrammé.

- Le refus, après demandes, de supprimer certains panneaux publicitaires « tendancieux » implantés sur le site même du camp. Seuls des rappels dans les médias semblent avoir provoqué leur disparition.


- Quand quasiment tous les collèges et lycées des villes proches de Montreuil-Bellay, pour ne parler que de ces dernières, m’ont invité une ou plusieurs fois pour évoquer l’histoire de ce camp, je ne le fus jamais dans les murs du collège de Montreuil. Par contre, je le fus régulièrement par le Lycée Agricole, mais les élèves viennent pour la plupart de l’extérieur. Ainsi, lors de ma dernière intervention, il n’y en avait pas un seul du canton.

- L'ingratitude de certains que j'ai aidés parfois pendant des années, leur partageant tout ce que je savais sur cette histoire, témoignages et iconographie, et qui, leur travail terminé, coupent les ponts et disparaissent avec les bénéfices...

En guise de conclusion

Cette conversation, au cours d'une réunion de travail à la sous-préfecture de Saumur en juin 2008, m'a été rapportée par une personne qui m'a demandé, vu son devoir de réserve, de ne pas citer son nom. Elle reste suffisamment proche de ce que j'ai souvent entendu pour la penser véridique.
Réponse du sous-préfet suite à une allusion de l'ancien maire de Montreuil-Bellay, très embarrassé par mes travaux sur le camp, et qui aurait dit que je n’étais qu’un pseudo historien : Il a fait un vrai travail d’historien, digne d’un travail d’universitaire et qui a le mérite d’exister. Sans lui, nous ne serions pas là aujourd’hui.



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