28 juin 2014

Habitent une ancienne ferme, avec vue sur une rivière et un château.

Dès que nous savons que nous allons quitter le Maroc où nous vivons et travaillons - pour moi depuis 1966 - je désire m'installer en France le plus près possible de la Loire, mon beau fleuve nostalgique de l'adolescence, dans une maison d'où je pourrai, de préférence, voir une rivière et un château médiéval.
En 1971, lors d'un congé estival avec retour au pays, c'est, sur mon itinéraire, la traversée de la petite ville de Montreuil-Bellay. Coup de foudre lorsque nous traversons le pont : la vision des hautes et imposantes tours cylindriques du château au-dessus de la rivière du Thouet.

 L'ensemble castral vu du pont sur la rivière du Thouet.


Cliquer sur les photographies pour les agrandir.

Aussitôt, première route à droite après le pont ; de nouveau la première rue à droite pour me rapprocher de la rivière... Un écriteau sur un portail en fin de vie, "Maison à vendre". Une ancienne petite ferme abandonnée, construite dans les années 1860 - alors à la limite de la commune - sur un très vieil habitat troglodytique ; l'espace devant la maison est envahi par la végétation ; contre un mur, disloquée, une petite cabane en planches, les "toilettes", comme on en voyait un peu partout à la campagne au fond de la cour ou à l'entrée du jardin, avec une petite ouverture souvent en losange au haut de la porte. J'en ai même vu une à deux places en 1969, en Suède, au niveau du cercle polaire...
Mais surtout, la rivière tout près, au pied du coteau, et le château à l'horizon. 

La dernière propriétaire est partie depuis plus d'une décennie. Nous ne sommes pas très riches, elle ne coûte pas très cher, et comme le notaire baisse encore son prix pour nous encourager... et se débarrasser d'une ruine dont personne ne voulait, c'est vite l'achat en l'état.

La restauration nous prend toute une nouvelle décennie car nous entreprenons de nouveaux travaux dès que nous avons réalisé le pécule nécessaire.

 La maison lors de son achat, en juillet 1971...

... et en juillet 1973, quand nous nous installons à Montreuil-Bellay.
Au premier plan à gauche, le mur de la carrie de l'ancien habitat troglodytique.

De la fenêtre de l'étage, nous voyons paresser le Thouet. Il coule à peine, barré par des chaussées sur lesquelles furent construits des moulins ; il fut aussi canalisé.
L'endroit idéal pour nous, mais, environ tous les quinze ans, sont plantées des rangées de peupliers sur le terre-plein qui sépare son lit de la route basse. Du milieu du printemps à la fin de l'automne, les arbres nous cachent et l'eau et le château. J'ai cru un jour entendre qu'il était dorénavant interdit de replanter là des peupliers, arbres peu "nobles" dans ce site protégé, et qu'il était préférable, par exemple, de choisir des frênes. Soit j'ai mal entendu, soit le planteur fait la sourde oreille...

 Surtout pendant l'été, 
un épais rideau de peupliers nous cachait la rivière et le château.

En ce mois de juin 2014, c'est "l'heureux" abattage des arbres... qui va nous restituer la vue un trop long temps cachée.

Ce vendredi 27, ils ne sont plus que trois peupliers debout. 
Les arbres de l'île aux Pierres, derrière, ne seront pas abattus.

A 9 h 50, il ne reste plus qu'un seul peuplier
qui cache encore à peine la collégiale du château, devenue église paroissiale en 1810 après qu'eut été abandonnée l'église Saint-Pierre, dans la ville basse, trop vétuste et dangereuse ; et surtout trop éloignée des fidèles qui vivent dans la ville haute. 

La rivière du Thouet est maintenant visible, même en été.

10 h 06, un bûcheron grimpe à une échelle appuyée contre l'arbre 
pour ceinturer le tronc par un câble métallique relié à un tracteur.

10 h 16, le bûcheron attaque le pied du peuplier à la tronçonneuse.

10 h 18, la chute de l'arbre...

qui tombe lourdement sur le sol dans un fracas de branches écrasées.

