12 mars 2011

Montreuil-Bellay : J. S., un quelconque citoyen


Souvent titillé par mes maires, quand la nouvelle me traite publiquement de "quelconque individu", quand le démissionnaire m'a dit dans la presse "soi-disant historien", soi-disant n'étant pas le terme propre -- ou alors pensez à l'expression "le soi-disant mort", ce dernier disant qu'il est mort à qui veut l'entendre -- puisque je me présente toujours comme "instituteur", rarement comme "historien local", je dois bien quand même me défendre.
Et pour ce, j'utiliserai les armes de mes pourfendeurs, l'apostrophe.

Donc, afin que mes compatriotes montreuillais... et les autres, n'entendent pas qu'un seul son de cloches, sans humour bien sûr, et à prendre évidemment le mot "cloche" au sens propre, je donnerai mon point de vue sur toutes sortes d'anecdotes qui touchent et ma ville et moi-même.

Miracle de la presse municipale => ce mardi 10 septembre, une dame de Montreuil attentionnée m'a signalé m'avoir vu - en arrière-plan, quand même ! - dans la plume de septembre 2013 en photo avec ma maire... et regardant dans la même direction... Incroyable !

Revenons aux "choses" sérieuses... Voici quelques petites histoires subjectives à comparer avec celles dites ou publiées dans la presse.

- Ce quelconque individu
- Un morceau du monument du Mail
- Un nom pour la salle des fêtes
- La nouvelle gendarmerie aux Vacheries
- On récupère sans vergogne
- On me copie en écrivant n'importe quoi
- A côté de la plaque
- Un faux historique : le lotissement du Petit-Anjou

Cliquer sur les illustrations pour les agrandir.


* Ce quelconque individu
Puisqu'il faut bien commencer, commençons par la dernière en date, dont j'ai déjà en partie parlé. (Voir dans les dossiers de ce blog : Pour solde de compte...).

Le maire de Montreuil ayant (officiellement) démissionné en avril 2010, fut élue à sa place une dame. Il s'est avéré que la nouvelle maire de la ville était ma voisine, à trois maisons de la nôtre, rue de la Salle.
En bon voisin poli, voire galant, je lui portai le soir même de son élection un exemplaire d'un ouvrage que j'avais publié une première fois en 1982 sur L'Historique des mairies de Montreuil-Bellay. Je l'avais rédigé à l'occasion de la restauration de l'immeuble, et enrichi en 1989 pour le bi-centenaire de la Révolution et l'élection du précédent maire démissionnaire. J'avais alors demandé aux Montreuillais qui désiraient l'obtenir de s'inscrire, l'ouvrage ayant été reproduit seulement en photocopies. Dans l'exemplaire relié que j'ai porté à la nouvelle élue, j'avais ajouté à la main son nom et la date de sa promotion.
Quelle ne fut pas ma surprise de lire récemment dans la presse, sous la plume de la maire, que je n'étais pour elle qu'un quelconque individu qui ne pensait qu'à se mettre en avant ! Surprenante assertion, en effet, d'une personne qui avait elle-même justement désiré se placer on ne peut plus au-devant de la scène locale...

Le Courrier de l'Ouest, Saumur, jeudi 13 janvier 2011

Constatant le peu de cas qu'elle faisait et du citoyen et de l'auteur, je lui demandai de me rendre un ouvrage qu'elle ne lirait sans doute pas, venant d'un tel individu, et que je pourrais offrir à quelqu'un qui, lui, intéressé par le sujet, me le demanderait.
Je l'ai récupéré hier matin à l'accueil de la Mairie.

Je comprends mieux maintenant l'expression populaire qui dit qu'un cadeau fait souvent plus plaisir à celui qui l'offre qu'à celui qui le reçoit.

Pourtant, un cadeau qui fait plaisir : en réponse à cet article du jeudi 13 janvier de la maire de Montreuil-Bellay qui me traite, pardon, qui me qualifie de quelconque individu, je reçois à peine quelques semaines plus tard, le 12 mars, une lettre de la préfecture d'Angers qui m'annonce, en me félicitant vivement, que je suis nommé chevalier dans l'ordre des Palmes académiques par décret du 1er mars pris sur le rapport du Ministre de l'Education Nationale.
Lettre suivie peu après des félicitations personnalisées du préfet, du conseiller général, du député, de l'inspectrice d'Académie, et même de Madame Roselyne Bachelot-Narquin, notre compatriote ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale.

Etonnant ! n'est-ce pas, comme se plaisait à dire à chaque instant feu le talentueux et pessimiste Pierre Desproges qui connaissait bien l'insondable profondeur de ses semblables.


