Sommes-nous heureux de vivre ?
L'on nous a mis au monde sans que nous l'eussions demandé... par le plus invraisemblable des hasards : parce que deux êtres l'avaient désiré - dans le meilleur des cas - et à la suite du mélange aléatoire de chromosomes baladeurs...
... et nous mourons le plus souvent sans que nous le demandions.
Entre ces deux fatalités, nous essayons de naviguer entre les récifs que rencontre toute existence, avec le prétentieux et fat désir d'accoster - quand même - à la "terre promise"...
L'on nous a mis au monde sans que nous l'eussions demandé... par le plus invraisemblable des hasards : parce que deux êtres l'avaient désiré - dans le meilleur des cas - et à la suite du mélange aléatoire de chromosomes baladeurs...
... et nous mourons le plus souvent sans que nous le demandions.
Entre ces deux fatalités, nous essayons de naviguer entre les récifs que rencontre toute existence, avec le prétentieux et fat désir d'accoster - quand même - à la "terre promise"...
Ces pensées mélancoliques me viennent après la lecture du petit mais riche ouvrage de Jean-Paul Marcheschi, Goya - Voir l'obscur. (Editions Art 3, Nantes 2012 ; ISBN : 978-2-909417-06-6).
Goya... fut-il homme plus malheureux que lui ? Il est pour moi, la face sombre, "obscure" de la Vie, quand le seul remède est de cultiver, chérir l'autre face cachée, lumineuse et éphémère... illusoire ?
Goya m'accompagne depuis très longtemps, depuis que Geneviève, jeune rencontre de l'adolescence, mais aussitôt disparue, m'a, une décennie plus tard et au temps des retrouvailles hispano-marocaines, offert ce livre rare :
Le Saturne de Malraux, reçu en cadeau en 1967.
Goya ne m'a jamais vraiment quitté depuis, et l'émotion de redécouvrir "en vrai" ses œuvres à Madrid lors des fréquents voyages Maroc/France/Maroc de l'été ou de Pâques.
Ce merveilleux petit ouvrage de Jean-Paul Marcheschi ranime donc avec force une passion "oubliée" pour d'autres...
Ce merveilleux petit ouvrage de Jean-Paul Marcheschi ranime donc avec force une passion "oubliée" pour d'autres...
Le Goya de Jean-Paul Marcheschi, acheté à Saumur le 10 avril 2016, à la journée du Livre et du Vin à laquelle j'étais invité avec mes propres ouvrages.
Page 20, ce tableau que je ne connaissais pas :
Autoportrait avec le docteur Arietta (1820) (Institute of arts, Minneapolis). D.R.
Traduction de l'inscription, jugée en général autographe, visible au bas du tableau, (In Tout l’œuvre peint de Goya, Les classiques de l'Art/Flammarion [1976], page 132) : Goya, en signe de gratitude, à son ami Arieta pour le soin et la clairvoyance qui lui sauva la vie durant la maladie aiguë et dangereuse dont il souffrit à la fin de 1819, à l'âge de 73 ans. Il l'a peint en 1820.
*
Extraits - pages 77 à 79 - de l'ouvrage de Jean-Paul Marcheschi, évoquant ce tableau :
Mensonge face à la mort
[...] Le voilà l'unique objet de l'art : le mensonge, la mort. Le mensonge face à la mort. Si l'art a quelque rapport avec la vérité, si l'on attend de lui quelque élucidation essentielle, il lui faut la mort. [...] Tous les bonheurs de convention, liés à la carrière, à la vie de couple, ses menus plaisirs domestiques, ses petits conforts, son luxe même, commencent à se fissurer. Le mensonge est dénoncé, et c'est tout le réel - social, conjugal, affectif - qui s'en trouve en fin de compte retourné. [...] Terrible dénonciation par Tolstoï [dans La mort d'Ivan Ilitch] de l'homme du socius, incapable de faire face à la douleur, dénonciation de l'homme façonné par le code, mais aussi critique corrosive de toutes les représentations sociales en tant qu'elles sont des abstractions inhumaines et glacées (famille, magistrature, corps médical). Guérassime [personnage de la nouvelle de Tolstoï] accomplit d'instinct les gestes justes qui calment la douleur et dispensent au souffrant douceur et dignité. Or c'est exactement ce que peint Goya dans le tableau de 1820 [voir ci-dessus], dans lequel l'artiste, au cœur même du désarroi provoqué par la maladie, se représente, assisté par le docteur Arietta. Offerte à son médecin en guise de remerciement, l’œuvre qui a tout d'un ex-voto bouleverse jusqu'à l'insoute-nable. Si elle n'est pas la plus virtuose, elle demeure néanmoins remplie de piété et de ferveur, et offre une clé essentielle pour la lecture des peintures noires. [...]
Inscrite au bas du tableau, la dédicace au docteur Arietta est sans équivoque. Le médecin est figuré à l'arrière de l'artiste, tenant dans sa main un verre d'eau. Son beau visage est emprunt de douceur et de bonté, et c'est sans doute l'unique secours que le peintre reçut dans l'épreuve. Le docteur Arietta est son Guérassime. Il occupe dans la vie du peintre la place tenue par le serviteur dans la nouvelle de Tolstoï. Il est l'"être du rachat". Lui seul a su le porter dans la maladie, l'accueillir, l'en sortir certainement. Un tel autoportrait est sans exemple dans l'art. Grandeur de Goya que d'avoir osé, sans flagornerie, se montrer dans une telle faiblesse, aux extrémités de l'égarement. Nul n'avait su avant lui exprimer pareille défaite, celle de la défaillance et du malheur débordant la vie.