 
A 21 h 24,  je sors sur la route 
photographier la lumière du soleil couchant sur les pierres.
Au centre, le "Château Neuf" ;
à l'extême droite, la belle demeure 
où naquit le poète Charles Dovalle (1807-1829).

La collégiale, le "Vieux Château" et la cuisine à foyer central.

 La prée du Thouet après la bataille...



Le dimanche 29 juin, en fin d'après-midi...

 

Juste devant notre maison descend la ruette de l'Enfer, l'Enfer étant une belle propriété proche dont le nom semble venir d'anciens propriétaires de religion protestante, ce culte étant voué à "l'enfer" pour les catholiques.

La collégiale et le château vus de l'Enfer.

Le petit bâtiment au centre et au premier plan fut peut-être un temple...





22 juin 2014

Le pont du Martrou, le monument préféré des Français ?


Le Pont à Transbordeur du Martrou, à Rochefort-sur-Mer.
Dessin de Gilbert Maurel (dépliant d'accueil du Pays Rochefortais).

Cliquer sur les clichés pour les agrandir.

Florence Troquereau, journaliste à France 2, m’avait demandé de la rejoindre à Rochefort-sur-Mer le jeudi 19 juin dernier afin de parler du pont à transbordeur du Martrou sur lequel je travaille depuis plusieurs décennies.

 Florence Troquereau vient d'embarquer sur la nacelle
pour une première traversée de la Charente.
.
Son documentaire doit accompagner le concours lancé par la chaîne France 2 pour désigner le monument préféré des Français, et le Martrou est bien placé pour revendiquer la distinction. Les Français le connaissent puisqu’il ouvrait et fermait Les Demoiselles de Rochefort, le film de Jacques Demy, avec les soeurs Catherine Deneuve et Françoise Dorléac.

L’on m’a invité parce que cela fait longtemps que je me suis passionné pour ces magnifiques ouvrages métalliques inventés à la fin du XIXe siècle par Ferdinand Arnodin.

  L'un de mes ouvrages sur les ponts à transbordeur. 

Arnodin avait son usine à Châteauneuf-sur-Loire (Loiret), la petite ville où, de 1952 à 1956, j’ai suivi mes études au collège. Quand, avec le professeur d’éducation physique, nous nous rendions sur le stade, nous voyions les impressionnants hangars de l’usine où Arnodin préfabriquait toutes les pièces de ses gigantesques mécanos qu’il faisait ensuite transporter sur place par wagons et camions où elles étaient assemblées pour reconstituer le pont complet. Et c’est grâce à cette géniale organisation que le pont de Bizerte (Tunisie), installé en 1898, a pu être entièrement démonté en 1903 pour être remonté à Brest en 1908.

Paul Poirier et l'Association des Transbordés se "battent" pour construire deux ponts à transbordeur modernes ; l'un à Nantes et l'autre à Marseille.
 http://jacques-sigot.blogspot.fr/2008/08/un-nouveau-transbordeur-pour-nantes.html

Ci-dessous, un "merveilleux" projet de pont à transbordeur qui fut proposé pour la ville d'Ostende (Belgique), découvert dans le très riche blog de Michel Wagner.
http://www.timbresponts.fr/articles_et_publications/ferdinandArnodintransbordeurs1.htm


*
* *
La première chose que m’a fait expliquer Dame Florence touchait une question de vocabulaire qui interpelle l'instituteur que j’ai été : on ne doit pas dire « Pont Transbordeur », mais « Pont à transbordeur ». En effet, ce n’est pas le pont qui transborde piétons et véhicules d’une rive à l’autre d’une rivière, et surtout d’un fleuve, mais la nacelle mobile que porte ce pont immobile. Cette nacelle, plateau accroché à de nombreux câbles, va d’une rive à l’autre en restant toujours au même niveau des routes qui donnent accès au pont. Lorsqu’il a, en novembre 1887, déposé le brevet de son invention, Ferdinand Arnodin parlait bien d'un « Pont à transbordeur », un pont avec un transbordeur.
Mais la préposition, qui gêne vraisemblablement les locuteurs, a quasiment disparu, et jusque dans l'écrit ; elle est pourtant nécessaire pour comprendre ce que sont ces ponts.