* Un morceau du monument du mail

Une plaque de bronze s'ennuyait depuis des lustres, c'est-à-dire depuis un temps certain, dans un coin des ateliers municipaux, à Belle-Vue quand un employé municipal me demanda de venir voir ce qu'il pouvait être... J'appris par la suite qu'il s'était fait admonester - pour rester poli - pour m'avoir contacté !!!


J'examinai donc attentivement la lourde pièce et constatai qu'elle présentait les armoiries de la ville. Elle me disait bien quelque chose que j'avais déjà vu, mais quoi ?
Ayant pris une photographie, je consultai mes archives et remarquai sur de vieilles cartes postales que la même plaque apparaissait sur le monument du mail à la gloire de quatre illustres Montreuillais d'autrefois. A la place sur le site, il n'y avait plus qu'un trou qui correspondait parfaitement à une pointe au dos de la dite pièce. J'appris en même temps que c'était Narcisse Lemoine, récupérateur de ferrailles diverses, qui l'avait donnée à la municipalité.
Je publiai aussitôt un article dans la presse, le 10 septembre 2004, illustré par une carte postale du monument avec sa plaque, carte postale datée de 1905.
J'ai donc su que l'on me demandât conseil n'avait pas exactement plu au maire de l'époque, mais la plaque de bronze reprit vite et normalement sa place, ce qui était le plus important...

Puis le monument fut à son tour déplacé... et enterré - puisqu'on avait décidé d'en supprimer le socle - loin des regards derrière le kiosque à musique.
Pourquoi l'avoir déplacé quand il ne gênait personne, bien en vue pour tous ceux qui empruntaient l'avenue Duret, du nom de l'une des quatre célébrités à l'honneur sur le monument ? Pierre Duret, 1745-1825, surnommé l'Ambroise Paré de la Marine française.
J'ai une explication, toute personnelle assurément, en l'occurrence celle d'un instituteur pensionné => Ce monument avait été érigé sur le mail en 1898 exactement face à l'école publique construite hors les murs 13 ans plus tôt ; érigé là sans doute pour que ces quatre hommes illustres nés à Montreuil-Bellay servissent d'exemples aux jeunes élèves de l'école. Les enfants avaient vieilli depuis, et la plupart des survivants avaient été recueillis par la Maison de retraite. Alors, par délicate attention, peut-être, la municipalité avait décidé de transférer le monument exactement face à l'une de ses entrées pour rappeler aux anciens leurs jeunes années d'écoliers...

Etonnant ! n'est-ce pas ?

Le monument sans sa plaque échouée dans les ateliers municipaux...
"Enterré", avec sa plaque, devant une entrée de la Maison de retraite.


* Un nom pour la salle des fêtes

Quand fut construite la salle des fêtes, route de Méron, la municipalité fit appel au peuple pour lui trouver un nom, celui-ci devant rappeler et la ville et l'une de ses spécificités.
Je proposai alors celui de "La Closerie", justifiant mon choix par ces deux données :
- Montreuil-Bellay a conservé presque intégralement son ancienne enceinte fortifiée qui en fit l'une des 32 villes closes de l'ancienne province de l'Anjou. J'avais d'ailleurs donné ce titre Montreuil-Bellay Ville close de l'Anjou à une brochure que j'ai publiée en 1993.
- La vigne est l'une des grandes richesses de la ville qui s'est donné un beau lycée vinicole, et l'on parle couramment d'un clos de vigne.
D'où ce nom de Closerie en déduction logique.
J'ai appris qu'il y a bien eu quelques réticences à retenir ce nom, qu'il faisait un peu trop Closerie des Lilas, célèbre café d'artistes et d'intellectuels parisien, mais il semble aujourd'hui accepté, bien dans ses murs, bref et facile à retenir.

Etonnant ! n'est-ce pas ?

La Closerie, entre la vigne, le collège et le cimetière
(Photo Michel Mercier)