Caractéristiques du pont du Martrou.
- Poids total : 700 tonnes.
- Largeur du débouché entre les deux quais d’embarquement : 139,76 mètres.
- Longueur du tablier : 175,50 mètres.
- Hauteur des pylônes : 66,34 mètres.
- Hauteur libre pour le passage des bateaux (voiliers) : 50 mètres.
- Mesures de la nacelle : 11,50/14 mètres. Le chariot mobile qui se déplace sur le tablier portant la nacelle est monté sur 24 paires de galets.
- Début des travaux de construction : mars 1898 ; inauguration du pont terminé : le 29 juillet 1900.
- Abandonné en février 1967, le pont est classé monument historique le 30 avril 1976. Ce classement le sauve de la démolition quand furent démolis les cinq autres en France : Rouen (automne 1940) ; Bordeaux (inachevé, août 1942) ; Marseille (août 1944) ; Brest (1947) ; Nantes (mai 1958).
- Mars 1990 : commencement des travaux de restauration du pont. La réception de l'ouvrage a lieu le 14 juin 1991.
- Samedi 2 juillet 1994, première traversée de la nacelle que l'on vient de reconstruire.

Mais, "allégé, le pont à transbordeur du Martrou n’est plus ouvert qu’aux touristes, piétons et cyclistes. Celui de Portugalete, près de Bilbao, en Espagne, le premier construit dans le monde (1893), fonctionne toujours comme au premier jour.

*
* *

- Quelques photos prises ce 19 juin. Pour moi, une grande première attendue, espérée depuis des années… monter sur le tablier du pont qui traverse la Charente à quelque 50 mètres au-dessus des eaux du fleuve.

 Ma première montée sur le tablier,
plus harnaché qu'un cheval de labour dans ma Beauce natale.

L'escalier dans l'un des deux pylônes 
de la rive droite de la Charente.

France 2 filme les techniciens responsables de l'entretien du pont.


Le tablier du pont sur lequel roule le chariot portant la nacelle.

L'extrémité nord du tablier. A l'arrière-plan, Rochefort.
.
 La nacelle à quai rive droite,
le bar du pont et la route venant de Rochefort.
A l'arrière-plan, le massif d'ancrage des câbles retenant le pont. 

 Rive gauche de la Charente, au pied du pont. Au centre, la Maison/Musée du "Transbordeur".

L'ombre du pont entre le tablier et le viaduc moderne.
Entre ce dernier et l'ombre, les vestige de l'ancien pont levant  
démoli après la construction du viaduc.


 La Charente en amont du pont à transbordeur


Redescendons "sur terre" ; Bernard le nacelier nous attend à l'entrée de la nacelle.
                                      
                           
Avant qu'elle ne parle de "son pont", il faut appareiller Mallory, l'accorte hôtesse du lieu... 

   Hugh, le cameraman, filme Mallory
écrivant le programme de la journée sur l'ardoise de la nacelle...

puis dans la cabine de Bernard, le nacelier.

Mais il ne faut pas oublier le travail...
Un important groupe de jeunes cyclistes à l'assaut de la nacelle.

La dernière traversée de la matinée avec des touristes.

 Avant de quitter la magie du Martrou,
regarder passer des bateaux.


Le pont à transbordeur du Martrou sera-t-il premier de la classe au concours de France 2 ? Pour l'instituteur que je fus, c'est assurément OUI.
Et de Nantes et de Marseille de retrouver le leur, dans toute la splendeur de sa modernité.
http://jacques-sigot.blogspot.fr/2008/08/un-nouveau-transbordeur-pour-nantes.html
.

14 juin 2014

1793, les Guerres de Vendée, la Bataille de Montreuil-Bellay le 8 juin

Une page inhabituelle qui se contente de présenter un vieil article paru en mars-avril 1993 dans Gavroche - Revue d'histoire populaire.
1993 célébrait le bicentenaire d'une guerre fratricide qui bouleversa la région où j'habite depuis une vingtaine d'années, mais aussi la France entière au lendemain d'une Révolution refusée par certains.
Cet article résumait mon premier ouvrage publié dix ans plus tôt, ouvrage qui, vu l'inattendu succès de sa vente, fut à l'origine de l'écriture de tous ceux qui ont suivi.