* La nouvelle gendarmerie aux Vacheries

A Montreuil-Bellay, la gendarmerie a beaucoup voyagé au cours des décennies. Sa plus ancienne localisation connue fut à l'angle de la rue de la Seigneurie et de la rue Nationale, dans un immeuble aujourd'hui disparu qui abritait la Justice de Paix.
Une première demande avait été faite par les autorités le 1er mai 1791 : Il serait d'une grande nécessité d'avoir, pour la sûreté de cette ville, une brigade de gendarmerie. Demande renouvelée le 29 novembre 1795, mais il fallut attendre 1820 pour accueillir enfin nos premiers gendarmes.
En 1853, la caserne se trouve rue du Docteur-Gaudrez ; en 1857 dans la partie ancienne de l'actuel Hôtel du Bellay ; en 1862, à l'entrée de la place du Concorde où se trouve l'Office de Tourisme.
En 1922, elle passe de l'autre côté de la rue Nationale pour s'installer dans ce que l'on appelle "Hôtel Sestier de Champrobert", ou encore "Hôtel des Petits Augustins", qu'elle quitte en 1972 pour aller s'implanter au-delà de la voie ferrée, dans le quartier de la Herse.
La nouvelle gendarmerie vient cette fois de franchir la rivière pour gagner le lieu-dit Les Vacheries que traverse la route de Saumur. Quand Brassens eût chanté la délicieuse et malicieuse initiative de la municipalité montreuillaise, celle-ci, sans doute pensant que le nom rappelait un peu trop l'irrévérencieuse expression populaire Mort aux vaches... a préféré dès lors appeler l'endroit Les Coteaux du Thouet.

Etonnant ! n'est-ce pas ?

Extrait du cadastre Napoléon (1829)


* On récupère sans vergogne

En 1988, je faisais réaliser un plan illustré de la vieille ville, les dessins de quelques monuments et maisons remarquables ayant été exécutés à partir de certaines de mes photographies. Ce plan était protégé par un copyright La Houdinière VI-88.
Quelle ne fut pas ma surprise de le découvrir reproduit dans un plan touristique distribué par l'Office de Tourisme sans que j'en fusse averti et sans aucune mention de son origine !!!

Le plan original protégé par un copyright.

Le plan distribué aux touristes.
On a bien déplacé quelques dessins et ajouté plusieurs numéros,
mais aucune mention de l'emprunt...

Je sais bien que ces "emprunts" sont monnaie courante à Montreuil-Bellay ; je découvris pareillement un autre jour l'un de mes clichés de la Porte Saint-Jean - que des camarades m'avaient aidé à photographier sans ses panneaux de circulation - utilisé comme carte de vœux par un particulier très particulier... M'en étant étonné, j'appris que l'emprunteur aurait répondu que tout ce qui avait été publié tombait dans le domaine public.

Etonnant ! n'est-ce pas ?

* On me copie en écrivant n'importe quoi
En septembre 2009, les éditions Gallimard publiaient dans sa collection Encyclopédies du Voyage, un très bel ouvrage : Les patrimoines de France. 126 villes d'art et d'histoire, villes à secteurs sauvegardés et protégés.
J'ai d'abord été surpris que certaines villes y soient décrites, quand d'autres, comme Saumur, qui l'eût assurément mérité, n'y était pas. On m'apprit alors que les villes mentionnées se seraient engagées à acheter un certain nombre (important) d'exemplaires de l'ouvrage. Quelle chance pour l'éditeur !
Montreuil-Bellay figure donc parmi les élues, ayant versé au bassinet...

Nouvelle surprise de lire un passage de l'historique. Page 582 :
C'est dans la basse cour de ce premier château fort que l'agglomération, fixée tout d'abord le long du Thouet près d'un guet, va se développer.

Page 3 de ma brochure Montreuil-Bellay Ville close de l'Anjou, publiée en 1993, j'avais écrit :
[...] il faut sans doute attendre le Haut Moyen Age pour certifier l'existence, à proximité d'un gué sur la rivière du Thouet et au pied de l'escarpement sur lequel se trouve la ville actuelle, d'une petite bourgade groupée autour d'une première église.

un "gué" est devenu un "guet". Etonnant, n'est-ce pas ? Il y a bien eu mauvaise copie puisque ma brochure figure dans la bibliographie de l'ouvrage de Gallimard page 680.
Précisons aussi que l'agglomération ne s'est jamais développée dans la basse cour du château, aujourd'hui toujours libre de toute construction, mais autour du nouveau château sur le tertre...

* A côté de la plaque

Suite à une décision du conseil municipal, fut apposée sur les principaux monuments ou maisons remarquables de la ville une plaque gravée avec leur nom. Je ne sais pas qui a choisi les lieux à signaler, mais l'un d'eux m'interpelle particulièrement, ne serait-ce que parce que je l'avais étudié en détail, et j'avais même publié un ouvrage qui reprenait son historique : l'ancienne Mairie de Montreuil-Bellay, ou Hôtel de Ville, ou Maison de ville, ou Hôtel commun, ou plus exactement Maison commune, comme on disait sous l'Ancien Régime, tous ces noms ayant été retrouvés dans les archives. Je ne pense pas que le décideur eût lu mon étude avant d'officier, sinon il ne se serait pas trompé comme il le fit. La vraie Maison commune était en effet de l'autre côté de la plaque... Peut-être aurait-il pu me contacter, mais chez ces gens-là, on est assez grand pour décider seul.
La plaque est à droite, l'ancienne Maison commune à gauche.
La rupture de la couverture et de la corniche indique bien les deux parties construites en des siècles différents. Celle de droite fut ajoutée par un particulier à la fin du XVIIIème siècle.

Cette Maison commune, au haut de l'escalier Saint-Pierre et qui donnait sur la place du Marché, est décrite dans un texte d'archives daté du 20 août 1753. L'ensemble y était dit exigu et très vétuste :
La partie basse, régulièrement appelée "corps de garde"... La partie haute, "chambre haute", qui a été prêtée pour faire classe.
Les édiles se réunissaient dans la chambre haute.
La Mairie actuelle, construite à l'emplacement des halles, fut achevée en 1859.
La partie droite de la maison, sur la façade de laquelle a été malencontreusement fixée la plaque, a été bâtie en 1792.


* Un faux historique : le lotissement du Petit-Anjou

Montreuil-Bellay s'agrandit.
Au XIXème siècle, suite à l'arrivée en 1874 du chemin de fer, le gros bourg avait franchi sa vieille enceinte médiévale pour bâtir les terrains qui le séparaient de la gare.
Dans les années 1960, Edgard Pisani avait investi la Petite Champagne, au-delà de la voie ferrée, pour y implanter la ville moderne, dite La Herse.
Nos édiles de la première décennie du XXIème siècle ont choisi quant à eux de pavillonner le lieu-dit des Plantes, au sud des Vacheries, autrefois dans la défunte commune de Saint-Hilaire-le-Doyen, et une terre qui jouxte les anciennes gares, le long de la route de Coulon.
C'est ce second lotissement qui se moque de l'Histoire comme de l'an 40, comme on disait chez nous, puisque la municipalité du démissionnaire lui a abusivement donné le nom de Lotissement du Petit-Anjou.
Abusivement, car le Petit Anjou est une appellation que l'on pourrait dire contrôlée. Elle rappelle une double angevine ligne de chemin de fer : l'une, au nord de la Loire qui reliait Angers à Noyant-Méon ; l'autre au sud, Saumur à Cholet. Cette dernière ne desservait pas Montreuil-Bellay puisque de Saumur elle gagnait directement Doué-la-Fontaine après avoir traversé ou longé Chacé, Munet, Le Coudray-Macouard, Courchamps, Montfort-Cizay et Douces.
Le lotissement est bien construit à côté d'une seconde gare, plus petite que la grande des lignes Angers/Poitiers et Saumur/Thouars, mais elle était deux-sévrienne et non pas angevine. Elle était le point de départ de la ligne du tramway Montreuil-Bellay/Bressuire... ou d'arrivée, plutôt, de la ligne Bressuire/Montreuil-Bellay. Ce que j'ai expliqué dans un article de presse publié le 1er octobre 2004. Cette ligne qui n'était pas en site propre cheminait sur le bas-côté des routes.

Sur la gauche, la gare montreuillaise du Tramway des Deux-Sèvres,
non pas celle du Petit-Anjou comme fut écrit dans "La Plume".
Le chef de gare que l'on voit au centre était le père de Désiré Bossard
qui fut longtemps instituteur à Méron.

Je sais bien, et la prétendue réponse du démissionnaire que la rumeur m'a rapportée me l'a confirmé, Petit-Anjou était plus vendeur que Tramway-des-Deux-Sèvres, et j'aurais volontiers passé l'éponge sur cette intéressée entorse à l'Histoire, mais quelle ne fut pas ma surprise de découvrir en décembre suivant dans La Plume, publication de la Mairie montreuillaise, que l'on avait écrit Gare du Petit Anjou sur le bâtiment de l'ancienne gare du Tramway. Le faux devenait pièce d'archive pour l'avenir. En un mot, on se moquait bien des longues recherches d'un soi-disant historien... mais aussi de la culture des jeunes Montreuillais.

La déferrement de la ligne du Tramway des Deux-Sèvres commença le 10 septembre 1939, en partant de Bressuire ; les derniers rails furent enlevés en septembre 1940.
Celui du Petit-Anjou intervint en 1950.
De l'histoire ancienne, donc. Pour paraphraser un adjoint du démissionnaire, on pourrait dire qu'il ne faut pas que le passé hypothèque le présent, et pour vendre notre lotissement, continuons de l'appeler du doux nom de Petit-Anjou, et foin des archives et de l'Histoire...

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