Pourquoi ce livre, Ma ville entre les Bleus et les Blancs, la bataille de Montreuil-Bellay 8 juin 1793, publié à compte d'auteur ?
- Parce que j'étais instituteur, et que les instituteurs, autrefois, s'intéressaient tous traditionnellement à l'histoire de la région où ils enseignaient, rédigeant souvent des monographies sur elle.
- Parce que le peu de renseignements que je découvrais sur cette période en particulier me semblaient invraisemblables, intellectuellement et psychologiquement inacceptables. Un seul exemple : dans les quelques ouvrages qui évoquaient - toujours succinctement - cet épisode, le nombre de morts, pendant cette courte bataille, allait, selon les auteurs,  de 20 à 4000 chez les Vendéens (les Blancs), et de 102 à 4000 !!! chez les Républicains (les Bleus)... avec toutes sortes de nombres intermédiaires ! Il me fallait donc essayer de savoir ce qu'il en avait été...
- Parce les guerres ont toujours été pour moi un drame qu'il me fallait tenter de comprendre au-delà de mon rejet absolu. Vingt ans plus tôt, mon pays avait voulu m'envoyer guerroyer en Algérie, faire taire un peuple que nous administrions, comme les Allemands nous avaient administrés peu avant. Les Français qui avaient résisté sous Vichy étaient des héros ; les Algériens qui voulaient nous chasser étaient des traîtres... Trouvez l'erreur...
- Mais c'est surtout parce que ce dimanche 15 juin 2014, j'accueille un car de Vendéens qui m'ont demandé de leur faire visiter ma ville, et de leur montrer l'endroit où s'est déroulée cette bataille dont on leur avait parlé.


Le site de la Bataille de Montreuil-Bellay, 
dans le "Bas Pay" - le Bas Pays - au pied du tertre sur lequel est bâtie la ville.



 Nos hôtes vendéens sur le site de la Bataille du 8 juin 1793,
au pied du quartier de l'Ardenne, au sud de la ville,
là où le soleil arde...

... après une visite du site de l'ancien camp de concentration
de nomades pendant la Seconde Guerre mondiale (1940-1946).

Ci-dessus et ci-dessous : Les Vendéens sur le site de l'ancien camp.
(Photos Jean Richard)

Les photographes photographiés...
le dimanche 15 juin 2014. (Photo J. S.)

Comment choisir entre les Bleus et les Blancs ? Et j'ai écrit le titre en rouge : Ma ville entre les bleus et les blancs.
Je n'ai pas choisi, j'ai seulement essayé de savoir, de dire ce qui s'est "exactement" passé. Seul Dieu sait le nombre exact des morts, et comme il ne dira jamais rien... j'ai donc modestement, et j'espère honnêtement, essayé. D'où peut-être le succès de mon ouvrage : il surprenait.

Peu après, j'ai été invité par un éminent dirigeant de l'association "Vendée Militaire" à une assemblée organisée par des Vendéens au Voide, en pleine "Vendée militaire", quand Montreuil-Bellay, comme beaucoup de villes, était républicaine. C'est à Vihiers, tout près du Voide, que le général Hugo, père de l'auteur de quatre-vingt-treize, avec cinquante hommes seulement [c'est moi qui souligne], arrêta une armée de 3.000 Vendéens. Précision extraite de "l'encyclopédie libre" Wikimédia !
Ayant appris que j'étais instituteur, une dame, assise devant moi pendant le repas festif, me demanda par trois fois de quelle école j'étais. Je lui répondis celle du Coudray-Macouard, puis celle du primaire, des enfants de 9 à 12 ans. C'est seulement à sa troisième demande que je compris qu'elle voulait savoir si j'étais dans le public ou le confessionnel. Après ma réponse, elle sembla très étonnée d'apprendre qu'un instituteur du public s'intéressât aux guerres de Vendée !!!

Serez-vous vous-mêmes étonnés par ce récit qui ne veut que dire que dans une guerre, il n'y a ni vainqueurs ni vaincus, seulement des morts et de chanceux survivants ? Et parmi ces derniers, je ne compte pas les blessés... ni ceux qui ont décidé cette guerre...